Opel Manta

Pour affirmer sa position stratégique en matière d’électrification, Opel a dévoilé la Manta GSe ElektroMOD. Ce rétrofit nous ouvre ses portes pour un essai sur route.

Dans le tentaculaire groupe Stellantis, Opel a déjà négocié son virage énergétique vers le tout électrique. Une nouvelle ère qui a commencé avec le Mokka-e, qui marque le pas en matière de design, mains qui ne déclenche pas de passion débordante. C’est pourtant dans ce domaine qu’Opel envisage de revenir, faisant renaître la fibre sportive qu’elle a pu connaître il y de nombreuses années, avant de saboter sa gamme. Comme la majorité des constructeurs qui se jettent dans le bain de l’électrification totale, Opel doit donc marquer les esprits. Comme c’est presque de coutume aujourd’hui, c’est en regardant dans son rétroviseur quelle compte faire la bande-annonce de son futur. Et l’une des meilleures méthodes pour bien marquer au fer rouge les esprits, n’est autre que le rétrofit. Ou plutôt l’électromod, grosse nuance, à l’image de ce concept éponyme.

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La méthode, qui bat son plein aux Etats-Unis au point de donner naissance à une aile dédiée au Sema Show, diffère sensiblement du triste rétrofit que l’on connait chez nous. Car il ne s’agit plus exactement d’installer une chaîne de traction électrique dans une ancienne qui n’avait rien demandé, sans plus de modifications puisque bridées par la législation. L’electromod va beaucoup plus loin. Preuve en est avec cette Opel Manta GSe ElektroMOD. Un écho à la GT/E originelle, qui annonçait alors l’arrivée d’une nouvelle griffe sportive et électrique GSe (pour Grand Sport Electric) au sein de la gamme. Mais Opel a les moyens que d’autres garages indépendant n’ont pas tout à fait, et a pu s’autoriser un travail qui impose le respect. Certes, sans doute pas celui des lignes originale de la Manta. Mais l’exécution est parfaite.

Des pièces imprimées en 3D

A peine reconnaissable, le coupé des années 70 arbore une calandre Vizor similaire à celle du Mokka-e, elle aussi inspirée par la calandre de la Manta. La boucle temporelle est bouclée. Derrière la vitre se trouve un panneau constellé de pixels lumineux à LED qui permettent de diffuser des messages, ou de faire apparaître le logo GSe de manière totalement numérique. La poupe a également subi des modification avec notamment l’apparition d’optiques rondes, aussi minimalistes qu’irrésistibles. Pour toutes ces modifications, Opel affirme avoir eu recours à la numérisation 3D de la caisse afin de modéliser et produire via impression 3D les pièces nécessaires. Un niveau au dessus de la fabrication de panneaux en fibre de verre.

Pour répondre à son statut, le coupé a été abaissé sur des jantes de 17 pouces, qui annonçaient alors les Commodore que l’on retrouve désormais sur les GSe hybrides rechargeables actuelles. Elle ont spécialement été fabriquées par Ronal, éminent spécialiste de la jante et partenaire de confiance de la marque, qui a chaussé les Opel depuis la Monza à la Kadett, en passant par la Corsa A avec ses roues à trois branches. Chacun sera libre d’apprécier ou non le ratio entre la taille des jantes et les volumes du coupé. Mais il est vrai qu’une caisse abaissée sur des Ronal R10 Turbo B/FC de 15 pouces aurait pu avoir un rendu autrement plus harmonieux.

Un tableau de bord d’Opel Grandland

L’habitacle est tout aussi surprenant puisqu’il conjugue brillamment la tradition à la modernité. L’architecture générale, le frein à main, le pédalier et bien sûr la commande de boîte sont strictement d’origine. En revanche, les habillages ont entièrement été revus avec une sellerie en Alcantara et l’intégration de siège baquet de l’Opel Adam S.

Mais le plus impressionnant n’est autre que le nouveau tableau de bord, qui reprend le Pure Panel désormais cher à la marque depuis son apparition sur le nouveau Mokka. Cependant, ce tableau  n’est plus vraiment inédit, puisqu’il est identique à celui que l’on retrouve à bord de l’Opel Grandland restylé. Il est composé d’une instrumentation de 12 pouces et d’un écran central de 10 pouces. L’affichage de ce show car est on ne peut plus simpliste avec trois cadrans (charge sur l’accélérateur, vitesse, charge restante dans la batterie), alors que la dalle centrale diffuse des clips promotionnels.

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Quick Response Code

Laboratoire technologique et marketing, l’Opel Manta GSe ElektroMOD a aussi inauguré les iQR Code. Il s’agit plus exactement d’un tout nouveau type de logo, qui peut prendre n’importe quelle forme tout en embarquant un code numérique. C’est le cas de la raie dessinée en bas de l’aile de cette Manta, qui renvoie pour le moment au site presse de la marque. Mais dans le futur, Opel envisage de parer ses modèles d’iQR Code plutôt que des badges traditionnels. Et ce afin de permettre à d’autres personnes, piétons ou usagers de la route, de scanner le code pour entrer en contact avec le conducteur via l’écran d’infodivertissement. Cela permettrait aussi à un atelier de réparation agréé d’accéder directement à la facturation du client en débitant le montant des réparations, pouvant même se faire en crypto-monnaie. Tout un programme plutôt idyllique pour l’heure, mais piloté très sérieusement par Hara Masahiro Junior II, le designer en chef des iQR Code chez Opel… et l’un des descendants de Hara Masahiro, l’inventeur du QR Code en 1994 !

 

Une surcharge de 175 kg

N’entrant pas dans le détail, l’un des responsables du projet nous a indiqué que la suspension et les trains roulants avaient fait l’objet de mise à jour avec des pièces modernes. Même choix technique en ce qui concerne le système de freinage, avec l’apparition de disques à l’arrière à la place des freins à tambours. Une volonté pour respecter la tradition restomod, mais aussi pour se montrer un peu plus à la hauteur de la nouvelle motorisation. Car si les performances sont davantage supposées pour un véhicule qui ne sert qu’à faire de la démonstration, il doit dans tous les cas faire face aux 175 kg supplémentaires (un poids total de 1 137 kg), dont 170 kg de batterie dans le coffre.

Contrairement à d’autres réalisations, à l’image de la Datsun Sunny Truck, la Manta ne récupère pas une batterie en provenance de la banque d’organe du constructeur. Il s’agit d’une unité sans doute cubique de 31 kWh fournie par un spécialiste du rétrofit en Allemagne. Mais nous n’avons pas pu plonger le nez dans la soute pour la voir de plus près, l’ouverture du coffre et du capot n’étant pas possible : “il n’y a rien à voir de spécial à voir, et en raison de la tension, on doit respecter des règle de sécurité”, nous confirme-t-on. L’intégration de tout ce beau monde n’a sans doute pas vraiment dû faire l’objet d’un passage par le bureau contrôle qualité, comme c’est souvent le cas avec les show car. Seul ouvrant utilisable en dehors des portes : le bouchon de recharge (il s’ouvre comme celui du réservoir), où l’on peut faire le plein d’électrons en 4h00 avec la prise Type 2 (courant alternatif).

Une boîte manuelle pour cette Opel Manta

Le pack de cellules alimente maintenant une machine électrique de 147 ch pour 255 Nm de couple. Voilà qui permet à la Manta de viser un vitesse de pointe de 150 km/h. Performance que nous n’auront ni le temps ni la permission d’aller vérifier. Et en tout état de cause, là ne se trouve pas l’intérêt de cette transformation, qui est surtout un outil de communication et un micro laboratoire. Le fin volant à trois branches entre les mains, on retrouve presque les sensations que nous avons pu découvrir derrière le volant de la Renault 5 R-Fit, ou de la Triumph Spitfire. A la différence près que la direction se montre ici particulièrement légère, alors qu’elle ne dispose d’aucune assistance de direction. Voilà qui participe à la facilité de prise en main dans cet univers. De plus, la modification des suspensions apparaît bien étudiée puisque le comportement ne respire plus les années 70.

Comme souvent avec ce genre de transformation, le moteur électrique est en prise directe avec la boîte à vitesse, d’origine ici. Reste à bien intégrer le mode d’emploi : pied sur le frein ou accélérateur complètement relâché en conduite, on débraye, on change le rapport, on embraye, puis on reprend l’accélérateur seulement à la fin de la chorégraphie. Facile, ou presque. Le couple omniprésent n’oblige pas à partir en 1ère. Il est même assez déconseillé de le faire en dehors d’une pente raide, au risque de faire fumer les pneus arrière. Reste ainsi trois autres rapports pour évoluer.

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Cependant, les concepteurs conseillent d’enclencher la 4ème pour profiter d’un mode automatique. Un bien grand mot qui cache surtout un rapport de démultiplication assez proche de celui d’un réducteur de voiture électrique lambda. Il n’y a donc plus qu’à accélérer ou freiner. Utile pour ne pas se prendre la tête avec le manche, mais nous avons davantage apprécié le 3ème rapport, qui montre le bon compromis entre disponibilité et allonge. De là à y trouver un intérêt aux boîtes à vitesse pour électriques sur lesquelles travaillent Bosch, Toyota ou ZF ? Ne remuons pas trop le couteau dans la plaie de la provocation.

Mais il faut dire que le maniement du levier participe aux sensations de plus en plus anesthésiée avec les électriques : anticiper un changement de rapport, bouger sa main droite autrement que pour pianoter maladivement sur un écran et ressentir de furtives vibrations supplémentaires en provenance de la transmission, voilà qui est intéressant. Pas indispensable bien entendu, mais intéressant puisque cela permet de profiter du meilleur des deux mondes dans un engin avant tout récréatif.

Un rétrofit homologué

Car c’est bien là l’intérêt de l’opération, même s’il n’est pas tout à fait nécessaire de relancer le débat sur la thématique du rétrofit, à la théorie bien éloignée de la pratique. De l’aveu de l’un des responsables du projet ElektroMOD qui nous a accompagné ce jour là, le rétrofit des voitures particulières, anciennes ou plus modernes, a un avenir très limité. Bien sûr, cela permet de s’affranchir de la fiabilité capricieuse des vieilles mécaniques, ne pas se creuser la tête pour effectuer des réparations à l’heure où les compétences disparaissent (combien sauront régler un carbu’ dans 20 ans ?), ou de ne pas être immobilisé à cause de pièces manquantes. Cela permet aussi de s’immiscer dans les centres villes devenus allergiques aux carbu’ justement. Mais cela inquiète-il vraiment les collectionneurs ? Absolument pas !

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En revanche, l’Opel Manta GSe ElektroMOD innove là où les rétrofit habituel ne le peuvent pas : le restomod. Une pratique totalement interdite en France, où le cadre législatif ne permet pas de tirer encore la substantifique moelle du rétrofit : rendre une ancienne plus moderne que jamais. N’est-ce finalement pas là, aussi, l’une des missions que devrait remplir la pratique ? Car à aucun moment cette Manta ne nous a semblé meurtrie par l’apparition de nouvelles spécificités, que ce soit en terme de puissance ou de poids, et encore moins dangereuse sur la route. Au contraire de la Renault 5 R-Fit que nous avions pu essayer par exemple, qui peinait sérieusement à digérer la transformation !

Mais rappelons pour l’excuser que chaque modification doit alors faire l’objet de couteuses homologations. C’est pour cette raison qu’Opel ne proposera donc jamais de kit de transformation pour les anciennes de son histoire, et ne donnera aucune suite à la Manta GSe ElktroMOD. D’une part l’absence d’airbag, de l’ABS et d’autres béquilles électroniques modernes n’iront pas plus loin que le bureau d’accueil d’un organisme d’homologation. Et d’autre part parce que ce n’est pas aussi dans les projets d’Opel, contrairement à certains constructeurs américains où il existe un véritable marché libre aux USA. Cependant, cela n’a pas empêché cette Manta de recevoir l’approbation de la part du TüV, avec un contrôle technique en bonne et due forme lui permettant d’embarquer des plaques d’immatriculation !