Dans les situations critiques, certains conducteurs n’hésitent pas à se coller au dos des camions pour sauver l’autonomie. La méthode est-elle efficace ? On mesure les différences.

Depuis ces derniers mois, le réseau de bornes de recharge se densifie à un rythme soutenu. Sur autoroute, les portions jusque là délaissées accueillent de plus en plus de stations de recharge rapide. Si bien que voyager en voiture électrique, même si elle n’est pas du tout taillée pour l’exercice au départ, est parfaitement possible sans finir sur une dépanneuse. Cependant, force est de constater que les autonomies et les solutions de ravitaillement ne sont pas au niveau des voitures thermiques, et moindre excès d’optimisme peut signer la fin de la partie.

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Dans ces situations, sauver la charge de la batterie en consommant le moins possible est primordial. Et de nombreux gestes permettent d’y parvenir facilement. Si éteindre les phares ou la radio n’a absolument aucun intérêt, il convient de jouer sur les principaux postes de consommation d’une voiture électrique : réduire ou éteindre le chauffage en fonction du système embarqué et abaisser drastiquement sa vitesse. Dans ce dernier cas l’intensité demandée à la batterie est moindre, tout comme la résistance aérodynamique. Mais pour aller encore plus loin dans les économies, certains n’hésitent pas à lécher le dos des camions. Le jeu en vaut-il la chandelle ? On fait le point avec des voitures à l’aérodynamique peu favorable.

La résistance aérodynamique, c’est quoi ?

A l’instar de l’eau, l’air est un fluide qui engendre des résistances lorsqu’un corps le traverse. A ce moment, plusieurs traînées se manifestent autour de la masse en question. Nous n’évoquerons pas les différents types de trainée en raison de leur caractère abstrait pour le commun des conducteurs, à l’image de la trainée de surface relative à la surface de la carrosserie. On préfèrera se concentrer sur le coefficient de trainée (Cx), qui caractérise la capacité d’un corps à pénétrer dans l’air.

Ce sont ces efforts physiques qui permet à la goutte d’eau d’adopter sa forme si caractéristique lorsqu’elle tombe avec, derrière elle, une trainée quasi-nulle. Il s’agit là de la forme la plus aérodynamique possible avec un coefficient de 0,04. Une valeur logiquement impossible à atteindre pour un véhicule en raison de sa forme immuable. Toutefois, les constructeurs s’efforcent d’étudier et de développer des formes les plus aérodynamiques possibles pour leurs modèles. Car plus le coefficient est faible, plus l’effort pour évoluer au sein du fluide sera faible, et moins la consommation d’énergie sera importante.

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Cependant, le Cx n’est qu’une variable d’une équation bien plus importante pour appréhender les performances aérodynamiques d’une voiture : le SCx. Il s’agit du coefficient de trainée aérodynamique rapporté à la surface frontale. Ce n’est sans doute pas un hasard si cette donnée manque très généralement à l’appel sur les fiches techniques, même sur celles des fabricants les plus transparents. Comme souvent, certains constructeurs préfèrent orienter l’opinion vers une donnée sans grande valeur, en occultant une variable qui peut drastiquement faire changer le résultat. Voilà pourquoi il ne faut pas comparer les véhicules entre eux à la seule lecture du Cx qui, rappelons-le à titre d’information, n’est soumis à aucune homologation en bonne et due forme.

L’aérodynamisme automobile est une science très complexe qu’il est difficile de vulgariser. Mais de manière générale, plus un véhicule est long, plus le Cx pourra être amélioré en maîtrisant l’écoulement de l’air le long du véhicule. Encore faut-il que la fuite soit la plus progressive possible, à l’image d’une silhouette d’une Lightyear 01 par exemple. A l’inverse, les petits véhicules ne disposent pas d’autant de place. Le Cx n’est alors pas optimal. Cependant, leur surface frontale est logiquement moins importante qu’avec un véhicule plus gros.

Pour calculer cette dernière sans prise de tête, il suffit de multiplier la largeur (sans rétroviseur) par la hauteur (sans la garde au sol). Certes la méthode n’est pas scientifique et fait l’impasse sur l’influence des rétros et de la largeur des pneus sur les consommations, mais elle permet de donner une vague idée. Fiat ne communique pas le Cx de la nouvelle 500e (la première du nom affichait une valeur de 0,311). Toutefois, avec sa surface frontale, le SCx se situerait autour de 0,75. Avec un Cx de 0,285, le Volkswagen ID. Buzz présenterait un SCx proche de 1,01. Ce sont ces deux véhicules que nous avons décidé d’étudier.

Notre protocole de mesure

Pour ce test, nous avons emprunté le même parcours, dans les deux sens, qui nous sert de référence pour mesurer les consommations à des vitesses fixes (110 et 130 km/h). C’est une autoroute droite et sans relief véritablement pénalisant pour l’exercice du jour. Un point important pour que les camions aient peu ou prou la même vitesse moyenne (la moindre pente fait ralentir fortement les poids-lourds chargés). Sans savoir si cela a un réel intérêt ou non, nous avons quand même fait le choix de nous mettre dans le sillage du même type de remorque d’un poids-lourd parfaitement conventionnel (pas de citernes ou de remorque pour le transport de bois par exemple). Nous avons commencé par suivre un camion dans les deux sens afin de définir une vitesse moyenne de référence. Toujours au régulateur, nous avons ensuite tenté de la conserver avec les autres poids-lourds, et elle nous a enfin servi de référence pour effectuer une mesure de consommation sans camion devant la calandre. Tout au long de ces exercice, la climatisation était coupée pour écarter les variations sur la consommation. Enfin, seule la valeur relative nous intéresse ici (l’écart en pour cent), et non pas la valeur absolue (en kWh/100 km), même si cette dernière n’est pas à ignorer totalement.

Quelle différence de consommation entre 130 et 90 km/h ?

A une vitesse fixe de 130 km/h, nous avons relevé une consommation de 32,7 kWh/100 km à bord de l’ID. Buzz. Dans ces mêmes conditions, la Fiat 500e culmine à 23,4 kWh/100. Au regard de leur batterie respective, cela leur autorise une autonomie totale théorique de 235 et 159 km.

Abaisser la vitesse à 90 km/h (ou tout du moins à 89 km/h pour reprendre la vraie moyenne imposée par les camions) permet déjà de faire des économies substantiels. Avec le Volkswagen ID. Buzz, nous avons noté une moyenne de 23,5 kWh/100 km à cette vitesse. Soit une différence de -28 % en matière de consommation, pour une autonomie supérieure de 39 %. Cela se traduit théoriquement par 93 km de plus sur un plein complet (328 km contre 235 km).

Consommations instantanée à vitesses fixes (moyenne A/R)
Fiat 500e Volkswagen ID. Buzz
Conso. à 130 km/h (kWh/100 km) 23,4 32,7
Autonomie à 130 km/h (km) 159 235
Conso. à 90 km/h (kWh/100 km) 14,5 23,5
Autonomie à 90 km/h (km) 257 328

Avec la citadine italienne, la différence est encore plus marquée : en présentant un appétit de 14,5 kWh/100 km à 90 km/h, la 500e affiche une conso’ inférieure de 38 % pour 62 % d’autonomie en plus. Ainsi, la batterie de 37,3 kWh peut théoriquement fournir de l’énergie sur 257 km au lieu de 159 km (98 km de plus).

Evoquer l’autonomie totale est n’est toutefois pas représentatif de la réalité. Car la grande majorité des conducteurs commenceront à lever le pied à l’approche de la réserve. Dans ce cas, réduire la vitesse de 130 à 90 km/h permettrait d’économiser, selon ces relevés, près de 19 km d’autonomie avec 20 % de charge restante.

Quelle différence de consommation derrière un camion ?

Cependant, cela n’est sans doute pas suffisant pour certain, qui cherchent alors à réaliser encore plus d’économies en se ventousant aux portes arrière d’une camion. Avec le régulateur de distance positionné au plus loin, les deux voitures laissent l’équivalent de deux bandes d’écart avec le véhicule qui précède. Cela correspond, à quelques mètres près (nous n’avons fait qu’une estimation visuelle), à une distance de 91 m comme recommandée par le panneau SR2c. Soit près du double de la distance de sécurité réglementaire à cette vitesse (54 m).

Consommations instantanée à 90 km/h (moyenne A/R)
Fiat 500e Volkswagen ID. Buzz
Conso. sans camion (kWh/100 km) 14,5 23,5
Autonomie sans camion (km) 257 328
Conso. au plus loin (kWh/100 km) 13,9 22,8
Autonomie au plus loin (km) 268 337

A cette distance du camion, nous avons mesuré une consommation de 22,8 kWh/100 km avec le van électrique et de 13,9 kWh/100 km avec la 500e. Par rapport au précédent scénario (90 km/h, sans camion), cela représente une différence de -3,0 % (-0,7 kWh/100) et de -4,1 % (-0,6 kWh/100 km) respectivement. En matière d’autonomie, cela permet de sauver près de 10 km sur un plein complet dans les deux cas, ou 2 km pour 20 % de batterie.

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Avec le régulateur de distance réglé au plus près du poids-lourd, les écarts commencent à être sensibles en cela que le véhicule ne laisse qu’un peu plus d’une seule bande de marge. Ce qui équivaut à près de 50 m, le minimum légal à cette vitesse. Dans ce cas là, le Volkswagen ID. Buzz a affiché une moyenne de 20,7 kWh/100 km (372 km d’autonomie totale), alors que la Fiat 500e est tombée à 12,3 kWh/100 km (303 km). Par rapport à une vitesse fixe de 90 km/h sans camion, la différence de consommation est de -11,9 % (-2,8 kWh/100 km) et de -15,2 % (-2,2 kWh/100 km) respectivement ! Sur un plein complet, l’économie moyenne est de 45 km d’autonomie, soit 9 km avec 20 % de batterie.

Consommations instantanée à 90 km/h (moyenne A/R)
Fiat 500e Volkswagen ID. Buzz
Conso. sans camion (kWh/100 km) 14,5 23,5
Autonomie sans camion (km) 257 328
Conso. au plus près (kWh/100 km) 12,3 20,7
Autonomie au plus près (km) 303 372

Par rapport à une vitesse de 130 km/h, le bilan est sans appel : le van peut profiter d’un rayon supplémentaire de 137 km sur un plein complet, alors que la 500e gagne 144 km ! Une basique règle de trois permet d’estimer le gain moyen à près de 28 km d’autonomie pour 20 % de charge restante. De quoi sauver plus d’un voyage !

Cette pratique est-elle légale ?

Dans les deux cas de figure, le régulateur de distance adaptatif respecte la distance de sécurité légale. Tout du moins la distance supposée, puisque la législation stipule que la distance de sécurité minimale à respecter correspond à l’espace parcouru en deux secondes. À 90 km/h, celle-ci est de 54 m très exactement, soit un trait de bande d’arrêt d’urgence et un intervalle (39 m + 13 m). Avec le régulateur positionné au plus loin, cela permet d’avoir une conduite rassurante. Cependant, si les bénéfices en matière de consommation et d’autonomie existent, ils sont plus limités. Mais c’est surtout le confort de conduite qui est dégradé : alors dans les zones de turbulences engendrées par les camions, les voitures peinent à filer droit. C’est ce que nous avons remarqué avec nous deux protagonistes, qui sont de plus sensibles au vent. Surtout avec l’ID. Buzz, qui a difficilement digéré l’exercice avec des capteurs de maintien dans la voie affolés par les remous d’airs.

Récapitulatif de nos mesures
Fiat 500e Volkswagen ID. Buzz
A 130 km/h 23,4 (159 km) 32,7 (235 km)
A 110 km/h 19,0 (196 km) 25,2 (306 km)
A 90 km/h 14,5 (257 km) 23,5 ( 328 km)
A 90 km/h (régulateur au plus loin) 13,9 (268 km) 22,8 (328 km)
A 90 km/h (régulateur au plus près) 12,3 (303 km) 20,7 (372 km)

Avec le régulateur au plus proche, le véhicule est à l’abri des remous. Les passagers sont bien moins secoués alors que les bénéfices sont encore plus importants. Reste que si vous n’êtes pas dans l’illégalité (selon les conditions climatiques), il faudra être à l’aise avec l’exercice, et avoir une solide confiance en ses capacités à réagir rapidement en cas de freinage brusque !

Enfin, des plus futés imagineraient sans doute que se rapprocher davantage du camion permettrait de réduire encore plus les consommations. Outre le fait que le comportement est complètement irresponsable, le non-respect des distances de sécurité est passible d’une amende de 4ème classe, avec un retrait de 3 points sur le permis et une amende de 135 €. Surtout, les gains sont marginaux : le régulateur n’étant plus actif à ce moment, il est difficile de tenir un rythme stabilisé derrière un camion si proche. A moins d’être vraiment doué avec la pédale de droite, la conduite en accordéon que cela engendre ne permet pas de profiter d’une résistance aérodynamique quasi nulle. D’après nos nombreux calculs, on économiserait qu’une dizaine de kilomètres sur un plein complet par rapport au régulateur fixé au plus près du camion.

Coller un camion, une bonne idée ?

Nous n’avons pas effectué ce test avec chaque cran permis par les régulateurs de distances. Là n’était pas le but de cet exercice. En revanche, chaque extrême présente des avantages et des inconvénients, que ce soit en matière de conduite et d’autonomie. Pour faire plus simple, vous pouvez toujours positionner le régulateur sur une valeur intermédiaire, à environ 70 m du camion (un trait et demi plus un espace). Pour information, il s’agit de la distance légale (72 m) à 130 km/h. Chaque conducteur jugera la nécessite de pratiquer cette conduite. Cependant, nous pensons qu’elle doit rester exceptionnelle afin de pouvoir rejoindre une station et éviter la panne sur le bord de la route (espérance de vie estimée à 20 minutes sur la bande d’arrêt d’urgence). Et c’est notamment le cas pour les citadines, à l’aérodynamique défavorable du fait de leur gabarit ramassé et équipées d’une minuscule batterie.

En tout état de cause, elle ne doit certainement pas être la norme. Conduire derrière un camion est stressant, même en doublant la distance de sécurité légale. Surtout, les temps de trajet sont considérablement allongés : il faut théoriquement compter 5 h 34 pour effectuer 500 km à 90 km/h, contre 4 h 33 à 110 km/h. Selon nos estimations (cela est donc théorique), poursuivre un camion sur 500 km avec le Volkswagen ID. Buzz aurait permis de parcourir le voyage en 6 h 05 (un seul arrêt recharge), contre 5 h 32 (trois recharges) aux vitesses habituelles.