consommation auto

Après avoir maintenu sous perfusion de subvention un marché automobile complètement saturé, le gouvernement va t-il une nouvelle fois céder à la pression des lobbys et des vieux démons pour tenter coûte que coûte de sauver une industrie qui tarde à se réinventer ?

C’est une annonce qui est passée presque inaperçue. Le 28 mars, le gouvernement a présenté un projet loi permettant le déblocage des primes de participation investies par les salariés dans un plan d’épargne salariale. Objectif : permettre aux salariés concernés1 de pouvoir débloquer les sommes correspondantes2 pour l’achat d’un véhicule neuf. Une proposition sortie tout droit du CCFA3 pour soutenir, coûte que coûte la consommation automobile en France alors que dans le même temps, les français essayent tant bien que mal de réduire leur dépendance à l’automobile en adoptant des comportements plus vertueux et plus économes pour le porte-monnaie : ter, covoiturage, autopartage, vélo, transports collectifs, etc…

I. Préparer le futur plutôt que sauvegarder le passé

A l’heure où tout devrait être mis en oeuvre pour aider les français à consommer mieux et moins, c’est le genre de proposition qui une nouvelle fois illustre l’incohérence du gouvernement lorsqu’il s’agit de vraiment préparer l’avenir.

Car la démonstration n’est plus à faire que cet argument du rajeunissement du parc automobile est tout sauf une bonne idée au plan environnemental. Surtout dans un contexte où, crise aidant, les automobilistes français roulent de moins en moins.

Même au plan économique la mesure est très discutable : à quoi bon utiliser l’épargne des français pour acheter des voitures à pétrole (les véhicules électriques représentent moins de 1 % du marché du neuf) plutôt que d’encourager la rénovation thermique des logements anciens par exemple? Un bilan économique sérieux sur 10 ans montre que dans le 1er cas, l’achat d’automobile contribue indirectement à entretenir la dépendance pétrolière de notre pays.

Dans le second, les économies d’énergie réalisées grâce aux travaux d’amélioration thermique (beaucoup plus créateurs d’emplois que de faire tourner des usines d’automobiles) sont un moyen efficace d’améliorer la performance énergétique des bêtiments, de réduire la facture énergétique moyenne des ménages (électricité, gaz, fioul…), de préparer l’avenir. La mesure a beau ne pas coûter 1 centime d’euro à l’Etat, elle est loin d’être le meilleur moyen de créer des emplois pérennes dans les territoires. Du coté de l’industrie automobile, elle n’est en réalité qu’un moyen de reculer pour mieux sauter, plus tard…

II. Encourager les comportements vertueux en améliorant l’information des consommateurs.

On ne le répétera jamais assez : en matière automobile, c’est d’abord l’usage que l’on fait d’un véhicule qui contribue à en faire un véhicule « propre » ou pas. C’est un des plus gros défauts du bonus/malus : son incapacité à prendre en compte l’usage réel qui est fait du véhicule. Résultat : entre un véhicule malussé qui passe l’essentiel de son temps à rouler sur route et autoroute le coffre à bagage plein et une citadine Diesel bonussée, utilisée majoritairement en ville et/ou sur petits parcours, le dispositif peine à convaincre quant à sa pertinence. Surtout lorsque l’on s’intéresse à autre chose que les seules émissions de CO2.

Heureusement, depuis le 1er janvier, le durcissement du dispositif a permis de réduire assez significativement le nombre de véhicules ayant droit au bonus écologique comparativement à ce qui était le cas il y a quelques années de cela. Hélas, beaucoup de petites voitures Diesel affichées comme des championnes du CO2 restent éligibles à un petit bonus quand bien même les émissions de CO2 réelles qu’elles génèrent en utilisation urbaine notamment, sont très supérieures aux valeurs constructeurs.

Une aberration face à laquelle, de plus en plus de professionnels reconnaissent qu’il y a urgence à faire évoluer les méthodes conventionnelles de calcul des consommations plutôt que de persister dans le mensonge. Surtout avec la commercialisation à venir de nombreuses nouveautés hybrides et hybrides rechargeables, pour lesquels le cycle MVEG donne des valeurs de consommation complètement théoriques sorties tout droit du monde de Martine !

III. Accompagner les mutations en cours et favoriser la mixité des usages

Il faut prendre le temps de sonder et d’observer la jeune génération pour mesurer l’étendue des mutations en cours en matière de consommation automobile notamment. Compte-tenu des contraintes de plus en plus fortes qui pèsent sur l’automobiliste, à l’intérieur des grandes villes notamment, la voiture individuelle est indiscutablement en train de perdre du terrain face à l’ensemble des alternatives aujourd’hui disponibles. Un juste retour des choses pour celles et ceux qui se battent depuis des années contre la domination sans partage de la voiture à pétrole.

De ce point de vue, la voiture électrique se démarque franchement de la voiture à pétrole : moins polyvalente, elle oblige à imaginer la mobilité sous un nouveau jour, en considérant notamment l’énergie comme un paramètre clé de notre mobilité.

Parmi les secteurs en plein boom actuellement, le covoiturage. Beaucoup moins sexy que l’autopartage électrique c’est vrai, est pourtant tout aussi efficace sinon plus lorsqu’il s’agit d’améliorer l’efficacité énergétique du secteur transport. Avec plus de 2 millions de membres un peu partout en France et plus de 100 000 nouveaux inscrits par mois, la communauté des blablacar (ex covoiturage.fr) n’a plus grand chose de marginale. Baisse du pouvoir d’achat aidant (62 % des membres ont moins de 30 ans), la France est le pays d’Europe où le covoiturage progresse le plus rapidement.

Plutôt que de continuer à minimiser l’étendue des mutations en cours, nos décideurs seraient bien inspirés de tout faire pour accompagner ce bouleversement des modes de consommation ! A l’échelle des départements, il faut se réjouir des aménagements nombreux réalisés par les conseils généraux notamment pour faciliter la pratique du covoiturage. Aux abords des grandes villes en revanche, il reste encore beaucoup à faire pour sécuriser la montée/descente de passagers ainsi que l’amélioration des cheminements piétons aux abords des grands axes routiers hérités du siècle dernier…

Que l’état ait besoin de rentrées fiscales (TVA, TICPE…) pour satisfaire ses engagements et ses obligations envers la nation, c’est une évidence. Mais, cela ne doit en aucun cas se faire au détriment d’une consommation plus respectueuse et moins destructrice des ressources naturelles de la planète. Les générations futures qui seront les consommateurs de demain commencent à prendre conscience des limites du modèle actuel basé sur le « toujours plus de ». Face à l’urgence écologique, la consommation collaborative est indiscutablement une partie de la réponse pour demain. Pour faire mieux avec moins.

Vive le futur sobre & intelligent !

N.B : Dans la France du XXIème siècle, continuer à encourager la consommation automobile est définitivement un combat d’arrière garde. Même si l’automobile va continuer à jouer un rôle central dans les décennies à venir, tous les spécialistes s’accordent au moins sur un point : elle n’occupera plus la place qu’elle occupe encore dans le coeur de beaucoup de français.

1. Près de 1 salarié sur 2 en France tout secteur d’activité confondu
2. Dans la limite de 20 000 € maximum
3. Comité des constructeurs français d’automobiles