AccueilArticlesPourquoi tous ces constructeurs ont enclenché la marche arrière sur l'électrique

Pourquoi tous ces constructeurs ont enclenché la marche arrière sur l'électrique

La suite de votre contenu après cette annonce

Pot échappement thermique
Pot échappement thermique

Photo : Neri VillPixabay

Depuis quelques mois, on assiste à un festival de volte-face sur l’électrique. Mais quelles en sont les vraies raisons ?

C’est comme si le ralentissement des ventes de voitures électriques observé en Europe en 2024 avait créé une sorte de mouvement de panique ayant conduit de nombreux constructeurs automobiles à réajuster à la va-vite leur stratégie. Après avoir affiché des ambitions de 100 % électrique d’ici à 2030, plusieurs géants du secteur font machine arrière, relancent les motorisations thermiques ou prolongent l’hybride.

Depuis plusieurs mois, l’industrie automobile européenne traverse une période de turbulences. Même si la tendance est de nouveau favorable depuis début 2025, et alors que de nombreux constructeurs s’étaient engagés à électrifier intégralement leurs gammes d’ici à 2030 en anticipation de l’interdiction des ventes de véhicules thermiques neufs en 2035, une série de revirements ont été annoncés plus ou moins officiellement. Face à une baisse des ventes de voitures électriques et à une demande croissante pour les motorisations hybrides et thermiques, des géants comme Stellantis, Audi, Porsche, Mercedes, Volvo et beaucoup d’autres ont annoncé des ajustements majeurs, conséquences d’une transition énergétique précipitée. On fait le point sur ces reculades en cascade.

Retour au thermique (et à l’hybride) pour Stellantis

Stellantis, qui promettait une gamme 100 % électrique en Europe dès 2030, a discrètement changé de cap, et le changement de direction en cours depuis le départ de Carlos Tavares n’a semble-t-il pas facilité les choses. Le groupe adapte désormais ses plateformes pour accueillir des moteurs hybrides, voire thermiques, alors qu’elles étaient initialement prévues pour l’électrique pur. L’usine de Metz, spécialisée dans les moteurs électriques, voit ainsi sa production fortement réduite. Ce revirement s’explique par la stagnation des ventes de véhicules électriques et l’hésitation persistante des acheteurs. Conséquence : l’objectif du 100 % électrique pour 2030 n’est plus d’actualité pour Stellantis.

Pourtant, le groupe avait fait de l’électrification un pilier de son plan stratégique Dare Forward 2030. Mais face à une chute des ventes en Europe et à des résultats financiers en berne, le groupe a opéré un virage significatif. En mai 2025, des sources rapportaient que Stellantis repoussait son objectif de 100 % électrique en Europe, misant davantage sur les motorisations hybrides. Un exemple symbolique est celui de la Fiat 500, initialement proposée en version électrique, qui voit le retour d’une version hybride à Mirafiori (Italie) pour relancer ses ventes.

De même, Citroën a réintroduit une motorisation diesel sur le Berlingo après une version exclusivement électrique. John Elkann, président par intérim, a critiqué la lenteur des décisions européennes et plaidé pour une approche plus pragmatique, tandis que le groupe a réintégré l’ACEA pour militer en faveur d’une révision de l’interdiction des thermiques en 2035.

Volvo met de côté son objectif d’une gamme 100 % électrique

Volvo, qui avait affiché une volonté forte avec un objectif ambitieux de devenir 100 % électrique d’ici à 2030, a fait machine arrière en septembre 2024. La marque suédoise, confrontée à un déploiement insuffisant des infrastructures de recharge et à la suppression des incitations gouvernementales, a revu ses ambitions pour viser un mix de 90 à 100 % de véhicules rechargeables, mais, maintenant, avec une part significative d’hybrides plug-in d’ici à 2030, avec jusqu’à 10 % de modèles hybrides légers. Le SUV XC90, par exemple, a été relancé en version hybride rechargeable, tandis que les modèles thermiques traditionnels restent proposés sur des marchés comme les États-Unis et l’Allemagne. Cette stratégie pragmatique vise à répondre à une demande persistante pour l’hybride, notamment aux États-Unis, où l’électrification progresse lentement. Du pain sur la planche pour le retour d’Håkan Samuelsson, ancien et nouveau PDG de Volvo…

Audi relance ses gammes hybrides

Audi avait prévu de cesser le développement de nouveaux modèles thermiques dès 2026 et de ne plus commercialiser de véhicules thermiques en Europe d’ici à 2033. Cependant, face à un ralentissement de la demande sur le 100% électrique, la marque a revu ses priorités. Bien que l’électrification reste centrale, Audi continue d’investir dans des modèles hybrides rechargeables pour répondre aux attentes des consommateurs, spécifiquement sur des segments clés comme les SUV. Un signe que la marque entend désormais mener le développement des deux motorisations de front, puisque la marque réserve ses motorisations thermiques aux modèles à chiffres impairs (A3, A5, Q5…), tandis que les modèles à chiffres pairs seront purement électriques. Une stratégie de nommage qui n’est pas des plus lisible, mais à sa décharge, Audi n’est pas le seul constructeur dans ce cas.

Mercedes opte pour une transition plus graduelle

Mercedes-Benz, a également ajusté sa trajectoire. Le constructeur, qui avait annoncé la fin du thermique dès 2025 pour les nouveaux modèles, ajuste sa stratégie en fonction des conditions de marché. Si la marque continue d’investir massivement dans l’électrification, elle prévoit aussi de maintenir une part significative d’hybrides rechargeables et de thermiques, en particulier sur certains marchés où la demande pour l’électrique reste faible.

Pas de recul sur l’électrique chez BMW, mais une approche pragmatique et prudente

Nous l’avons vu au cours du premier trimestre, et même déjà dès l’été 2024, BMW connait un fort succès dans l’électrique. Ce qui est d’autant plus paradoxal que le constructeur est certainement l’un des seuls parmi les grands à ne jamais vraiment avoir annoncé un virage 100% électrique. Une prudence et un pragmatisme qui portent leurs fruits, car la marque n’a donc pas à se déjuger ou à enclencher une reculade, jamais très favorable en termes d’image.

Contrairement à certains constructeurs comme Stellantis ou Volvo, qui ont explicitement revu à la baisse leurs objectifs de 100 % électrique, BMW reste fermement engagé dans une transition vers l’électrique, tout en conservant une approche « technologiquement ouverte » qui inclut les hybrides rechargeables, y compris dans la gamme Neue Klasse à venir. Cette stratégie « technologiquement ouverte » permet à BMW de s’adapter aux variations régionales et aux incertitudes réglementaires, comme la révision potentielle de l’interdiction des moteurs thermiques en 2035. Oliver Zipse, PDG de BMW, a critiqué cette interdiction, estimant qu’elle pourrait entraîner une « réduction massive » de l’industrie automobile européenne, notamment face à la concurrence chinoise.

Porsche entretient une sorte d’ambivalence entre thermique hybride et 100% électrique

Porsche est l’un des constructeurs européens qui ont franchi le cap vers l’électrique avec le plus de détermination, et de réussite, avec une présentation de la Mission E – qui allait devenir le Taycan – dès le salon de Franfort 2015, il y a donc déjà 10 ans. Même si les ventes du Taycan ont fortement baissé depuis quelques mois, les trois premières années de commercialisation ont atteint les objectifs annoncés La berline, qui a déjà fait l’objet d’un profond restyling esthétique et technique en 2024, est désormais déclinée dans plus d’une dizaine de versions. Mais cela ne suffit pas, et Porsche, en difficultés, a surpris en annonçant le maintien de motorisations thermiques pour certains modèles, comme le Cayenne, au-delà des échéances initiales. Le Macan électrique, malgré un démarrage encourageant, coexistera probablement avec la version thermique, alors que le développement des Boxster et Cayman électriques a pris beaucoup de retard, et que ces deux sportives électriques n’arriveront que fin 2026.

Volkswagen n’est pas timide sur l’électrique, mais garde quelques thermiques dans sa manche au cas où

Malgré son ambition électrique, Volkswagen reconnaît les obstacles actuels : un ralentissement de la demande pour les VE en Europe, des coûts élevés, une concurrence accrue des constructeurs chinois et des incertitudes réglementaires autour de l’interdiction des moteurs thermiques en 2035. La marque a donc également opté pour une prolongation des modèles thermiques au-delà de 2030, notamment pour des véhicules comme la Golf, la Tiguan et la Passat. Le PDG du groupe, Oliver Blume, semble parier gros sur le fait que l’interdiction des thermiques en 2035 pourrait être révisée en 2026, ce qui justifierait le maintien d’investissements dans les moteurs à combustion interne, surtout pour les marchés hors Europe où la transition est plus lente.

MG négocie un virage vers l’hybride pour conquérir l’Europe

MG avait initialement misé sur une gamme 100 % électrique pour s’imposer sur le marché européen, avec des modèles comme la MG4, la MG5 et le ZS EV qui ont séduit par leur rapport qualité-prix. Cependant, face à la stagnation des ventes de véhicules électriques et à une demande croissante pour des solutions plus polyvalentes, MG a opéré un virage stratégique en 2024. Il faut dire que la part des ventes du 100% électrique est passée de 80% à 10% entre 2024 et 2025 ! Depuis, la marque a introduit des modèles hybrides rechargeables, comme le MG3 Hybrid+ et le HS PHEV, pour répondre aux attentes des consommateurs européens, notamment dans des marchés comme la France et l’Italie où les hybrides gagnent en popularité. Une position assumée par Julien Robert, le DG de MG France, qui parle de « recentrage sur les véhicules hybrides et hybrides rechargeables ».

Pour BYD et les autres constructeurs chinois, une stratégie hybride et EREV pour compléter l’électrique

Un facteur clé dans la réorientation stratégique des constructeurs chinois vers les véhicules hybrides rechargeables et à prolongateur d’autonomie (EREV) réside dans la fiscalité européenne. Contrairement aux véhicules 100 % électriques importés de Chine, qui sont soumis à des droits de douane élevés (jusqu’à 45 % dans certains cas depuis juillet 2024, pour contrer la concurrence jugée déloyale), les modèles hybrides bénéficient d’une exemption ou de taxes nettement plus faibles en raison de leur classification comme véhicules partiellement thermiques. Cette « faille » législative permet aux constructeurs chinois de proposer des hybrides à des prix très compétitifs sur le marché européen, contournant ainsi les barrières douanières qui pèsent sur leurs VE.

BYD avait bâti sa réputation en Europe sur des modèles 100 % électriques comme la Seal, la Han EV et l’Atto 3, profitant de prix compétitifs et d’une technologie de batteries avancée. Cependant, face au ralentissement des ventes de VE en Europe et à la popularité croissante des hybrides, BYD a ajusté sa stratégie en 2024 pour inclure des véhicules hybrides rechargeables et à prolongateur d’autonomie. Des modèles comme le Seal U DM-i, un SUV hybride rechargeable, ont été lancés pour répondre à la demande de polyvalence, notamment dans les zones où les infrastructures de recharge restent limitées. Cette approche s’inscrit dans une stratégie plus large des constructeurs chinois, tels que Geely (maison mère de Volvo) et Chery, qui diversifient leurs gammes avec des PHEV et des EREV, comme le Geely Galaxy E8 ou le Chery Omoda 5 hybride. Ces marques, tout en maintenant une forte présence dans l’électrique, capitalisent sur l’hybride pour séduire les consommateurs européens réticents à abandonner totalement le thermique, tout en contournant les droits de douane élevés et en renforçant leur compétitivité face aux constructeurs locaux.

Et Renault dans tout ça ?

Renault, contrairement à d’autres constructeurs, maintient officiellement une stratégie fortement axée sur le 100 % électrique en Europe d’ici à 2030, dans le cadre de son plan stratégique Renaulution. Cependant, des déclarations récentes de ses dirigeants et des ajustements tactiques révèlent une approche plus pragmatique, qui tient compte des défis du marché et des incertitudes réglementaires. La marque a lancé avec succès des modèles électriques emblématiques, comme la Renault 5 E-Tech, élue Voiture de l’année 2025, et la Renault 4 E-Tech, qui renforcent son positionnement sur des véhicules abordables et urbains, en attendant la « petite » Twingo électrique en 2026. Malgré cet engagement, Renault n’ignore pas les défis du marché européen, marqués par un ralentissement des ventes de véhicules électriques. En juillet 2024, le PDG Luca de Meo a reconnu que la trajectoire vers 100 % électrique d’ici à 2035 (date de l’interdiction des moteurs thermiques en Europe) n’était « pas encore au bon rythme », citant un manque d’intérêt des consommateurs et des coûts élevés.

Contraintes économiques, incertitudes réglementaires, investissements importants, clientèle encore hésitante… Les quatre variables de l’équation conduisent presque tous les constructeurs à revoir leur copie électrique à l’orée de la prochaine décennie. Mais est-ce vraiment en faisant deux pas en avant, un en arrière et un de côté qu’on prépare le futur d’une industrie ? Et ces reculades ne sont-elles pas aussi le résultat d’erreurs stratégiques commises lors de la décennie écoulée ? Rendez-vous en 2035 pour compter les rescapés. En espérant que tous les acteurs actuels — notamment les européens — soient tous présents au rendez-vous, contre vents et marées.

Finalement, il n’y a que Tesla, Rivian et Lucid qui ne reculent pas !

La suite de votre contenu après cette annonce

La suite de votre contenu après cette annonce

Nos guides