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Luc Michel est non seulement un lecteur d’Automobile Propre, mais il est aussi le fondateur de la société Idée Services qui a été chargée de convertir à l’électrique les anciens camions militaires utilisés à Thoiry pour aller à la rencontre des animaux. Aussi, avec Baptiste Crosnier qui a suivi le dossier, entrons dans les coulisses de ce rétrofit.
Idées Services, c’est un effectif de seulement cinq personnes, mais avec plein de choses à partager. On le doit en particulier à la personnalité passionnée de son fondateur Luc Michel qui apporte à la jeune société « l’expérience de l’âge ». À ses côtés, Baptiste Crosnier offre à la structure « la force de la jeunesse ». Tous les deux sont ingénieurs Arts et Métiers. À l’autre bout du fil, ils savent parfaitement gérer la répartition de la parole, ce qui en dit long sur leur aptitude à travailler ensemble.
Sur Youtube, une vidéo montre que le parc animalier de Thoiry propose la visite façon safari en camion brousse depuis au moins 2018. « Ils ont été mis en exploitation depuis 2016 ou 2017. Ce sont deux anciens camions militaires à six roues Renault TRM 10000 en version plateau. Une caisse avec 42 places pour transporter du public a été réalisée sur mesure à ce moment-là par une entreprise du sud de la France », précise le plus jeune des ingénieurs.
Le site ouvert en 1968 aurait très bien pu les faire convertir au bioGNV, car il est le premier parc animalier de France à avoir mis en place un système de valorisation des fumiers et des déjections de ses animaux : « Grâce à des volumes importants disponibles toute l’année, ils ont installé un méthaniseur qui produit du biogaz ». Sur son site Internet, GRDF précise que les 11 000 tonnes de matières traitées chaque année depuis fin 2018 permettent d’alimenter en gaz, notamment pour le chauffage, le château, l’orangerie, la plupart des maisons des animaux et le village de Thoiry.
Les raisons de privilégier une conversion à l’électrique sont diverses : « Pour bien expliquer la vie des animaux, ce sont les 30 soigneurs du parc qui tournent au volant des camions de 15 tonnes et 10 mètres de long. C’était très sportif pour les jeunes femmes du groupe avec la boîte à 8 vitesses et son gros levier. Maintenant que le bloc diesel RVI 12 litres à 6 cylindres en ligne d’un peu moins de 300 ch a été remplacé par un moteur électrique, il n’y a plus qu’un sélecteur de marche avant/arrière et deux pédales pour l’accélérateur et le frein. Le tout apporte une facilité et un agrément de conduite ».
La tranquillité des riverains a également été privilégiée : « Un rétrofit au bioGNV n’aurait pas permis de réduire les vibrations du moteur diesel ni le bruit. En raison du niveau sonore de la mécanique, le volume des haut-parleurs qui transmettent les informations des soigneurs aux visiteurs était élevé. Une partie du circuit passe assez près du village de Thoiry. Les riverains se sont plaints des nuisances. Les jours chargés de l’été, chaque camion effectue 4 à 5 rotations par jour ».
Luc Michel ajoute : « Les véhicules sont aussi utilisés pour les dîners safaris et aller chercher le matin les gens qui ont dormi sur place dans les lodges au milieu des animaux ». Il est question d’une consommation de l’ordre de 50 litres de gazole aux 100 km en cycle mixte pour les Renault TRM 10000. « Comme c’étaient des camions militaires, ils n’avaient aucun système de dépollution et émettaient beaucoup de fumées noires », souligne Baptiste Crosnier.
« Nous avons mis un moteur Dana TM4. Leurs modèles sont montés dans des camions et autobus électriques neufs et sont utilisés par des entreprises du rétrofit comme Retrofleet ou GCK Mobility », détaille Luc Michel. « Ce nouveau moteur est doté d’une puissance d’environ 250 ch. Son couple aux roues avoisine les 40 000 Nm, ce qui permet de conserver les capacités tout-terrain du véhicule, en souplesse. Le réducteur réalisé sur mesure renvoie la puissance sur la boîte de transfert d’origine. Le camion reste donc un 6×6 permanent », complète Baptiste Crosnier.
La motorisation est alimentée par un pack lithium-ion de 42 kWh du type de celui qui équipait les BMW i3 : « Cette batterie bénéficie toujours de mises à jour et présente un haut standard de sécurité. Son fournisseur pensait nous rassurer en nous disant qu’il y a dedans un retardateur de feu permettant aux gens de quitter dans les dix minutes le véhicule. J’ai répondu qu’en cas d’incendie au milieu du parcours, les lions pourraient alors dévorer les passagers crus ou cuits. Nous avons donc conçu notre propre solution », raconte Luc Michel.
À lire aussiTémoignage : et pourquoi pas rétrofiter une Peugeot 205 Roland Garros ?Elle repose sur deux dispositifs principaux : « Déjà, le système de climatisation que nous avons ajouté pour le confort des chauffeurs est aussi exploité au besoin pour refroidir la batterie en cas de surchauffe. Nous avons également mis une alarme. En cas de risque d’incendie, un bras embarqué vient déposer au sol la batterie à trois mètres du véhicule, avec un capot qui protège les passagers. Ce système donne le temps nécessaire aux gens du parc pour intervenir ».
On se doute qu’avec une batterie d’une capacité énergétique de 42 kWh, l’autonomie d’un camion de 15 tonnes ne va pas être très élevée : « On pourrait en mettre deux ou trois, ça se gère proprement. Avec un pack, l’autonomie est d’une trentaine de kilomètres environ, sachant que le trajet du safari est de 5 km. Pour la longévité des cellules, nous avons préconisé de faire du biberonnage entre chaque tour ».
La recharge est effectuée grâce à un chargeur 7 kW AC embarqué : « Pour des questions de sécurité, nous avons développé une borne dédiée. Fonctionnant en monophasé, elle ne peut être utilisée que pour recharger les deux camions. On touche à tout, on a tout internalisé pour ces conversions. L’hiver, quand les véhicules ne bougent pas, ils restent branchés en permanence, la batterie recevant de temps en temps grâce à son système de pilotage un petit complément de recharge ».
A Peaugres, en Ardèche, le Groupe Thoiry Participations est aussi propriétaire d’un parc zoologique avec Safari : « Nous nous occupons aussi de la conversion de son camion, avec des travaux et des choix parfois différents. Là, pour une question d’équilibrage des phases, la borne fonctionne en triphasé ».
Avec le rétrofit, d’autres aménagements ont pu être effectués, comme nous l’indiquent les deux ingénieurs : « Auparavant, il n’y avait pas de communication entre la caisse qui transporte les visiteurs et la cabine du conducteur. Le chauffeur montait donc à l’arrière pour accueillir les passagers, puis redescendait pour aller à l’avant du camion et remonter à son poste de conduite. Nous avons pu faire un passage entre ces deux espaces. C’était déjà pour une question de sécurité ».
L’opération a été facilitée par le retrait du moteur d’origine qui encombrait le passage : « Avec l’agrandissement de la caisse, nous avons gagné quatre places, la capacité est donc passée de 42 à 46 personnes. Dans la cabine du chauffeur, il pourrait également y avoir quatre nouvelles places, mais les responsables du parc ne souhaitent pas exploiter cette possibilité. Nous avons aussi redessiné et intégré l’échelle d’accès au gabarit de la caisse. Auparavant, elle dépassait et été régulièrement endommagée ».
Si Idée Services n’a eu que quelques modifications à effectuer sur les caisses de transport pour les deux camions de Thoiry, cet élément a en revanche été complètement construit par l’équipe pour le parc de Peaugres : « Nous avons même géré l’achat du véhicule. A Thoiry, les caisses sont en acier. Nous avons, en revanche, employé l’aluminium pour le camion brousse en Ardèche, ce qui nous a fait gagner deux tonnes, soit environ 15 % du poids total du poids lourd ».
Idée Services a bénéficié d’une grande liberté dans l’exécution de sa prestation : « Nous pouvions être forces de propositions. Pour bien contrôler le gabarit du véhicule et éviter que des lions se cache dessous en quittant la zone de safari, nous avons imaginé un système avec des caméras et un écran à bord pour le chauffeur. Réalisée en six mois, la conversion du premier camion livré en juillet 2024 a servi de prototype. Maintenant, trois mois nous suffisent, et le deuxième véhicule sera disponible mi-mai 2025 ».
Baptiste Crosnier a particulièrement apprécié de suivre ce projet de rétrofit : « Travailler sur un véhicule ancien a offert un terrain de jeu très amusant. Au final, on reste avec l’esprit très archaïque du camion de brousse, avec ce qu’il faut de modernité et de confort en plus. Nous avons côtoyé les chauffeurs pendant le chantier, ce qui a permis très vite de constater l’agrément de conduite sur le site. On peut dire que nous avons créé l’attraction au sein des soigneurs ».
Les véhicules circulant dans un site fermé, l’homologation n’a donc pas été un problème : « Ces camions rétrofités ne sont pas homologués route, mais un audit a été effectué par Socotec qui nous a imposé certains points du cahier des charges, par exemple, le bridage à 20 km/h des véhicules ». À noter que les soigneurs qui les conduisent n’ont souvent pas plus qu’un permis B.
Ce qui est remarquable, c’est que la société Idée Services créée il y a environ cinq ans est capable de mener à bien dans un temps satisfaisant des projets majeurs avec un effectif de seulement cinq personnes : « On nous demande souvent comment nous arrivons à nos résultats avec une équipe réduite. Nous avons une démarche frugale, mais aussi de bons outils de CAO et de scan qui nous permettent de concevoir en 3D. La caméra portable permet de saisir sans reprise des volumes de 2 x 2 x 6 m ».
Au-delà, comme avec les camions des deux parcs animaliers, des reprises sont nécessaires. L’entreprise bénéficie aussi de la riche expérience de Luc Michel, aujourd’hui âgé de 73 ans, qui a longtemps fourni avec une précédente entreprise des cabines aux grands constructeurs de tracteurs comme Renault et Massey Ferguson.
Il se souvient : « J’ai toujours été à mon compte. Pendant 35 ans, j’ai produit des cabines de tracteur pour la France, la Belgique, l’Allemagne, la Pologne, la Suède, etc. À l’origine, il n’y avait pas de cabine sur les tracteurs. Puis elles ont été demandées par les agriculteurs pour les abriter de la pluie. Finalement elles sont devenues un élément de sécurité, par exemple contre les retournements ».
Des projets de rétrofit, Idée Services en a d’autres, notamment en dupliquant le travail réalisé sur les Renault TRM 10000 : « Nous avons contacté les spécialistes de la revente de camions militaires. Il peut y avoir d’autres applications auxquelles on ne pense même pas. Nous avons aussi fait de la prospection pour convertir les petits trains touristiques. Il faudrait en faire au moins cinq ou six pour amortir le coût de l’homologation. Pour l’instant, nous n’avons reçu que des retours frileux ».
À lire aussiÉlectrification des flottes : QI-TECH, la solution clé en main de rétrofit pour véhicules utilitairesAujourd’hui, à Thoiry, des visiteurs peuvent encore découvrir les animaux les moins dangereux en circulant avec leurs propres voitures dans une zone dédiée : « Pour remplacer les véhicules personnels, nous avons un projet déjà bien avancé d’engins électriques semi-autonomes. Ainsi on éviterait que des gens coursent les animaux. Il serait aussi possible de supprimer les routes actuelles pour accentuer vraiment l’esprit safari ».
L’ingénieur très expérimenté a toutefois d’autres ambitions pour son entreprise : « Le rétrofit, c’est un peu alimentaire pour nous. Notre idée est davantage de partir d’une feuille blanche pour parvenir à des véhicules complets en nous focalisant en particulier sur les points centraux que sont la batterie, le moteur et son pilotage, par exemple avec des moteurs-roues ». Cette orientation s’explique très certainement par l’implication de Luc Michel dans la conception des utilitaires Mooville lorsqu’il était président de Muses. Il aurait beaucoup de choses à dire sur ce sujet. Mais c’est une autre histoire…
Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Luc Michel et Baptiste Crosnier pour leur accueil au téléphone, leur confiance et leurs témoignages.
Pour rappel, toute contribution désobligeante à l’encontre de nos interviewés, de leur vie, de leurs choix, et/ou de leurs idées sera supprimée. Merci de votre compréhension.
Philippe SCHWOERER
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