AccueilArticlesBatteries des voitures électriques : l'Europe doit-elle changer les règles pour sauver ses entreprises ?

Batteries des voitures électriques : l'Europe doit-elle changer les règles pour sauver ses entreprises ?

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Le secteur européen des batteries est à un moment critique de sa jeune histoire. Pour survivre, les entreprises du Vieux continent réclament la mise en place de nouvelles règles pour favoriser une production « made in Europe ». Sans une évolution de la législation, les fabricants asiatiques risquent de s’emparer de la totalité du marché. Il en va de la souveraineté industrielle de l’Europe.

Le secteur européen de la batterie lutte pour sa survie

Le secteur européen des batteries pour véhicules électriques, bien qu’ayant attiré des investissements massifs au cours des dernières années, est aujourd’hui confronté à une double difficulté. D’un côté, il y a des projets ambitieux mais fragiles. De l’autre, un marché de la demande moins dynamique que prévu. Les capacités installées ou annoncées de production de cellules pourraient atteindre jusqu’à 1,5 TWh d’ici 2030, mais seule une partie d’entre elles seront vraisemblablement exploitées.

Les coûts élevés de l’énergie, de la main-d’œuvre et des matières premières en Europe pèsent lourdement sur la compétitivité des usines face aux acteurs chinois ou sud-coréens. La faillite de Northvolt, une entreprise pourtant présentée comme le fleuron de la batterie « made in Europe », illustre bien cette fragilité. Sans compter le retard technologique. ACC (Automotive Cells Company), co-entreprise entre Stellantis (45 %), Mercedes (30 %) et TotalEnergies (25 %), peine à lancer pleinement sa production. Deux projets sont en suspens en Italie et en Allemagne.

Favoriser des matières premières locales ?

Face à ce constat, l’industrie européenne intensifie son lobbying pour instaurer des règles plus strictes sur un « contenu local » des batteries. Dans une lettre publiée le 13 novembre 2025, une large coalition d’entreprises (Verkor, ACC, Orano, Vulcan Energy…) demande à la Commission européenne d’intégrer ces exigences dans la future législation, notamment dans deux lois différentes : celle sur l’accélérateur industriel (Industrial Acceleration Act) et celle sur les matières premières critiques (Critical Raw Materials Act).

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Concrètement, les industriels souhaitent que la fabrication des cellules, modules, packs et systèmes de gestion des batteries ait lieu dans l’Union européenne ou au moins dans l’Espace économique européen. Les matières premières brutes pourraient provenir de partenaires jugés « fiables ». L’idée est de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe en sécurisant sa chaîne d’approvisionnement, tout en préservant les emplois industriels et en réduisant la dépendance du Vieux continent vis-à-vis de la Chine.

Ils demandent à ce que le dispositif soit accompagné d’aides publiques et d’un accélérateur industriel destiné à soutenir les investissements locaux. Objectif : produire plus de batteries en Europe, avec des composants européens, pour atteindre une indépendance industrielle face aux géants asiatiques. Dans leur lettre, les entreprises demandent également que les matériaux recyclés provenant d’usines européennes soient pleinement reconnus comme « contenu local », afin d’encourager la circularité.

Il faut une offre en adéquation avec la demande

Reste que ce volontarisme industriel ne peut ignorer la réalité du marché. En imposant des exigences trop strictes, l’Europe risque d’alourdir les coûts de production et de rendre ses batteries moins compétitives face à celles venues d’Asie. Les constructeurs automobiles craignent que ces nouvelles règles ne freinent l’adoption du véhicule électrique.

Autre écueil, et pas des moindres : certaines usines de batteries tournent parfois au ralenti. Pour les acteurs du secteur, il est donc urgent de réajuster les ambitions industrielles à la demande réelle. Bref, les acteurs européens ont raison de vouloir défendre la souveraineté industrielle du Vieux continent, mais cette bataille ne pourra être gagnée qu’en trouvant un équilibre entre protection du marché, compétitivité et réalité économique. Changer les règles, oui. Mais sans déconnecter l’industrie de la demande.

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