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Une BMW i3 de la police en feu à Rome – Juillet 2016

L’été 2016 aura été émaillé par 2 incendies de voitures électriques : une BMW i3 de la police italienne, et une Tesla Model S au cours d’un essai en France. Plus sensibles que les thermiques aux incendies les voitures branchées ? Non, comme le rappelle ou le révèle notre petite enquête.

Subjectivité

Les électromobiliens qui ont participé à des rallyes organisés par Jean-François Villeret et son équipe de Tour véhicules électriques l’ont très certainement entendu maintes fois répéter d’être extrêmement prudents lors des épreuves.

Car il sait très bien qu’un accident qui impliquerait une voiture électrique serait immédiatement exploité pour souligner, en défaut majeur, le silence des engins branchés ; le silence n’étant d’ailleurs qu’un prétexte à rédiger puis vendre un article pas très objectif sur le sujet. Les papiers sur les affaires d’incendie de VE sont du même tonneau : au mieux, on surfe sur les craintes du grand public, au pire leurs rédacteurs font passer leurs idées dépassées ou celles de leurs employeurs ou clients.

Petit jeu de questions

Pour être complet dans la démarche qui consiste à réaffirmer que les véhicules électriques sont moins touchés par les incendies que les thermiques, il convient aussi de s’interroger sur les quelques questions soulevées par les récentes affaires, dont nous n’avons pas à ce jour connaissance de l’avancée des enquêtes en cours. Ce qui implique de passer quelques coups de téléphones à des contacts susceptibles d’élever le débat.

L’affaire de la Tesla en feu à Biarritz fait se poser en particulier 2 nouvelles questions, du fait qu’elle était en cours d’essai par des prospects : Ce type d’usage peut-il favoriser l’émergence d’une défaillance ? Quid des risques d’incendie d’une voiture thermique en cours de démonstration ? S’y ajoutent une réflexion sur les causes possibles de départ de feu dans une voiture.

Un usage intensif

A Biarritz, lundi 15 août dernier, la température était supérieure à 30°C. La tournée estivale d’essai de la Model S venait de s’installer au pays basque depuis quelques jours. On peut imaginer que l’exemplaire concerné par l’incendie avait été bien sollicité, déjà avant son arrivée sur le territoire, alternant les recharges rapides et les accélérations vertigineuses qui ont forgé la légende de la berline américaine survoltée.

Un défaut de refroidissement et/ou un élément plus fragile qu’un autre ont/a pu être à l’origine du sinistre. Un scénario qui pourrait d’ailleurs tout aussi bien s’appliquer à la BMW i3 de la police italienne qui a pu aussi être lourdement exploité avant son embrasement.

La prudence de quelques constructeurs

Nombre de propriétaires de Citroën C-Zéro ou de Peugeot iOn ont remarqué qu’à la suite de révisions en concession leur citadines électriques semblaient moins pêchues à l’accélération depuis l’arrêt, avec une autonomie cependant préservée, voire légèrement augmentée.

Sans doute Citroën, Peugeot, et peut-être même Mitsubishi qui est le seul constructeur de ces voitures, ont-il voulu jouer la prudence en évitant de solliciter brutalement les batteries. Ce qui est bon pour préserver l’autonomie, l’est ici aussi pour limiter la surchauffe. Quoi qu’il en soit, on peut compter sur BMW et Tesla, deux constructeurs très impliqués dans la mobilité électrifiée, pour remédier au(x) problème(s).

Risque zéro

Comme automobiliste consommateur, on aimerait que la voiture qu’on utilise au quotidien soit exempte de défauts. Et pourtant, les affaires s’accumulent sur le bureau des experts. Régulateur de vitesse impossible à inhiber, freins subitement inefficaces, boîtes de vitesses et moteurs qui lâchent trop rapidement, incendies inexpliqués sont à porter à la charge des modèles thermiques, certains pouvant même survenir sur des véhicules électriques.

Avec toujours plus d’équipements électroniques embarqués, nos voitures sont de plus en plus à la merci de séquences codées. Pour l’anecdote, une grande banque a été victime dans les années 1990 d’un blocage de son système informatique de transfert des données.

L’application, qui donnait toute satisfaction depuis plus de 10 ans, était écrite en assembleur. Après des heures à chercher, son développeur appelé à la rescousse a éclaté de rire en préconisant de ne rien toucher jusqu’à la fin de la journée. La cause de l’anomalie : le jour de Noël qui tombait un samedi d’une année bissextile ! Une situation qui causait un conflit d’accès dans un fichier. Voilà un exemple d’absurdité comme on peut en trouver dans un codage appliqué à l’électronique de gestion d’une voiture !

Incendie d’une voiture thermique à l’essai

Mes contacts chez les constructeurs n’ont jamais connu une situation d’incendie d’une voiture thermique à l’essai. Cependant, tous affirment que ce serait possible, certains modèles ayant connu des épisodes qui ont amené à améliorer la mécanique ou le comportement, parfois avant même la médiatisation de l’anomalie relevée.

Chez Citroën, plusieurs BX très récentes à l’époque ont pris feu à cause d’une fuite au niveau de la pompe d’essence ; ces mêmes modèles ainsi que les XM ont été modifiées pour ne plus descendre rapidement après l’arrêt du moteur du fait des hautes températures au niveau de l’échappement susceptibles de causer des départs d’incendie sur des parkings herbeux provisoires. Par ailleurs, certains pédaliers rapprochés voyaient des conducteurs essayeurs appuyer aussi vigoureusement sur le frein et l’accélérateur en même temps, jusqu’à enflammer les garnitures en friction.

Tunnel du Mont-Blanc

Renault a conclu à des mégots aspirés par le système de filtrage de l’air des moteurs à essence pour expliquer des problèmes de combustion spontanée observés sur un modèle particulier. Pour rappel, la catastrophe qui a fait 39 morts le 24 mars 1999 dans le tunnel du Mont-Blanc a été expliquée de la même façon.

Chez Peugeot, il a été question de démarreurs qui continuaient à s’actionner une fois le moteur thermique lancé. Sur des Fiat, la collerette du haut du réservoir s’est parfois dangereusement fissurée répandant une insupportable odeur d’essence dans l’habitacle. Que dire de tous ces courts-circuits dus à des frottements sur une partie du faisceau électrique !

Autres sources pour des incendies qui se sont spontanément déclarés, il y a quelques années, sur des Ferrari Italia 458 et des Lamborghini Gallardo : respectivement un problème de colle pour fixer la protection thermique au niveau des passages des roues arrière, et une conduite d’huile à haute pression susceptible de céder à proximité d’équipements électriques. Une liste qui est loin d’être exhaustive et à laquelle il faudrait encore ajouter l’inflammation par électricité statique des gaz d’hydrocarbure qui s’échappent des réservoirs en les remplissant.

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En 2012, une série d’incendies survenus sur des Lamborghini Gallardo ont conduit le constructeur a procéder à plus de 1500 rappels.

Un risque calculé

La liste est longue des causes qui peuvent provoquer l’incendie de véhicules thermiques. Et ce n’est pas fini ! Chez quelques constructeurs, on pointe du doigt le nouveau gaz, particulièrement inflammable, imposé par l’Europe pour la climatisation automobile.

Sur quelques cas d’accidents, ce produit pourrait expliquer des feux rapides ayant rapidement détruit l’habitable dans quelques-unes des voitures impliquées. Un de mes contacts a reçu une information selon laquelle la libération de ce gaz aurait été un facteur aggravant dans la dramatique collision entre un car et un camion, à Puisseguin (33), qui a coûté la vie à 43 personnes le 23 octobre 2015. Les conclusions officielles de l’enquête n’en font cependant pas mention, privilégiant le scénario d’un réservoir auxiliaire perforé par un outil à l’arrière de la cabine du semi-remorque, libérant un brouillard de gouttelettes de gazole qui s’est brusquement enflammé dans le car.

Pour rappel, Mercedes-Benz s’est illustré jusqu’en 2014 en esquivant l’obligation européenne d’utilisation du gaz R1234yf, en remplacement du fameux R134a, invoquant le caractère inflammable du nouveau produit.

Dans les voitures électriques

Une partie de la liste des facteurs possibles d’incendie des véhicules thermiques concerne aussi les voitures électriques. A celle-ci s’ajoutent des risques spécifiques, qui, somme toute, sont loin d’égaler ceux qui n’existent plus du fait de l’absence d’alimentation en essence ou gazole.

Sur une voiture électrique de l’actuelle génération, c’est la technologie lithium qui a mobilisé sérieusement les ingénieurs des constructeurs concernés. Il s’agissait de gommer la possibilité d’emballement thermique des batteries causé par l’échauffement : à l’usage du véhicule, à la recharge du pack, en cas de perforation d’une cellule suite à un accident par exemple, etc.

Parmi les outils à disposition : l’isolement des accumulateurs les uns des autres, un coffrage et une implantation qui évitent leur perforation, un circuit de refroidissement efficace, un système de sécurité poussé de gestion de la batterie baptisé Battery Management System, etc. Le BMS permet, entre autres, de ne pas recharger excessivement le pack. L’embrasement d’un VE au cours du ravitaillement en énergie peut intervenir indépendamment de la batterie : utilisation d’un câblage inadapté, échauffement des composants du chargeur embarqué, et, pourquoi pas, de la borne elle-même.

Moins d’incendies de voitures électriques

Force est de constater que les professionnels ont plutôt bien travaillé. Et heureusement ! Combien de Renault Zoé, Nissan Leaf, Citroën C-Zéro ou de Kia Soul EV en feu ? Les affaires recensées se comptent en quelques dizaines seulement, souvent à la suite de situations rares et d’utilisations extrêmes des engins.

Après le premier incendie d’une Model S, à l’automne 2013, Elon Musk, à la tête de Tesla, rappelait quelques statistiques diffusées par le ministère des Transports américain. Selon eux, on comptait alors 150.000 incendies de voitures par an pour environ 3 mille milliards de miles parcourus, soit 1 sinistre en moyenne pour 20 millions de miles effectués. Avec l’incendie de Seattle, on pouvait établir un rapport d’un incendie pour plus de 100 millions de miles parcourus en Model S, soit une fréquence 5 fois moins importante en faveur de Tesla.

Depuis, le constructeur a réagi en renforçant le blindage protégeant le dessous de la berline survoltée. Combien de nouveaux cas de départ de feu pour ce modèle ? On peut les compter sur les doigts d’une main. En revanche, les compteurs derrière le volant se sont emballés, réduisant encore le nombre de cas par rapport aux kilométrages effectués globalement. C’est dire si, ainsi, la Model S se place encore comme plus performante face aux voitures thermiques.

Des pompiers formés

Les constructeurs automobiles qui produisent des véhicules électriques et/ou hybrides rechargeables ont l’obligation de fournir aux pompiers les moyens d’intervenir en cas d’accident ou d’incendie, en fournissant une documentation spécifique à chaque modèle.

Les soldats du feu subissent des entraînements spécifiques qui tiennent compte de la difficulté à enrayer l’emballement thermique des accumulateurs au lithium. La collaboration entre eux et les industriels concernés est totale. De leur côté, les fabricants de ces engins s’évertuent à réduire toujours davantage les risques spécifiques aux véhicules électriques et hybrides rechargeables, notamment en tirant les conclusions qui s’imposent des sinistres survenus.