Si le réseau de bornes de recharge tend à se développer, le maillage est encore tendu. Et une borne HS peut tout faire tomber à l’eau.
L’autonomie des voitures électriques n’est plus vraiment un problème. Notamment depuis ces derniers mois, où le parc de bornes publiques s’est développé rapidement, comme l’a précisé l’Avere France dans son bilan 2021. Évidemment, le rayon d’action d’une électrique aura toujours de l’importance dans les zones (presque) blanches, mais c’est de moins en moins le cas le long des autoroutes, particulièrement prisées par les opérateurs. Sauf sur l’A6.
Cette autoroute est l’une des plus empruntées en France, puisqu’elle relie Paris et Lyon, qui comptent parmi les deux plus grandes villes du pays. Mais elle se jette aussi sur l’A7, l’autoroute du Soleil, l’autoroute des vacances. Reste que l’emprunter en voiture électrique peut rapidement devenir un calvaire.
Une borne de recharge rapide sur 250 km d’autoroute
Car dans ce sens, aucune station de recharge rapide n’est présente sur les aires de repos entre celles de la Réserve et celle de Macon-St Albain. Soit un fossé de 251 km très exactement entre ces deux stations occupées par Ionity. Mais cette zone blanche se montre d’autant plus inquiétante qu’elle longe à mi-parcours le parc naturel du Morvan qui fait grimper les consommations.
À moins de disposer d’une batterie grande capacité (ou d’une efficience record), ou de ne pas dépasser les 110 km/h, la seule solution est de sortir de l’autoroute, et de viser l’une des bornes du Syndicat Départemental d’Énergie de l’Yonne. Mais bien que la plupart d’entre elles ne proposent qu’une puissance maximale de 50 kW DC, l’installation à la sortie 22 à Sauvigny-le-bois revendique une puissance de 160 kW. Soit largement de quoi faire le plein de la plupart des voitures (130 kW maximum avec la Mégane) et de pouvoir rallier la station Ionity de Mâcon aux allures règlementaires sans boule au ventre.
C’est donc le choix que nous avons naturellement fait lors d’un essai de la Renault Megane e-Tech (que vous retrouverez très vite dans nos colonnes avec un tout nouveau format d’essai). Tous les planificateurs d’itinéraires nous indiquaient cette borne comme étape de recharge, depuis Google Maps embarqué à Chargemap, en passant par ABRP. Pour préparer au mieux le trajet, nous avons également pris soin de vérifier la disponibilité de la borne et les indicateurs étaient verts.
50 minutes de plus « seulement »
Mais quelle ne fut pas notre surprise lorsque la charge n’a pas voulu démarrer devant la borne. Après quatre tentatives (sur un malentendu, ça peut marcher), la borne échoue dès le lancement de la charge avec un message qui signe la fin de la partie. Et le coup de fil à l’assistance Freshmile qui gère la borne ne donne pas le « smile », justement. Même avec un redémarrage à distance, rien n’y fait. L’opérateur nous a donc froidement « conseillé » de chercher une autre solution de recharge dans les alentours. L’objet de notre convoitise sera momentanément indisponible.
Avec 33 % de charge restante dans la batterie, il est parfaitement impossible d’aller chercher une autre borne rapide. Celles se trouvant autour de Dijon (après un détour tout de même) sont hors de portée. Les Superchargeurs Tesla V3 de l’Ibis d’Avallon, à seulement 1,5 km de là, ne font pas (encore ?) partie du programme pilote. Plus loin sur l’autoroute, à 6 km à vol d’oiseau, se trouve l’aire de Maison-Dieu. Mais elle se situe sur le sens sud-nord et il faut aller chercher la prochaine sortie à 27 km de là et remonter l’autoroute. Total de la manœuvre avant de revenir sur l’autoroute dans le bon sens : 60 km et 40 minutes de trajet, hors temps de recharge sur la borne Ionity.
Seule solution, donc : s’échouer sur la borne 22 kW présente à côté de la borne rapide en panne. Un moindre mal, sachant que la Mégane est l’une des rares à pouvoir accepter cette puissance en courant alternatif. Cela nous permet de faire un plein à 78 % exactement et de récupérer, d’après la borne, 29,85 kWh en 1 h 21. Ce qui représente une rallonge de 50 minutes. Mais cela aurait pu être pire. Car toutes les électriques n’ont pas la chance de proposer un dispositif de recharge AC de 22 kW. Dans le même cas que nous, une Nissan Leaf a été bloquée une bonne partie de la nuit, contrainte à recharger à 7 kW en courant alternatif faute de disponibilité de la borne CHADEMO.
Se recharger, c’est comme aller au resto ?
Au demeurant fonctionnelle, cette borne envoyait donc de fausses informations aux différents systèmes qui communiquent l’état d’une installation. Mais il faut croire qu’il faut désormais aller plus loin dans les recherches et lire les commentaires des utilisateurs. Car c’est en nous indiquant que cette borne au demeurant prisée n’a pas été utilisée depuis le 2 mars que l’opérateur nous a mis la puce à l’oreille. Et en allant voir les commentaires, nous découvrons en fait que cette borne est HS depuis cette date, soit depuis une bonne semaine par rapport au jour de notre mésaventure.
En tout état de cause, si les commentaires sont utiles, on ne devrait pas avoir systématiquement recours à ces derniers pour préparer un voyage en voiture électrique. De la même manière que l’on ne cherche pas à savoir si une pizzeria à une panne de four avant d’aller y manger. Surtout lorsque les indicateurs de fonctionnement sont verts.
On touche là un problème toutefois marginal puisque la plupart des bornes HS sont répertoriées comme tel. Mais lorsqu’il s’agit de la seule solution rapide sur un axe très fréquenté, le voyage peut se transformer en calvaire. Car si nous n’avons pas été plus inquiétés dans notre cas (à 1 h 30 du matin, nous avons profité de la charge – pas trop – lente pour dormir), cela pourrait être bien plus problématique lors d’un trajet professionnel où le temps compte ou un jour de départ en vacances !
La malédiction du Morvan
Si la légende raconte que le moindre avion ou bateau entrant dans le Triangle des Bermudes au nord des Caraïbes ne reverrait plus jamais le jour suite à une série d’évènements surnaturels, il apparaît que la zone n’est tout simplement pas clémente avec les appareils du fait des conditions climatiques et naturelles locales.
La région du Morvan apparaît donc comme le Triangle des Bermudes de la voiture électrique : en longeant les reliefs, l’autoroute A6 se montre impitoyable avec les consommations d’une électrique. En revanche, ce qui n’est pas normal, sinon paranormal, c’est l’absence de station de recharge rapide et de ne laisser le sort des voyageurs avec des véhicules aux autonomies modestes qu’entre les prises d’une seule borne DC.
Dans l’autre sens, les voyages n’ont jamais été aussi faciles. Car sur ces 251 km, nous comptons à l’heure actuelle trois stations de recharge aux aires de Saint-Ambreuil (Fastned), des Lochères (Ionity) et Maison-Dieu (Ionity). Nous pouvons aussi comptabiliser celle de Beaune-Merceuil, mais la borne Total ne propose que 50 kW DC en Combo-CCS. Mais elle sera toujours d’une grande aide pour faire le plein avant d’affronter le Morvan, mais surtout le « mur » après la sortie 24, qui compte comme l’une des portions autoroutières les plus pentues en France avec 3,5 % sur ses 6,3 km de long.
Il n’y a plus qu’à attendre l’apparition de nouvelles stations pour mettre fin à la malédiction du Morvan. Et en attendant la réparation de l’unité rapide de SDEY, il ne faudra s’en remettre qu’à des solutions lentes, comme c’est le cas sur l’aire de la Chaponne (au forfait à 12 € pour une 22 kW AC). Ou bien faire des détours en allant chercher une borne Ionity sur l’A36 après Beaune en direction de l’est (si elle est à portée de tir), ou prendre une borne sur la voie d’en face en cas d’urgence. Sinon, il faudra faire un plein complet pas du tout rentable à l’aire de la Réserve (ne porterait-elle pas bien son nom, celle-ci ?), et abaisser votre vitesse sur ces 250 km. Mais encore faudra-t-il disposer d’une batterie suffisamment généreuse et d’un véhicule sobre.
C’est vrai que cette portion Paris-Lyon a longtemps souffert d’un manque flagrant de solution pour les VE (hors Tesla). Le problème est en partie résolu avec l’installation de 8 bornes Electra à Beaune, la zone blanche ne mesurant « que » 185km désormais. Sur autoroute, reposer sur une unique borne rapide (SDEY) ou un réseau de charge AC 22kW (voire DC 50 kW) relève d’une réelle aberration pour n’importe quel electromobiliste averti. Il est surtout urgent que les aires de la Chaponne et du Chien Blanc soient dotées de recharges rapides et fiables à leur tours !
@Soufyane Benhammouda
Le sous-équipement de l’A6, notamment dans ce sens est réel et peut effectivement se révéler handicapant pour les VE dotés de batteries de moyenne capacité.
Mais pourquoi ne pas avoir choisi de passer par l’aire de recharge de Fragnes-la-Loyères (ZEN V-GAS 6 THP 200 kW) située non loin de l’A6 au nord de Châlon-sur-Saône ?
La distance entre l’aire de la Réserve (Ionity) et cette aire de Fragnes-la-Loyères n’est que de 210 km environ.
Le détour pour y accéder et revenir sur l’A6 ne « coûte » que 11 km.
Quest devenu l’essai « nouveau format » de la Mégane qu’on devait découvrir très rapidement ??
Alors pour moi, c’est pas « failli ». Mon premier voyage au long cours avec ma 2008 e s’est effectivement terminé dans le Morvan… j’étais content… Depuis, je fais plus attention, mais bon sang, installer des bornes partout, c’est insupportable !
les réactions de certains pourraient être drôles si les enjeux n’étaient pas aussi dramatiques :
– il y a ceux pour qui Tesla reste le seul moyen de rouler zen en VE (le réseau est déjà partiellement ouvert à tous les VE, et le sera bientôt en totalité, l’info a du leur échapper)
– ceux qui s’obstinent à rouler à 130 km/h malgré la surconso, et finissent avec une vitesse moyenne plus faible à cause de recharges plus longues
– et ceux qui roulent dans des VE plus modestes, mais qui prennent le temps (10 minutes) de préparer leurs longs trajets avec ABRP, avec un plan B pour chaque recharge, et se calent tranquillement à 110 km/h sans aucune crainte pour leur autonomie (et accessoirement, avec un badge permettant de payer Ionity au kWh et non à la durée…)
Oups, encore une raison qu’un organisme indépendant de contrôle vérifie la qualité du réseau de recharge dès lors que des aides ont été perçu de l’Etat pour leur mise en place… sinon il y aura bien des bornes mais rien de fonctionnel au final pour les usagers ! Et je croise les doigts que Tesla n’ouvre pas à tous pour les même raison… ou bénéficie des même aide de l’état pour s’étendre, y compris sur les axes autoroutiers histoire de motiver certains acteurs du secteur…
Cet article est la démonstration de l’incompétence de ce gouvernement qui à part des promesses est incapable de concrétiser…
En conséquence c’est aussi un plaidoyer pour l’achat d’une Tesla pour ceux qui voyagent…
Quelles énormes galères tous ces tests longue distance de VE ! il est urgent d’attendre.
Ne devrait-on pas imposer à nos très très chères concessions d’autoroutes françaises de nous construire des « paires de ponts » enjambant l’autoroute permettant la mise en place locale de bornes de recharge électrique (+/- exactement) de part et d’autre d’une même autoroute ?
Ainsi, lors de grands départs dans un sens, il serait très facilement possible de faire une simple et rapide boucle sur la voie d’en face où des bornes de recharge devraient être davantage disponibles ! Et ceci réciproquement lors des grands retours de vacances. Il resterait le cas plus rare des gros flots de circulation lors des départs et des retours simultanés = les fameux « chassés-croisés », mais ces WE là sont relativement peu nombreux. à nous de bien nous organiser en la circonstance !
Ainsi le taux d’utilisation des bornes mises en place serait augmenté et le nombre des bornes (éventuellement) plus réduit. La disponibilité et la maintenance des bornes des 2 côtés de l’autoroute serait aussi facilitée !
Reste le coût/délai de la réalisation de toutes ces « paires de ponts locaux » spécifiques passant au dessus des autoroutes…
Avec une Tesla aucun problème. Mais c’est vrai qu’il faut y mettre le prix.
Pourquoi ai-je l’impression que le testeur decouvre les pb?
Pourquoi ai-je l’impression que de nombreux commentateurs trouvent inadmissible de ne pas rouler en electrique comme en thermique?
J’ai souvent fait Cannes-Heidelberg, la derniere fois en Ioniq 28, la plupart du temps a 110 km/h. Avec plein d’arrets recharge …. pardon, d’arrets pipi, grignote, etirements etc… C’a ete un peu plus long, mais je ne suis jamais arrive aussi frais
Le problème des bornes « exotiques« pour lesquelles il n’y aucune remonté d’information sur leur état de fonctionnement.
Il faut espérer que là application de la nouvelle loi qui doit entrer en vigueur cet été change la donne;
les opérateurs auront l’obligation de mentionner sous les borne Hs dès que la borne sera hs + de deux heures
APRR (Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, groupe Eiffage) devrait bientôt combler le vide de bornes rapides sur cet axe grâce à un contrat avec Fastned. Des bornes de 300 kW facturées au kWh 0.59€.
je suis souvent a me plaindre du faible nombre de borne sur l’A1 (Lille-Paris) mais apparemment c’est pas la seule autoroute « oubliée » de France…
Problème général constaté en France vis a vis des infra de recharge publiques. J’ai eu aussi des expériences similaire à la Rochelle avec des bornes 50kW qui ne démarrent pas… Une ligne de support en 08XX payante…
Bref « demerdes-toi »(tm)…
A un tel point que j’ai terminé avec un câble de recharge de 10M à 10A dans l’Airbnb que j’avais loué avec mon épouse (et payé un petit surplus à notre hôte).
Il y a des station de charges rapides un peu partout (encore plus si on a la chance d’être chez Tesla) pour les long trajets… mais en dehors (exemple arrivée dans une ville et avoir la chance de pouvoir se balader en local) y a rien.
D’une manière générale, avoir un VE = s’organiser à l’avance… et prévoir plan B, C, D, E voire F…
C’est assez anormal vu la poussée vers les VE avec ces ZFE à la noix partout…