
La Renault Mégane E-Tech dans l’usine de Douai / Image : AP-HL
Le processus de fabrication d’une voiture électrique est une logistique captivante. Des gestes micrométriques répétés par les robots aux manœuvres méticuleuses des humains, l’assemblage répond à une organisation bien huilée. Nous avons visité l’usine Renault de Douai (Nord), qui produit la nouvelle Megane E-Tech. La fourmilière s’est adaptée à l’électrique, avant d’entamer un tournant majeur vers la fabrication de batteries.
Lancée au début de l’année 2022, la Renault Megane E-Tech est la seconde voiture électrique du losange fabriquée en France. Après l’usine de Flins (Yvelines), qui produit la célèbre Zoé, la manufacture de Douai (Nord) assemble désormais la nouvelle berline zéro-émission. Étendu sur 2,5 km², le site a produit plus de 10 millions de véhicules depuis sa mise en service en 1970. Ses 2 305 employés et centaines de robots s’affairent aujourd’hui autour de la Megane E-Tech, aux côtés des Scenic, Espace et Talisman.
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L’usine Renault de Douai / Image : Renault
Jusqu’à 420 Megane électriques par jour d’ici à l’été 2022
S’il suffit de signer un chèque pour commander la berline électrique, la fabriquer est une opération nettement plus complexe. Tout commence dans la tôlerie, un atelier monopolisé par les bras robotiques où règne une odeur de métal chauffé. Peu d’humains circulent dans ce vaste hangar. 98 % des opérations sont en effet automatisées, afin d’assurer une précision constante et une vitesse d’exécution deux fois supérieure à l’homme. 1 200 robots ont pour mission de relier les 350 pièces de tôle qui constituent le corps de la Megane E-Tech.
Un puzzle complété grâce à 4 000 soudures à l’arc et au laser, de l’encollage et du vissage. Ces opérations sont relativement énergivores : l’usine de Douai consomme quotidiennement 256 MWh d’électricité en moyenne (l’équivalent de la consommation de près de 21 000 foyers), avec un maximum de 300 MWh certains jours. La tôlerie, dont la production est synchronisée avec les autres ateliers de l’usine, livre actuellement 210 carrosseries de Megane E-Tech chaque jour (soit 30 unités par heure). L’objectif est de parvenir à 420 véhicules/jour d’ici juillet 2022.
Les humains préférés aux robots dans l’atelier montage
Les carcasses sont ensuite dirigées vers un second hangar : l’atelier peinture, que nous n’avons pas été autorisés à visiter. Cette zone ne peut être pénétrée qu’en combinaison spécifique, afin de se protéger des émanations et éviter toute introduction de poussières. Le véhicule prend réellement vie dans l’atelier montage, où tous les organes sont greffés à l’ossature de la Megane E-Tech.
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Placés sur des tapis roulants, les véhicules se voient progressivement dotés de leurs éléments : câbles, vitres, portières, sièges, tableau de bord… Les équipes disposent de chariots de pièces régulièrement renouvelés par une flotte de 500 robots transporteurs appelés « AGV » (automatic guided vehicle). En provenance de l’usine Renault de Cléon (Seine-Maritime), le moteur de la Megane E-Tech est placé par un opérateur assisté d’une grue.
Un accès spécifique à la batterie pour les pompiers
En parallèle, la batterie est assemblée dans un local dédié à l’étage. Moins physiques, les 30 % d’opérations non automatisées y sont notamment réalisées par des employés en situation de « restriction médicale ». Le pack est livré sous forme de modules (boîtes rectangulaires contenant les cellules poches) depuis l’usine LG de Wroclaw en Pologne.
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Sur sa face supérieure, la batterie est équipée d’un « fireman access ». Ce disque métallique accessible depuis le plancher permet aux pompiers d’y arrimer une lance en cas d’incendie. Il est constitué d’une membrane capable de céder par la seule pression de l’eau, inondant ainsi l’intérieur du pack. Cela permet de contenir plus efficacement un éventuel emballement thermique. Un QR code apposé sur le pare-brise offre aux secouristes toutes les recommandations du constructeur lors d’un feu sur son véhicule.
Le « fireman access », placé sur la face supérieure de la batterie.
L’usine de Douai fabriquera bientôt ses propres cellules de batterie
Si les cellules de batterie proviennent actuellement de Pologne, elles seront fabriquées sur place d’ici à quelques années. Le conglomérat AESC Envision construira bientôt une usine de cellules sur le site de Douai et fournira directement les ateliers. Un gain économique, mais aussi environnemental puisqu’il ne sera plus nécessaire de convoyer les batteries par camion.
L’électricité produite en France étant nettement plus décarbonée qu’en Pologne, le processus de fabrication sera logiquement moins impactant pour le climat. Une première tranche d’une capacité annuelle de 9 GWh (soit 150 000 batteries de Megane E-Tech 60 kWh, pour se faire une idée) sera lancée et deux autres sont déjà prévues.

La zone où sera érigée la future usine de batteries AESC Envision de Douai.
J aurais bien aimé voir quelques temps de production/montage et une comparaison avec une Mégane Therm.
En 2005, a l ecole d ingé soudeur, on nous expliquait que gagner des 1/10e de sec sur les temps de soudage, c était LE challenge de l indus. auto. Ca se traduit en bout de ligne par des minutes de gagner, en fin de prod., on arrive a des millions € !
Le temps de montage est le principale coût d un véhicule.
Je reste convaincu que le VE est une mine d or pour les construc, auto.
Les usines automobiles se visitent toutes normalement ( deja visite celles dans l’Est de la F). Enfin avant Covid🤪. C’est toujours instructif et on voit facilement que c’est immense , forcément très cher et pourtant à chaque nouvelle voiture il faut changer pleins d’installations. Les ateliers de ferrage sont les plus impressionnants et les moules des presses sont très coûteux. A noter que ce sont des sous traitants qui font ça et qu’on retrouve les mêmes dans toutes les usines européennes peu importe le groupe ( PSA VW Reno … etc ). Pour la Emegane tout est calculé pour un seuil de production ( 500 véhicules jour sont prévus initialement comme seuil) . Du coup forcément il faut faire des concessions sur les équipements pour garder de la rentabilité et ça explique que parfois certains équipements restent « anciens »
Merci pour les photos qui montrent un pack optimisé pour les cellules pouch avec des détails intéressants comme la trappe à incendie qui est une bonne idée en attendant les cellules sans propagation qui sont le graal de l’industrie.
Sinon, la tendance du marché va d’un côté majoritaire plutôt vers les prismatiques longues à connecteurs latéraux sans modules et collées directement à la plaque de refroidissement (Cell To Pack – CTP), et de l’autre côté plus typé performances vers des cellules cylindriques grosses de type Tesla nouveau format. Les cylindriques sont un facteur de sécurité avec des chimies plus agressives.
Le pack utilisant les cellules AESC locales sera donc probablement fort différent de celui présenté ici.
J’ai vraiment hâte d’en voir en circulation.
Et on aura enfin de vrai retour d’expérience utilisateur.
Article intéressant. Depuis quelque temps je trouve les sujets plus consistants. Continuez.
Merci pour ce reportage, passionnant.
J’imagine qu’il est difficile d’obtenir ce type d’autorisation, mais ce serait chouette d’en voir d’autres.
« 1 200 robots ont pour mission de relier les 350 pièces de tôle qui constituent le corps de la Megane E-Tech. » 30 chassis par jour. Et pendant ce temps-là, Tesla moule des demi-chassis en un temps record.
Ce n’est pas une question d’échelle ou de taille comme le croient certains. C’est une question d’ouverture d’esprit, de curiosité et d’envie de mieux faire. Rien n’empêche Renault d’utiliser cette méthode de conception et de fabrication.
Les moules de Tesla sont livrés par une entreprise italienne. Pas la peine d’aller en Chine pour cela.
La production de la mégane élec va passer sur 1 usine de 210 à 420 voitures par jour : c’est déjà pas mal.
Celle de la TM3 est aujourd’hui +/- 3000 par jour (sur 2 usines) : plus facile d’amortir les coûts de développement, les outillages, les bâtiments … c’est la boucle vertueuse
Les differences avec les visites de l’usine allemande de tesla sont impressionnantes
Renault est vraiment plus sur un process et un outil de prod typé XXieme siècle.
Tesla franchement XXIieme
Je me demande laquelle des deux usines sera la plus efficace, la plus productive, la plus rentable, en 2025….
Pour l’elec produite en France, il vaut mieux la comparer à l’Allemagne.
Les allemands utilisent massivement de l’éolien (60GW installé soit l’equivalent de 60 réacteurs nucléaires en pic , sans corrosion, sans ASN, sans syndicalistes EDF… ) et ont beaucoup diversifiés.
LA France est le parent pauvre de la production electrique européenne avec une production la plus mauvaise depuis 30 ans pour EDF qui ne sait pas entretenir l’outil de production qui lui est preté gracieusement par l’état (et vous allez voir au dernier trimestre les problemes que EDF va générer , du fait de ses erreurs et ses lenteurs de maintenance sur centrale)
Pour info, le prix de l’electricité 2023 pour la France est passé au dessus de 300€/MWh vendredi dernier. C’est la premiere fois de l’histoire. Je rappelle que le marché de l’elec oscillait entre 40 et 60€/MWh pendant des années jusqu’à début an dernier.
Pire, le spread , pour vulgariser, l’ecart de prix entre l’allemagne et la france n’a jamais été aussi important sur les contrats calendaires.
Les allemands, une fois encore, s’en sortiront beaucoup mieux que nous , avec notre EDF monopoliste qui bloque le marché , ne fait meme pas l’entretien et la maintenance correctement, et nous coute un pognon de dingue. Notez le , au dernier trimestre, vous allez découvrir que nous avons un gros probleme EDF en France.
Intéressant.
À ma connaissance, la fabrication du Talisman et de l’Espace est arrêtée ( ou en passe de l’être), et la durée de vie du Scénic est comptée…
Ce qui serait top, c’est une comparaison entre la chaîne de la e-Mégane à Douai, celle de Tesla à Berlin, et celle de WV à Zwickau.
Enfin, on a du mal à comprendre l’arrêt des ventes en Allemagne, devant les capacités théoriques mise en avant par la marque Française…
Je me joins aux autres pour vous remercier de faire ce type de reportage : C’est intéressant et cela permet aussi de saisir toute la complexité que nos constructeurs historiques doivent affronter pour adapter un outil indutriel existant.
Beau reportage!
C’est sympa de voir le processus de montage.
C’est bien aussi de savoir qu’une part non négligeable des activités est confiée aux humains, et qu’à terme les batteries seront assemblées en France.
On a hâte de les voir sur la route.
Bien la trappe pour les pompiers
mais cela risque d’être compliqué d’approcher suffisamment près en cas d’incendie pour carrément fixer le tuyau
bonne idée et j’imagine testée
si c’est efficace cela devrait devenir obligatoire comme les soupapes pour le gpl
Sympa ce petit reportage !
Minime remarque cela dit : « L’électricité produite en France étant nettement plus décarbonée qu’en Pologne, le processus de fabrication sera logiquement moins impactant pour le climat. »
Etant donné qu’en cycle de vie complète, une VE même produite en Pologne rejette moins de CO2 qu’une thermique (sans parler des particules, NOx, COV etc…) il aurait AMHA été préférable de dire « L’électricité produite en France étant nettement plus décarbonée qu’en Pologne, le processus de fabrication sera logiquement encore meilleure, même si la production dans l’est de l’Europe est déjà bénéfique pour le climat sur le cycle de vie du véhicule électrique. »
Bonne nouvelle et c’est un départ de la modernité afin de redevenir le Renault d’autrefois dans ses meilleurs moments. Il faut un grand chamboulement pour que les constructeurs finissent par réagir.