Un véhicule électrique en feu dans un tunnel dédié aux essais en Autriche. / Photo : Université de Graz

Des universitaires, pompiers et ingénieurs autrichiens ont analysé l’embrasement de véhicules électriques dans les souterrains. S’ils dégagent plus de chaleur que les voitures thermiques lors de leur combustion, le danger ne serait pas significativement augmenté en tunnel. L’étude s’inquiète cependant des risques liés aux incendies dans les parkings souterrains.

Chaque jour, des centaines de milliers de voitures, utilitaires et poids lourds thermiques traversent les tunnels d’Europe sans générer d’inquiétude particulière. Ils transportent pourtant de grandes quantités de liquide hautement inflammable : l’essence ou le diesel de leurs réservoirs. De dramatiques incendies tels que ceux des tunnels du Mont-Blanc, du Saint-Gothard et du Tauern ont d’ailleurs marqué l’histoire.

Si l’évolution des normes de sécurité a permis d’éviter de nouvelles catastrophes majeures, les services de secours se penchent sur un tout nouvel élément. Alors que les véhicules électriques sont de plus en plus nombreux sur les routes, ils s’intéressent à leur embrasement en milieu confiné. Comment contenir un emballement thermique de batterie en tunnel ou parking souterrain ? Quelle quantité de chaleur est émise ? Que contiennent les fumées ?

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Trois véhicules électriques et des batteries incendiés

Pour le savoir, les pompiers autrichiens se sont associés aux universités de Graz et Leoben et au cabinet de conseil en ingénierie ILF Consulting Engineers. Ensemble, ils ont mené une série de tests grandeur nature. Une compacte, un SUV, un petit fourgon tous électriques ainsi des batteries ont ainsi été incendiés dans un tunnel équipé d’une trentaine de sondes de température.

L’essai a permis d’évaluer entre 6 et 7 MW la « charge calorifique » (l’énergie délivrée par la combustion, NDLR) des véhicules électriques, là où une voiture diesel standard génère environ 5 MW. Un dégagement de chaleur qui atteindrait même 10 MW en cas d’embrasement brutal de la batterie. Selon l’étude, cet excès n’augmenterait toutefois pas significativement le danger. Le risque d’incendie est en effet estimé 12 % supérieur dans un souterrain où circulent uniquement des véhicules électriques par rapport à un tunnel dont le trafic est exclusivement composé de véhicules thermiques.

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Un essai d’incendie de voiture électrique. / Photo : Université de Graz.

Les tunnels déjà adaptés aux feux intenses

Les tunnels autrichiens sont « suffisamment adaptés aux défis liés aux véhicules électriques en feu » d’après Peter Sturm, un chercheur de l’Université de Graz. « Lorsqu’un véhicule électrique brûle, il fait un peu plus chaud, mais cela ne veut pas dire que c’est fondamentalement plus dangereux dans le tunnel. Les températures mesurées dans la zone d’évacuation sont inférieures à la limite de 60 °C pour tous les essais au feu. Ce n’est pas une température agréable, mais il est toujours possible de s’échapper et de combattre l’incendie », rassure-t-il.

Les tunnels sont en effet conçus pour des brasiers nettement plus vigoureux, comme ceux de poids lourds thermiques qui peuvent libérer autour de 30 MW d’énergie. Au-delà des émissions de chaleur, l’étude s’est intéressée au contenu des fumées issues de la combustion des véhicules électriques. Elle affirme avoir détecté des quantités plus élevées de fluorure d’hydrogène et de monoxyde de carbone que dans les feux de voitures thermiques. Une différence qui ne ferait, une nouvelle fois, pas courir de danger supplémentaire.

« La stratification des gaz de fumée induite thermiquement dans le tunnel fait que ces gaz d’incendie hautement concentrés s’accumulent principalement dans les zones supérieures du tunnel et donc en dehors de la zone pertinente pour l’homme. Cela signifie que les voies d’évacuation ne sont pas affectées », assure Peter Sturm.

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Un risque majeur dans les parkings souterrains

L’universitaire se veut toutefois moins rassurant concernant les parkings souterrains. Car, si les tunnels évacuent les fumées via un système de ventilation spécifiquement conçu, les parcs de stationnement n’en sont généralement pas équipés. « Les incendies de véhicules électriques dans les garages sont d’un autre niveau et doivent être examinés de plus près de toute urgence. Dans tous les cas, nos résultats de mesure indiquent un potentiel de risque sérieux », s’alarme le professeur de thermodynamique. Une inquiétude qui fait notamment écho à l’explosion d’une Tesla Model S survenue en avril 2019 dans un parking souterrain de Shanghai.

Concernant les méthodes d’extinction, l’étude préconise l’utilisation de lances perforantes lors d’un feu de batterie. Ce dispositif, que nous avons évoqué dans un précédent article, permet d’injecter de l’eau directement dans le pack. Les couvertures anti-feu seraient, en revanche, inefficaces et trop délicates à déployer.

Malgré des résultats rassurants, l’étude appelle à poursuivre la recherche sur les incendies de véhicules électriques. De nombreuses interrogations subsistent, par exemple, sur les feux d’utilitaires, poids lourds et camions à batterie. Elle pose également la question des eaux d’extinction, chargées de nickel entre autres métaux lourds, qui doivent impérativement être récupérées dans des bassins de rétention pour être traitées.

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