La menace de coupures d’électricité plane sur le pays. Mais le gouvernement veut épargner au maximum les particuliers.

Ces dernières années, à chaque fin d’été, un des marronniers de la presse était la menace de black-out pendant l’hiver à venir. Un chiffon rouge agité qui semblait surtout là pour attirer l’audience et les clics. Mais en 2022, la donne a changé, la menace est déjà plus sérieuse.

Le gouvernement commence à préparer les esprits à un hiver très compliqué. Si les températures plongent, il est cette fois plus que probable qu’il n’y aura pas assez d’électricité et de gaz pour faire face aux pics de consommations des Français. Du côté du gaz, la situation est bien sûr tendue en raison de la guerre en Ukraine. La société russe Gazprom a annoncé qu’elle allait suspendre complètement ses livraisons de gaz à Engie dès le 1er septembre. Si la France a rempli ses stocks, ceux-ci ne couvrent que deux mois de consommation nationale.

Pour l’électricité, le problème majeur est en France : plus de la moitié du parc nucléaire est à l’arrêt. Sur 56 réacteurs, 32 ne tournent pas au moment où l’on écrit ces lignes. Dans le lot, certains sont en maintenance, une opération de révision prévue au bout d’un certain temps d’utilisation. Mais le calendrier des maintenances avait été bousculé par la covid, qui a engendré des retards. 

Bon point, la recharge à domicile se fait surtout la nuit

Surtout, des réacteurs sont à l’arrêt à cause d’un souci de corrosion, au niveau de soudures des coudes des tuyauteries d’injection de sécurité, qui permettent de refroidir le réacteur en cas d’accident. À cela s’ajoutent les effets de la sécheresse, avec un niveau d’eau au plus bas en amont des barrages hydrauliques. Au final, EDF produit bien moins d’électricité qu’attendu en temps normal.

Pour éviter le black-out, l’exécutif a donc un message clair : il faut dès à présent apprendre à économiser l’électricité. Le mot clé de la rentrée est sobriété. Le gouvernement va présenter ainsi dans quelques jours un plan de sobriété énergétique, qui s’adressera d’abord aux administrations et entreprises. Les particuliers seront de leur côté appelés à faire des efforts pour le bien collectif, en allégeant par exemple le chauffage.

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La situation est donc critique et le fait de se retrouver dans le noir cet hiver est bien possible. Avec un risque pour les conducteurs de véhicules électriques : ne pas pouvoir refaire le plein de leur véhicule une fois chez eux ! D’autant que le nombre de voitures électriques en circulation en France a fortement grimpé ces derniers mois. Alors qu’à peine plus de 40 000 avaient été immatriculées en 2019, c’était 160 000 en 2021. Et de janvier à juin 2022, 93 000 ont été immatriculées. Au cours du premier semestre 2022, les électriques ont représenté une livraison sur dix ! Sans compter qu’il y a davantage de véhicules avec de grosses batteries.

Mécaniquement, la demande d’électricité pour refaire le plein des voitures progresse fortement aussi, et s’ajoute donc à la consommation courante déjà connue. La recharge à domicile a tout de même un atout : elle se fait avant tout la nuit. On branche son auto en arrivant le soir, pour la retrouver rechargée le matin avant de repartir. Il ne faut pas vraiment craindre une coupure d’électricité la nuit. En revanche, l’inquiétude monte vraiment sur les périodes de forte consommation, au réveil et le soir. 

Les particuliers touchés en dernier recours

Si la sobriété énergétique n’est pas au rendez-vous, le gouvernement visera d’abord les entreprises. Celles qui ne sont pas stratégiques et celles qui consomment énormément seront les premières touchées par des coupures. Et du côté des particuliers ? C’est possible, mais ce que l’on appelle le délestage sera la solution la plus extrême, possible lors des vagues de grand froid.

Des quartiers pourraient ainsi être sans électricité jusqu’à deux heures. Une chose est sûre : la coupure sera générale, elle ne visera pas une maison qui surconsomme ! La Première ministre a souligné qu’il n’était pas question de fliquer les Français pour les sanctionner en cas de mauvaise pratique. On ne va donc pas regarder comment vous faites la recharge de votre Zoé et on ne va pas vous demander de moins l’utiliser.

La situation va demander quelques adaptations, comme ne pas lancer sa charge vers 19 heures en arrivant dans son garage, mais plus tard, au moment de se coucher. Le gouvernement souhaite justement favoriser la consommation d’électricité de nuit et a demandé aux fournisseurs de plancher sur des formules qui incitent les Français à décaler leur consommation.

Les propriétaires de véhicules électriques sont déjà nombreux à profiter de cet avantage, d’autant qu’il est aisé de programmer l’heure de la recharge de sa voiture. Cet hiver particulier pourrait aussi demander de nouvelles habitudes aux conducteurs de véhicules électriques, comme songer à fractionner les recharges à domicile, sur des périodes plus courtes pour retrouver le niveau minimal d’énergie nécessaire au trajet du lendemain.

Du côté de la recharge publique, si des quartiers sont privés d’électricité, les bornes pourraient être HS. Le gouvernement peut-il par ailleurs réguler l’accès à des stations de recharges rapides ? Difficile à imaginer, cela touche à la mobilité des Français, ce serait comme faire fermer des stations services. Des commerces pourraient en revanche mettre en pause leurs bornes sur leur parking pour réduire leur consommation électrique en journée, ce service étant accessoire pour eux.

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