Dans les villes européennes, la majorité des habitants ne disposent pas d’un garage ou d’une place de parking privée. Leur voiture passe donc la nuit sur la voie publique. Cette situation constitue un sérieux frein au développement de la mobilité électrique puisque ces personnes n’ont la plupart du temps pas la possibilité de recharger un véhicule électrique à proximité de leur habitation. L’utilisation du réseau d’éclairage public pourrait apporter la solution. Plusieurs projets pilotes sont en cours. Faisons le point.

Déjà en 2014, BMW avait annoncé le lancement à Munich d‘un projet, dénommé Light & Charge qui consistait à recharger des véhicules électriques (VE) sur des lampadaires équipés de LED : l’économie d’énergie obtenue par les LED permet de consacrer la puissance électrique excédentaire à la charge de VE sans modifier le réseau existant d’alimentation des lampadaires. Nul besoin donc de creuser des tranchées ni d’effectuer de coûteux travaux d’infrastructure pour installer de nouvelles bornes, ce qui engendre de sérieuses économies. Tous les lampadaires ne se prêtent toutefois pas à cette utilisation : il faut notamment qu’ils soient situés à proximité immédiate d’une place de parking.

A la même époque, la start-up allemande Ubitricity testait à Berlin un réseau de recharge intelligent utilisant des lampadaires équipés de prises de charge type 2 sur lesquelles les voitures pouvaient se connecter à l’aide d’un câble spécial doté d’un compteur intégré.

En France, EDF par le biais de sa filiale Citelum a expérimenté sur l’agglomération d’Aix-en-Provence une solution similaire, baptisée TeleWatt. Bien que simple en théorie, l’idée d’utiliser les lampadaires de l’éclairage public pour la recharge de VE implique la résolution de problèmes techniques non négligeables. Une ampoule de lampadaire urbain ne nécessite en effet qu’une puissance d’environ 130 W. La difficulté consiste donc à utiliser tel quel un réseau dimensionné pour cet usage alors qu’une charge lente à seulement 3 kW exige près de 25 fois plus de puissance. On comprend déjà que tous les lampadaires ne pourront pas être équipés de prises, mais seulement un sur 25 au maximum.

L’originalité du projet TeleWatt réside dans la modulation de la puissance de charge disponible : de 100 % pendant la journée à 30 % pendant la nuit. En outre, un système de pilotage assure une distribution intelligente et optimale de l’énergie entre les différents points de charge. Cette technique permet d’effectuer une charge complète à la puissance de 3 kW en 7 à 9 heures pendant la journée (en fonction de la capacité de la batterie).

Plus récemment, c’est à La Roche-sur-Yon, en Vendée que le projet Citycharge – mené en partenariat par Bouygues Energies & Services, le gestionnaire du réseau Enedis et le SyDEV – a permis d’étudier la faisabilité technique et la rentabilité économique de l’installation de bornes de charge sur des lampadaires.

L’innovation introduite par ce projet consistait à placer un compteur intelligent Linky dans la borne afin de mesurer la consommation électrique de la charge indépendamment de celle de l’éclairage et de permettre ainsi la facturation du service. L’expérimentation semble avoir été concluante puisque les partenaires du projet envisagent à présent une commercialisation de cette technologie.

Ubitricity est à la pointe

A l’heure actuelle il semble toutefois que la solution baptisée « SimpleSockets » mise au point par la start-up allemande Ubitricity pour des charges sur lampadaires urbains à la puissance maximale de 4,6 kW, soit en passe de s’imposer.

Financée au départ par le Ministère allemand de l’économie et de l’énergie, les partenariats qu’elle a noué avec l’allemande Gundgun, l’américain Tyco, la très récente prise de participation du géant Siemens dans le capital de la société et l’intérêt marqué par EDF sont des indices qui ne trompent pas.

Après avoir équipé une centaine de points de charge à Berlin et 60 près du lac de Constance, Ubitricity a été choisi par les arrondissements londoniens de Hounslow, de Richmond Upon Thames et récemment celui de Kensington and Chelsea pour équiper des lampadaires urbains avec sa technologie. Il faut savoir qu’à Londres, 46% des ménages ne disposent pas d’une place de parking privée et 33% en banlieue.

L’entreprise berlinoise fournit à l’utilisateur un câble de charge muni d’un compteur lui permettant de choisir son fournisseur d’électricité et le type de contrat correspondant à ses besoins. Une technique qu’ Alexa Thiele, responsable communication, compare à celle de la téléphonie mobile : « De même que vous choisissez un opérateur téléphonique, qui vous envoie la facture de vos communications à la fin du mois, vous choisissez votre contrat, votre fournisseur d’électricité, et vous recevez le décompte de votre consommation. » Un modèle plus flexible et économique que le système reposant sur des bornes de chargement à tarif unique.

Quelques conditions sont nécessaires pour pouvoir utiliser un lampadaire comme point de charge : sa position doit permettre de brancher le véhicule, ce qui n’est pas le cas s’il se trouve trop éloigné d’une place de stationnement ou de l’autre côté du trottoir, par exemple. « Il doit également disposer d’une alimentation en électricité suffisamment puissante pour recharger la batterie. » explique Alexa Thiele. « Seulement 1 à 2% des lampadaires allemands remplissent ces critères. Cela peut sembler faible, mais il faut savoir qu’il y a environ 10 millions de lampadaires dans le pays, et que 300 000 d’entre eux sont modernisés ou remplacés chaque année. En les équipant de lampes LED moins énergivores, l’incorporation d’une prise de charge devient possible ».

Concernant les prix pratiqués à Londres, Ubitricity vend son câble spécial à 199 £ (222 €), l’abonnement mensuel est de 7,99 £ (9 €) et l’électricité vendue par le distributeur OVO, partenaire du projet à Londres, est de 15 p (0,16 €) par kWh ce qui semble très démocratique.