Via Wikimedia Commons – Alexander Migl – Yann Forget

Au début de ce mois de mars 2019, Carlos Tavares, patron de PSA, a lancé un coup de gueule, repris dans différents médias, fustigeant la décision prise au niveau européen de réduire de 40% (37,5% sur la version votée par le Parlement aujourd’hui même) les émissions de CO2 des voitures neuves à échéance 2030. Depuis, Karima Delli démonte ses arguments.

Joutes par interviews

Automobile Propre avait relayé les propos du dirigeant industriel dans lesquels il souhaitait dénoncer « le diktat » des instances européennes et « l’amateurisme » des eurodéputés. « Contrairement à ce que dit M. Tavares, nous ne sommes pas des amateurs », répond une nouvelle fois Karima Delli, présidente de la commission Transport, au sein d’une interview publiée ce jour, mercredi 27 mars 2019, dans le quotidien Ouest-France. « Ce n’est pas nous les amateurs : les constructeurs n’ont pas été capables d’investir dans des moteurs à basses émissions, alors que les technologies existent depuis longtemps », poursuit-elle.

Un rythme trop sévère ?

L’eurodéputée EELV, qui s’active à chercher tous azimuts des solutions pour réduire l’impact des transports sur l’environnement et la santé publique, réfute l’idée émise par le patron de PSA d’un rythme trop sévère qui pèserait dangereusement sur l’industrie automobile. « Nous avons pris du retard parce que la question du réchauffement climatique n’est pas dans le logiciel des constructeurs », plaide Karima Delli. « Avant, les constructeurs automobiles pouvaient faire ce qu’ils voulaient de la loi. Mais il va falloir qu’ils comprennent que, maintenant, c’est terminé ! », prévient-elle.

15.000 emplois menacés sur 5 ans ?

Dénonçant « un chantage à l’emploi » de la part des constructeurs, elle défend : « Ce n’est pas nous, Europe, qui avons emmené dans le mur les salariés. Cela fait des années que des fonds publics sont donnés à des constructeurs automobiles pour accélérer la transition. Qu’ont-ils fait ? Pas grand-chose ! ». Consciente de la menace, elle rappelle que l’Europe a déjà promis d’accompagner cette situation, et « demande un sommet européen de la reconversion de l’industrie automobile », pour « dresser une nouvelle feuille de route » avec les constructeurs, collectivités, associations, syndicats, startups du digital et de l’innovation concernés. L’eurodéputée, qui est consciente de l’intérêt de la conversion en électriques des véhicules thermiques polluants, dénonce l’envoi des vieux diesel européens en Afrique : « Combien de temps encore allons-nous prendre ce continent pour notre poubelle automobile ? Il faut créer des filières en Europe pour recycler ces produits. Tout cela crée des emplois ! ».

Ni essence, ni diesel

Pour Karima Delli : « Le diesel propre n’existe pas ». Il restera toujours cancérigène, émetteur d’oxydes d’azote, quels que soient les progrès effectués sur cette technologie. « L’essence est mauvaise pour le climat, le diesel pour la santé. On ne va pas choisir la peste ou le choléra. Il faut sortir des énergies fossiles », martèle-t-elle. Et devant l’urgence, elle appelle les constructeurs à collaborer avec l’Europe et à ne pas se laisser déborder par la Chine : Ils « ont dix ans pour s’attaquer avec nous aux questions d’infrastructures, de stockage de l’énergie, de développement des énergies renouvelables… ». Elle leur promet : « Il y a là une opportunité extraordinaire pour redevenir les leaders ».

Agence européenne indépendante

Pour Karima Delli, il est nécessaire que l’Europe se dote d’une agence européenne indépendante pour contrôler les émissions des véhicules. Selon elle, aussi scandaleuse soit-elle, la fraude aux émissions a été rendue possible car les tests sont passés « dans des laboratoires privés financés par qui ? Les constructeurs automobiles ! ». Elle assure : « Il n’y a pas un constructeur qui respectait les normes ! » lors du début de la médiatisation du dieselgate. Elle tient également à rétablir un fait : Ce ne sont pas eux qui ont demandé des tests plus proches de la réalité : « Le lobby de l’automobile fait tout pour freiner le nouveau cycle d’homologation qui aurait dû être en place bien avant l’affaire Volkswagen ».

Karima Delli s’exprimera demain, jeudi 28 mars 2019, aux Assises de l’Automobile organisées par Ouest-France et qui se dérouleront sur le circuit des 24 Heures du Mans.