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Les voitures électriques sont souvent performantes et bien équipées. Comment justifier encore le prix du luxe avec cette nouvelle donne ?
Une partie de la production et du marketing automobile historiques se sont bâtis sur le rêve et l’espoir que l’inaccessible devienne accessible. Ou pas. C’est ainsi que nombre de marques sont nées, et que leur image est désormais immédiatement associée à la performance, et à son corollaire, le luxe.
Avec d’un côté les « pure players », autrement dit les constructeurs spécialisés, comme Ferrari, Lamborghini, McLaren, et dans une certaine mesure, Porsche (dans une certaine mesure, car Porsche ne construit pas que des voitures de sport ultra exclusives). Des marques essentiellement italiennes, allemandes ou anglaises.
Et de l’autre côté, des constructeurs généralistes qui ont su mener de front – non sans un certain succès – le développement et la commercialisation de gammes généralistes et de gammes luxe/sport. Parmi eux, les plus réputés sont encore une fois les stars du « premium », presque exclusivement allemands, comme Mercedes, BMW ou Audi. On peut également associer à cette triplette gagnante d’autres grands noms comme Volvo, Jaguar, ou encore les japonais Lexus et Infiniti. Des marques bien établies, donc, parmi lesquelles certains spécialistes de la statistique et des parts de marché viennent désormais ajouter un petit nouveau : Tesla. Je sais, il y a débat. Si l’on prend les équipements de série, les tarifs d’une Model S ou les performances d’une Model 3 Performance, on est clairement dans le premium. Si l’on prend les qualités de finition, de peinture et d’assemblage, on en est encore assez éloigné, même si les dernières versions des voitures de la marque montrent des progrès assez spectaculaires dans ces domaines.
Si l’on veut y voir un peu plus clair, disons qu’une voiture performante n’est pas forcément premium, et qu’à l »inverse, une voiture premium n’est pas forcément sportive. Cela étant, le premium est rarement dissocié d’une certaine puissance.
Dans tous les cas, le mot d’ordre est le même : plus vite, plus fort, plus chic. Et plus cher.
Mais il y a un petit problème.
Ce problème porte un nom : voiture électrique. Si pour les puristes et les amoureux des gros moteurs thermiques qui rugissent le soir au fond des plaines (j’en ai fait partie, hein, fut un temps), l’électrique ne pourra jamais être synonyme de « premium », ne serait-ce que dans l’acception émotionnelle du terme, il s’avère que, dans la réalité, nombre de voitures à piles actuellement disponibles sur le marché répondent à cette définition.
De fait, une BMW i4 ou i5, une Mercedes EQE ou EQS, Une Porsche Taycan ou une Audi e-tron GT n’ont pas grand chose à envier à leurs sœurs thermiques. Pire, non seulement elles font aussi bien en termes de qualité de fabrication, mais elles font souvent mieux en termes de performances. Ce qui peut poser quelques problèmes d’ego et bousculer certaines hiérarchies. Ainsi, afin de ne pas détrôner la reine 911 Turbo, on s’est débrouillé chez Porsche pour que le plus performant des Taycan reste juste quelques dixièmes en-deça en termes d’accélérations. Et qu’il coûte à peu près aussi cher. Mais on sait que cela risque de ne pas durer très longtemps, et qu’il serait assez facile de faire évoluer la bête électrique pour qu’elle tombe en-dessous des 2,5 secondes dans l’exercice du 0-100.
L’un des exemples les plus significatifs est à trouver du côté de Tesla et de Porsche, justement. Pour trouver une Porsche électrique qui ait des performances équivalentes à celles d’une Tesla Model 3 Performance, il faut aller chercher une Taycan Turbo. Prix de base : 167 840 euros, auxquels il faudra facilement ajouter 25 000 euros d’options pour arriver à peu près au même niveau d’équipements et de prestations (et encore, sans caméras, sans conduite autonome, et avec une autonomie moindre). Ce qui nous fait un petit 192 000 euros bon poids si l’on veut arrondir. Alors qu’une Model 3 Perf full options se négociait en-dessous de 70 000 euros toutes options incluses quand elle était encore au catalogue de la marque. Vous voyez le fossé, que dis-je, l’abysse ? Alors oui, je sais, je suis en train de comparer une Swatch achetée sur le marché entre les poireaux et le poulet rôti avec une Rolex achetée Place Vendôme.
Mais bon, ça fait cher le blason, quand même.
Futile ? Pas tant que cela. Les amateurs de premium aiment le luxe, la performance, et l’exclusivité. Et la frime, un peu. Ou en tout cas le « statut ». Et c’est souvent grâce à cette exclusivité que les marques qui savent s’y frotter font leurs plus belles marges. Ce qui leur permet ensuite de réinvestir dans la voiture de monsieur Toutlemonde, à cela près qu’elles sont auréolées de l’image, et de l’aura, de leurs modèles les plus performants.
Car si le segment premium – même s’il est difficile d’établir une définition précise – ne représente « que » 440 milliards d’euros pour l’ensemble des marques premium sur 2000 milliards pour seulement les 16 premiers constructeurs mondiaux (chiffres 2021), il continue à bien se vendre, même en période de ralentissement économique, et surtout les marges sont beaucoup plus confortables.
L’électrique pose donc un réel problème aux marques de luxe. Et pas seulement chez les exclusives. Regardez la qualité des prestations sur une Cupra Born ou un petit Volvo EX30, sans parler des performances de ce dernier… De fait, côté puissance, la messe est dite. Vu la facilité avec laquelle il est désormais possible de produire de petits moteurs électriques très coupleux et gavés de kilowatts, qui font accélérer une MG4 Xpower aussi fort qu’une Porsche 911, le combat du premium va devoir se situer ailleurs, sur d’autres terrains, probablement inédits, et plus subtils.
Surtout quand, côté aménagement intérieur, la tendance est au minimalisme vegan, ce qui exclut de facto les cockpits façon Airbus habillés de cuir pleine fleur.
Pour le premium donc, un problème de concurrence de l’électrique sur ses propres terres, mais aussi un problème de positionnement sur le marché. Car en observant les signaux faibles, on a plutôt l’impression que le marché de la supercar (au sens très large) électrique n’existe tout simplement pas. Ou pas encore. L’amateur fortuné de grosses cavaleries continue à faire ses emplettes dans ce qu’il reste de l’offre V6 V8 V12 thermique bi-turbo, alors que l’amateur d’électrique cherche la sobriété et le côté pratique, loin de tout ce qui peut s’apparenter à des signes extérieurs de richesse. Deux mondes assez irréconciliables à vrai dire.
Alors, que reste-t-il au premium pour tenter d’attirer les bagnolards au portefeuille bien garni, ou convertir les tenants de la décroissance aux plaisirs du luxe ? Quelques marqueurs du segment, puisque l’on dit que le diable se cache dans les détails. Probablement le prestige de la marque, son histoire, un certain savoir-faire. Et aussi un story-telling qui sera de nature à continuer de séduire les amateurs de belles mécaniques dans un monde où les nouvelles générations se détournent de l’automobile et n’ont que faire des codes et de la frime inhérents à ce monde. Dans ce nouveau défi, il se pourrait que les européens aient une vraie carte à jouer face à des marques chinoises certes attirantes, mais au final bien fades et sans aucune dimension émotionnelle.
A condition de ne pas oublier leur ADN et de ne pas tourner le dos à leur histoire.
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