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Le développement des véhicules électriques fait face à de nombreux obstacles et polémiques. Bornes de recharges, types de prises, stabilité du réseau, origine de l’électricité… S’il y a bien un endroit sur terre ou ces deux derniers enjeux ne font pas l’objet d’une débat, c’est le Québec. La province francophone du Canada bénéficie en effet d’un des réseaux électriques les plus efficaces et les moins polluants de la planète. Un avantage considérable pour se diriger vers l’électrification des transports.
Quelle électricité utilisez-vous pour recharger votre véhicule ? Comme pour le pétrole qui peut être issu de gisements plus ou moins polluants, l’électricité peut être produite de multiples façons, de la plus désastreuse à la plus vertueuse pour l’environnement. En France, c’est un argument systématiquement utilisé par les « anti-VE ». En 2015, 82,2% de l’électricité est d’origine nucléaire. « Sans CO² » brandit le distributeur Électricité de France.
L’énergie nucléaire est néanmoins toujours pourvue d’un risque d’accident dont les conséquences sanitaires et environnementales sont potentiellement considérables. Elle est également génératrice de pollutions lors des phases d’extraction et de transport de l’uranium, ainsi que du retraitement du combustible usagé. Un recyclage qui reste partiel puisqu’une quantité de déchets nucléaires doit toujours être enfouie.
Dans ces conditions, comment pouvoir prétendre rouler « propre » en France lorsqu’on recharge son véhicule électrique sur le réseau classique ? La part d’énergies renouvelables en France est de seulement 13,6% dont 7,9% d’hydraulique.
Le chiffre fait rêver. Fin 2014, le Québec produisait 99% de son électricité à partir de centrales hydrauliques. Le pourcent restant se partageant entre éolien, biomasse et thermique. Le principal distributeur d’électricité, Hydro-Québec porte d’ailleurs le nom de la ressource qu’il exploite le plus. C’est le plus gros producteur d’hydroélectricité au monde avec une puissance installée de 36 643 MW. Même l’énergie atomique n’a pu faire face aux avantages de la ressource. L’unique centrale nucléaire du Québec a fermée en 2012.
La province est dotée de 4500 rivières et 500 000 lacs parmi lesquels 60 grands barrages ont été aménagés. Ils suffisent à alimenter les 8 millions de Québécois, et chauffer leurs logements pendant les longs et rudes hivers. Certains industriels comme Rio Tinto Alcan exploitent même leurs propres barrages. La production électrique est souvent excédentaire, et revendue aux provinces voisines et aux états du nord-est des États-Unis. Ainsi, Boston est notamment alimentée en partie par de l’énergie hydraulique québécoise.
Au-delà de l’aspect environnemental, l’autre avantage de l’hydroélectricité est le faible coût de production, environ 0,025 CA$ (0,018€) par kilowattheure (kwh). Le kwh classique vendu aux particuliers du Québec coûte environ 0,06 CA$ (0,04 €). C’est trois fois moins cher qu’en France ou le kwh se situe autour de 0,14€ ! Imaginez le plein d’électricité renouvelable à 1€ pour une Renault Zoé, et un peu moins de 4€ pour une Tesla S85…
Aucune technique de production d’électricité n’aura un impact nul sur l’environnement. L’activité humaine, aussi respectueuse peut-elle se faire, aura toujours une conséquence sur son environnement. L’énergie hydraulique a elle aussi son lot d’inconvénients. La zone de construction du barrage est dévastée lors des travaux, des espaces naturels sont inondés par les lacs artificiels, l’écosystème des cours d’eau sont perturbés. Mais un équilibre finit par se rétablir et les aménagements hydroélectriques peuvent aujourd’hui être conçus de façon à perturber le moins possible l’environnement. Dans tous les cas, les désavantages de l’hydroélectricité sont à comparer avec ceux, considérablement plus élevés, des autres moyen de production d’électricité non-renouvelable.
L ‘hydroélectricité est aujourd’hui la meilleure technique pour générer de grandes quantités d’énergie à bas coûts et sans émissions polluantes. Bien sur, la France ne peut pas être comparée au Québec sur le potentiel de cette ressource. La province canadienne est trois fois plus étendue que l’hexagone, huit fois moins peuplée, et ses ressources en eau sont parmi les plus abondantes de la planète. Mais l’hydroélectricité est-elle pleinement exploitée en France ?
Avec trois grands massifs montagneux, la part d’électricité hydraulique dans le mix n’atteint même pas 10%. Le potentiel a t-il été négligé face aux facilités du nucléaire ? Un rapport réalisé en 2013 par plusieurs organismes d’état et commandé par le ministère de l’environnement révèle que la ressource est sous-utilisée. Le principal obstacle est administratif. Aucun nouvel aménagement ne peut ainsi être réalisé sur les cours d’eau de « type 1 », une catégorie définie en fonction du contenu de sa biodiversité. Cette classification impacte 71% du potentiel hydroélectrique français.
Dans l’idéal, l’hexagone pourrait produire 2885 MW et 10,3 TwH/an supplémentaires via la construction de nouvelles centrales. Et en réaménageant des retenues présentes sur les cours d’eau en site de production hydroélectrique, l’on pourrait encore ajouter 354 MW et 1,4 TwH/an. Mais sur ce potentiel total de 11,7 TwH/an, seuls 3 peuvent être actuellement exploités du fait de la réglementation. Pour comparaison, la puissance installée du parc hydraulique français est de 25 388 MW en 2013.
« Notre réseau est en mesure de supporter un parc d’un million de véhicules électriques sans investissement majeur sur les installations existantes» déclarait Hydro-Québec lors d’un table ronde sur l’électrification des transports en avril dernier. Un million de véhicules représente 25% du parc automobile québécois. Le débat lancé par le ministère québécois de l’énergie et des ressources naturelles a réuni des acteurs nord-américains des énergies renouvelables et transports électriques dont le constructeur Tesla.
Si le réseau électrique québécois est plus vertueux que le réseau français, les embûches à la diffusion massive du véhicules électriques restent les mêmes qu’ailleurs. Difficulté d’accéder à une recharge rapide et bon marché à n’importe-quel endroit, prix d’achat encore supérieurs à ceux de véhicules thermiques, difficultés pour l’installation d’une borne de recharge en parking d’immeuble, etc…
L’hiver québécois est un autre obstacle. A Montréal par exemple, la température moyenne en janvier est de -10°. Elle peut chuter jusqu’à -30°, ce qui réduit considérablement l’autonomie des véhicules. L’association des véhicules électriques du Québec (AVEQ) rapporte une consommation moyenne de 3km par kwh à -25° !
De décembre à mars, le manteau neigeux épais et persistant recouvre tout ce qui n’est pas protégé, comme les bornes. Mais cela n’empêche pas la ville de s’avancer vers l’électrification. La société des transports de Montréal va tester un bus à recharge rapide aux terminus construit par la firme nord-américaine Nova Bus et qui emploie des technologies développées par Hydro-Québec. Un service de covoiturage en libre-service, « Clic », est aussi proposé à Laval, en banlieue de Montréal. Dix Chevrolet Volt sont ainsi prêtées gratuitement aux abonnés des transports en commun dans la zone périphérique à condition de voyager à 4 personnes vers ou depuis une station de train ou de métro.
Il existe également des incitatifs du gouvernement provincial. Les acquéreurs de véhicules électriques (même en location longue durée) peuvent bénéficier d’un bonus pouvant aller jusqu’à 8000$ (5900€) en fonction de la capacité de la batterie. Cette capacité ne doit pas être inférieure à 7 kwh. Les autorités offrent également une prime de 1000$ (740€) ou 50% des dépenses admissibles pour l’achat et l’installation d’une borne de recharge domestique de 240 volts. Pour les entreprises qui souhaitent installer des bornes pour les véhicules de leurs employés, le montant passe à 5000$ (3700€) ou 75% des frais admissibles. Aucun incitatif n’est proposé par le gouvernement fédéral du Canada. Le ministère de l’énergie et des ressources naturelles du Québec a crée un site gouvernemental, pour informer clairement les particuliers, entreprises et concessionnaires de tous les avantages dont ils peuvent bénéficier en adoptant la mobilité électrique.
Enfin, et ce n’est pas un détail, il existe un réseau public de près de 400 bornes déployé dans toutes les zones peuplées de la province. Le « Circuit Électrique » a été fondé en 2012 par la société d’état Hydro-Québec, l’Agence métropolitaine des transports (de Montréal), et d’autres partenaires privés. Il s’agit de bornes de recharge situées la plupart du temps sur des parkings publics dont la grande majorité distribuent du courant en 240v sur un connecteur de type 1. Des bornes en 400v ChaDeMo commencent à être installées mais leur coût d’utilisation est surprenant: 10$ (7,4€) par heure de branchement et pas uniquement de charge ! Un choix tarifaire étonnant, alors que les bornes en 240v facturent 2,5$ (1,8€) par recharge, quelle que soit la durée.
Il y a encore un pas à franchir avant que le Québec soit une région optimale pour les véhicules électriques. L’avantage considérable d’avoir une production électrique abondante, peu chère et non-polluante ne suffit pas. Il faut pouvoir recharger son véhicule n’importe-où, sans contraintes supérieures à celui d’un plein d’essence et rendre accessible à toutes les classes sociales l’achat d’un véhicule électrique.
Mais une conscience commence à germer lentement dans le terreau fertile. La France pourrait d’ailleurs s’inspirer du Québec sur plusieurs niveaux : la politique énergétique favorable au développement des énergies renouvelables, l’organisation de débats sur les transports propres avec les acteurs du milieu, la mise en place d’un réseau national de recharge et des incitatifs pour l’installation de bornes à disposition des employés sur les parkings d’entreprises. En somme, des défis mondiaux que le véhicule électrique doit absolument remporter pour être largement diffusé.
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