Un début d’année décevant côté ventes, un projet de voiture abordable qui pourrait être abandonné : après une croissance folle, Tesla semble entrer dans le dur.

Le début du week-end a été agité du côté de Tesla. Alors que l’on rangeait les crayons dans la trousse et la trousse dans le cartable, une dépêche de Reuters a fait l’effet d’une petite bombe. La marque américaine aurait annulé la sortie de sa voiture abordable, promise à 25.000 €, surnommée Model 2.

Elon Musk a vite critiqué Reuters, indiquant que l’agence est mourante et ment… puis il a annoncé la date de présentation d’une autre nouveauté de Tesla, le Robotaxi (ce sera le 8 août). Sans donc démentir clairement pour la Model 2. De quoi renforcer la thèse de son abandon. A moins que Model 2 et Robotaxi ne soient en fait qu’un seul et même véhicule, hypothèse avancée par certains.

Une situation floue qui fait suite à une information bien claire cette fois : le bilan des ventes de Tesla au premier trimestre 2024 a été mauvais. Alors que les analystes tablaient sur 430.000 livraisons entre janvier et mars, il y en a eu 386.810. Soit un recul de 8,5 % par rapport à la même période de 2023 et surtout le plus petit bilan trimestriel depuis 2022.

Pour l’expliquer, Tesla a mis en avant les tensions en Mer Rouge qui ont pesé sur sa production et sur le fait que la carrière de la Model 3 Highland vient tout juste de commencer Outre-Atlantique, avec une production sur place à Fremont.

Des promos pour déstocker

Reste que dans les premiers chiffres communiqués pour le début d’année, il y a une différence importante entre les ventes et le nombre de véhicules produits, qui dépasse lui 430.000 exemplaires, dont 412.000 pour le duo Model 3 et Model Y. Certains pointent des retards de livraison, notamment en Suède, mais même Tesla n’a pas évoqué cela dans sa rapide analyse.

La marque semble quand même faire face à une baisse de la demande, une demande qu’il a fallu entretenir en baissant les prix du Model Y mi-janvier. Les prix ont été réaugmentés fin mars, mais on constate sur le site internet que les véhicules en stock ont encore une remise de 2.000 € qui gomme cette hausse. Du côté de la Model 3, un rabais de 4.000 € est en cours depuis mi-février.

Une belle remise qui compense la perte du bonus. Il est vrai que le début de l’année est influencé par les évolutions dans les aides à l’achat, que ce soit en France ou ailleurs. Chez nous, le durcissement des règles a poussé les ventes fin 2023. Les allemands ont stoppé net leur bonus, faisant plonger les immatriculations de voitures électriques chez eux.

Un aspect conjoncturel qui invite bien sûr à ne pas s’enflammer et attendre les prochains bilans trimestriels pour voir si la pente est vraiment déclinante chez Tesla. Il faut aussi relativiser, car le total du premier trimestre montre que les Tesla se vendent encore par centaines de milliers. 

Et cela fait suite à une excellente année 2023, avec 1,81 million de véhicules livrés dans le monde, soit une hausse de 38 % par rapport à 2022, année où les ventes avaient augmenté de 40 % par rapport à 2021 ! L’année dernière, le Model Y a été le véhicule le plus vendu en Europe, toutes énergies confondues, voire dans le monde (si on n’additionne pas tous les dérivés de carrosserie de la Toyota Corolla).

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Mais la croissance folle connait donc un gros coup d’arrêt début 2024. Tesla a-t-il atteint son plafond de verre ? La marque semble rentrer dans une période plus délicate. Celle où il faut savoir maintenir ces niveaux pour faire tourner les usines (Elon Musk a d’ailleurs mis en avant cet aspect après la baisse des tarifs de janvier), alors qu’on commence à se dire que tout ceux qui voulaient une Tesla en ont acheté une cette fois, bien aidés et incités par la fonte des prix de début 2023.

La concurrence est de plus en plus dangereuse

Surtout, Tesla entre dans une période où les autres constructeurs ont refait leur retard. De plus en plus de nouveautés semblent ainsi en mesure de détourner la clientèle de Tesla. En Chine, l’américain a d’ailleurs baissé les cadences de son usine, la 3 devant faire face à une concurrence locale de plus en plus acharnée, à commencer par celle de BYD. Et elle ne cesse de s’étoffer, Xiaomi venant par exemple de faire sensation avec sa première voiture, la berline électrique SU7. La préférence nationale rejoue quand les produits sont équivalents. Sur cet aspect, chez nous, il y a l’arrivée de l’ambitieux Renault Scénic E-Tech.

Si les Tesla gardent d’indéniables qualités, leur achat est de moins en moins incontournable face à des modèles qui corrigent leurs défauts et avancent des qualités oubliées par Tesla, comme l’ergonomie, la finition ou le réseau de garages plus étoffé. D’ailleurs, les innovations des produits et des services de Tesla ont pu séduire un premier cercle d’initiés, mais commencent à se heurter à des conducteurs plus « tradis » qu’il faut pourtant aller chercher pour continuer la croissance.

Autre aspect qui peut expliquer l’effet plateau chez Tesla, l’offre commence à manquer de variété face à des rivaux aux gammes d’électriques de plus en plus vaste. Les Model 3 et Y séduisent en Europe, mais cela reste de gros gabarits qui rebutent une bonne partie de la clientèle du Vieux Continent, adepte des citadines et compactes.

Elon Musk avait lui même reconnu que sa marque était entre deux vagues. Après s’être envolé avec la Model Y, Tesla devait un peu stagner avant l’arrivée de la Model 2. Mais si le projet a été mis de côté, la deuxième vague s’éloigne. Et on se demande alors quel sera le prochain levier de croissance de Tesla, qui n’a plus l’air d’avoir dans ses cartons un « game-changer » source de volumes.

Est-ce que la marque est finalement en train de suivre le chemin emprunté par les constructeurs historiques ces derniers années, à savoir privilégier la rentabilité aux volumes. Les envies de croissance délirantes d’Elon Musk, qui rêvait de 20 millions de voitures par an, pourraient-elles être mises de côté ?

Tesla pourrait alors favoriser les finances en cherchant à rendre sa gamme actuelle plus rentable et en misant à côté sur des produits plus avant-gardiste, bénéfiques pour l’image de marque, et reprendre une avance technologique. Comme le Robotaxi. Reuters a d’ailleurs indiqué que ce projet aurait eu les faveurs de Musk car il était plus innovant. Dans le même temps, la Model 2 aurait eu à faire face à une concurrence chinoise trop redoutable.

Même si Tesla est dans une période moins faste, il est évidemment trop tôt pour faire des conclusions sur sa situation. On n’est de plus jamais à l’abri d’une annonce surprise avec Elon Musk, capable de renverser la situation. Même si sa stratégie de communication qui crée un flou sur l’avenir de Tesla semble avoir toutefois atteint ses limites. 

Les marchés ne sont jamais patients. L’action Tesla a décroché après la publication de Reuters. Et les prochains résultats financiers prévus le 23 avril seront analysés de près.