Prévue pour être diffusée en une très petite série de 12 exemplaires, la moto électrique Newron EV-1 est déjà perçue par ses premiers acheteurs comme une machine de collection très originale.

Avant-propos

Différents véhicules électriques ou électrifiés peu communs étaient exposés lors de la journée XMobility programmée au Mans le 8 octobre dernier.

Parmi eux, le prototype technique de la Newron EV-1, réalisé sur un châssis de Honda CBR. Déjà particulièrement abouti, cet engin cache une machine bien plus audacieuse.

Sur place, Sébastien Mahut, cofondateur en novembre 2016 avec Michel Sérafin de Newron Motors, représentait la startup, répondant volontiers aux questions des participants inscrits à cette rencontre. Ici est née l’idée de réaliser l’interview du sympathique et jeune ingénieur en électronique.

Un premier concept en 2009

A seulement 31 ans, Sébastien Mahut a déjà derrière lui un premier prototype qui atteste de sa passion de la moto et de son envie de produire un modèle électrique.

« J’avais une vingtaine d’années, en 2009, et étais étudiant, quand j’ai réalisé dans mon garage mon premier prototype de moto électrique », se rappelle-t-il.

« A l’époque, même si la tendance existait déjà aux Etats-Unis, nous n’étions que très peu en France à tenter de créer une moto électrique », assure-t-il, en précisant qu’il tenait tout particulièrement « à construite un véhicule électrique de ses propres mains ».

Châssis d’Aprilia Futura

« Pour réaliser ma machine, j’ai utilisé pas mal d’éléments de récupération, dont un châssis d’Aprilia Futura trouvé dans une casse pour motos, et les batteries au plomb de voitures. J’ai fait venir des Etats-Unis un moteur électrique conçu pour les conversions électriques », liste Sébastien Mahut.

« Avec ce qu’il faut d’électronique de puissance, j’ai obtenu une moto dotée d’une autonomie de 60 kilomètres, avec une vitesse maximale qui pouvait grimper à 100-110 km/h », complète-t-il.

« Cet engin n’a bien sûr pas pu être homologué du fait du changement d’énergie. Je l’ai toujours, mais les batteries sont mortes désormais », a-t-il constaté.

Un projet mis de côté pendant 7 ans

« Peu enclin à créer seul une entreprise de construction de moto électrique, j’ai mis de côté mon projet pendant 7 ans. J’étais alors ingénieur en aéronautique chez Safran. C’est là que j’ai rencontré Michel Sérafin, un collègue motard passionné qui a cru en mon idée d’une machine électrique premium », relate Sébastien Mahut.

« Il m’a dit : ‘Ton projet me plaît énormément et j’aimerais qu’on s’associe pour le réaliser’. Ca tombait bien, car j’avais alors le sentiment de ne pas avoir été jusqu’au bout des choses avec mon prototype sur châssis Aprilia », nous confie notre interlocuteur.

« Nos complémentarités sont apparus évidentes : Michel Sérafin avait toutes les qualités pour assurer la communication et le marketing autour de Newron, pendant que je pourrais me consacrer aux développements technologiques », se réjouit-il encore.

Création de la startup

« Nous avons rejoint un incubateur d’entreprises dans le 95, créé notre structure, puis démarché les pouvoirs publics pour payer les premières études de faisabilité de notre projet », détaille Sébastien Mahut. Des contacts ont été établis à cette époque avec différentes grandes entreprises, dont PSA et Valeo.

Vice-présidente de la conception chez Dassault System, ancienne directrice de la conception du groupe General Motors et dirigeante du design pour les petites et moyennes entreprises chez Renault, Anne Asensio « a choisi Newron pour l’orientation de la conception, de la pensée conceptuelle et de l’expérience utilisateur », soulignent les associés dans un support de communication.

Le projet de moto électrique EV-1 est ressorti lauréat du prix Innov’Up 2018 au festival Futur.e.s de l’innovation numérique et durable (Paris).

Newton + Neurone

Dans la foulée, Newron a rejoint Advans Group, partenaire des plus grandes entreprises aéronautiques (Thales, Safran, Airbus).

Cette action a ouvert d’intéressantes perspectives à la startup qui a ainsi pu développer et tester le logiciel embarqué dans la moto électrique connectée afin d’améliorer l’expérience utilisateur. Le soft touche à la recharge rapide, la connectivité 4G, au tableau de bord numérique et communique avec une application smartphone dédiée.

« Le nom ‘Newron’ est en fait la contraction du Newton, qui sert à établir une valeur de couple (l’accélération ressentie), et ‘neurone’, qui renvoie à l’intelligence artificielle. Newron Motors a en effet pour objectif de concevoir une moto apprenante, qui saura adapter sa consommation et prédire le parcours optimal en fonction de l’utilisation enregistrée », explique Advans Group sur son site.

Prototype technique

Depuis, le prototype technique est exhibé au sein de différentes manifestations nationales et internationales.

« Nous avons d’abord imaginé sur le papier un groupe motopropulseur. Nous avons alors acheté les composants que nous avons validés individuellement sur banc avant assemblage. Puis nous avons monté le tout sur le châssis de Honda CBR », détaille Sébastien Mahut.

Avec une batterie lithium-ion d’une capacité énergétique de 14-15 kWh, l’engin dispose d’une autonomie de 200-220 kilomètres, inférieure à celle du modèle commercialisé.

Newron est actuellement en pleine campagne de levée de fonds et cherche toujours des partenaires. Afin de susciter la confiance des investisseurs, et portés par les excellents retours, les 2 associés ont décidé d’ouvrir l’EV-1 aux précommandes.

Sur les 12 unités que comptera la très petite série, 3 ont déjà été réservées par des passionnés et collectionneurs de motos séduits par cette machine d’exception.

300 km d’autonomie

Ce sont environ 300 kilomètres qui pourraient être obtenus de l’EV-1 en utilisation urbaine grâce à une batterie 16 kWh. « Bien sûr ces chiffres sont très variables selon les conditions d’utilisation. L’ensemble moto-pilote a un coefficient de trainée pas très favorable », tient à rappeler Sébastien Mahut.

« La batterie a été développée en interne à partir de cellules existantes », annonce-t-il. Comme il est possible de le voir sur les photos, elle est au cœur même de la machine et lui donne son look si particulier. « L’exo-squelette entoure la batterie de manière asymétrique et imprime un mouvement de la machine », illustre la communication officielle de Newron.

Le pack sera rechargeable en 5 heures avec l’appareil 3 kW embarqué, ou en un peu plus de 2 heures avec l’option 7 kW. En employant un chargeur externe rapide au standard Combo CCS, ces temps tombent à une trentaine de minutes.

Moteur 75 kW

« Nous cherchons d’abord à créer une moto plaisir pour faire des balades. Nous visons plus la puissance que la vitesse de pointe. Nous avons donc choisi des rapports de transmission qui brident mécaniquement l’EV-1 à une vitesse maximale de 220 km/h », rapporte Sébastien Mahut.

Le moteur électrique de 75 kW de puissance développe un couple de 240 Nm. « Ces chiffres correspondent  à une 800 cm3 pour la puissance du moteur, mais à une 2,3 l de chez Triumph pour le couple », évalue-t-il, à notre demande.

Le 0-100 km/h est abattu en moins de 3 secondes. Ce qui est un poil plus performant qu’avec la Livewire de Harley-Davidson. Pour comparaison, cette dernière tire 235 kilomètres d’autonomie en ville de son pack 15,5 kWh qui alimente un moteur de 78 kW de puissance. Et ce, avec une vitesse de pointe de 177 km/h.

 

Haute couture

En plus des performances et des composants du groupe motopropulseur, ce sont les matériaux employés et la méthode de réalisation qui justifient un prix qui tournerait autour des 60.000 euros. A comparer aux 33.000 euros de la Harley Livewire qui ne bénéficie pas d’un traitement permettant d’employer les termes « haute couture ».

l’EV-1 de Newron est une moto de luxe équipée d’une selle recouverte de cuir traité Hermes, d’une fine feuille de bois marqueté insérée dans les strates de carbone (sauf présentation fibres composites). Cuivre, titane, cuivre poli, auxquels s’ajoute une anodisation très particulière de certaines pièces, complètent le tableau qui participe à un contraste voulu des matériaux et des matières. En outre, la clé de mise sous tension contiendra un fragment du bois ou du titane employé dans la construction de l’engin.

« Nous souhaitons mettre en avant l’excellence du savoir-faire français », commente Sébastien Mahut. Ainsi, une plaque gravée avec les noms des artisans qui ont contribué à la réalisation de la moto sera fixée sur son côté gauche.

Clientèle

« Notre moto s’adresse à des passionnés voulant être parmi les premiers à utiliser une machine électrique de haute qualité, cherchant à se différencier et à se faire plaisir. Amateurs de mécanique, d’horlogerie, de voyages et de sensations, ils seront pour la plupart dans la tranche des 40-60 ans », répond notre interlocuteur à notre question sur la clientèle ciblée par la Newron EV-1.

Les 12 exemplaires seront fabriqués à la demande. « Cette façon de procéder nous permet de limiter notre investissement en outil de production tout en assemblant à la main nos machines haut de gamme », nous informe-t-il.

 

Et après ?

Comme chez Tesla, Newron envisage en prolongement de son parcours de démocratiser les motos électriques avec des modèles plus abordables. Ce qui sera possible lorsqu’un réseau de concessionnaires capables d’entretenir les machines sera suffisamment développé.

Automobile Propre et moi-même remercions Sébastien Mahut pour son témoignage, sa disponibilité et sa confiance.