Fin 2012, lorsque BMW dévoilait officiellement sa fabuleuse i3, je faisais parti de ces personnes qui espéraient vraiment que l’industrie automobile allait enfin se lancer dans la grande bataille de ce siècle : la gestion durable des ressources naturelles et la réduction drastique des émissions de CO2. C’était sans compter une fois encore sur l’épouvantable inertie des mentalités et notre incapacité collective à vraiment changer de modèle de développement.

Les véhicules à faible autonomie, personne n’en veut !

Dans une économie libérale, il est coutume de dire que les industriels proposent, le consommateur dispose. S’agissant des véhicules électriques équipés de la première génération des batteries Li-ion, même avec d’importantes incitations financières à la clé, force est d’admettre avec le recul, que le marché s’est révélé être très inférieur aux attentes. A l’exception notable de la Norvège qui a su créer un environnement global très favorable aux VE tout en augmentant la pression fiscale sur les véhicules à moteur thermique, aucun autre pays au monde n’a réussi à dépasser le seuil critique à partir duquel il n’est plus possible de parler de marché de niche. Les raisons sont connues, elles sont très nombreuses et parmi celles-ci, l’inertie des mentalités et l’incapacité des automobilistes à changer de paradigme en fait partie.

Une autre raison, c’est le prix relativement élevé auquel s’affichait à l’époque ces véhicules sur le marché du neuf. Les années passant, sur le marché de l’occasion, ces véhicules électriques à faible autonomie sont devenus de plu en plus accessibles. Hélas, le constat reste peu ou prou le même : pour le même prix, beaucoup continuent de préférer les modèles thermiques jugés comme moins contraignants à l’usage, y compris dans des régions où paradoxalement les stations services se font de plus en plus rares !

L’impasse du toujours plus

Pour tenter d’inverser la tendance et mieux répondre aux attentes de leurs clients, les constructeurs automobiles ont donc fait le choix de proposer des véhicules électriques dotés d’une autonomie se rapprochant davantage de celle offerte par les modèles thermiques équivalents. Ce faisant, d’autres difficultés apparaissent : les prix restent élevés et surtout, en l’absence de borne de recharge ultra-rapide en nombre suffisant, le temps de rechargement s’est significativement allongé dès que l’on cherche à exploiter au maximum l’autonomie offerte entre deux recharges. Au final, le gain pour le consommateur n’est pas toujours aussi intéressant qu’espéré. L’autonomie plus importante apporte certes plus de sérénité dans certains cas de figure sans pour autant parvenir à égaler la polyvalence d’usage des véhicules à moteur thermique lorsque vient le moment de recharger la batterie.

Pour autant, les constructeurs semblent de plus en plus nombreux à croire qu’ils pourront demain apporter une contribution significative à la réduction des nuisances environnementales dont ils sont indirectement à l’origine grâce à l’électrification progressive de leurs modèles, en conservant des caractéristiques techniques proches, voire supérieures, à celles des modèles thermiques existants. Un échec aussi prévisible que celui de vouloir remplacer en quelques années seulement une importante production électronucléaire par un grand nombre d’éoliennes et de centrales solaires photovoltaïques.

En cherchant à tout prix à se rapprocher de l’autonomie offerte par les véhicules thermiques au prétexte que c’est ce que les clients veulent, les constructeurs automobiles sont en train de transformer le VE en des véhicules excessivement lourds qui, pour pouvoir se recharger rapidement sur des trajets de type autoroutiers, nécessiteront demain l’utilisation de coûteuses infrastructures de recharge. De nouvelles infrastructures qui auront pourtant bien du mal à rivaliser en toute circonstance avec les pompes à pétrole tant les écarts en terme de densité énergétique reste importants entre les carburants liquides ou gazeux et les batteries.

De l’importance des infrastructures existantes

Que ce soit les stations services, le réseau de gaz naturel ou encore le réseau électrique, les réseaux de distribution existants constituent une donnée d’entrée structurante pour la transition énergétique à court et moyen terme.

Compte tenu de l’hégémonie actuelle des stations services pour approvisionner en énergie le parc roulant existant, il est totalement illusoire de vouloir s’affranchir de ces infrastructures à court terme pour accélérer la transition énergétique.

Dès lors, l’idée de recourir à un prolongateur d’autonomie embarqué pour répondre aux besoins occasionnels tels que les départs en vacances ou les longs week-end improvisés demeure une solution technique séduisante malgré tout le mal qu’en pense les inconditionnels du tout électrique. Elle est d’autant plus séduisante que pour approvisionner occasionnellement des véhicules 10 fois moins consommateurs de carburant que leur équivalent thermique (en conso moyenne annualisée), les carburants mobilisés pourraient assez facilement être issus de sources renouvelables (biogaz, superéthanol, H2…)

Ecouter les usagers plutôt que les constructeurs

Malgré une offre dramatiquement limitée depuis l’apparition en 2012 de la Chevrolet Volt et de sa cousine européenne l’Opel Ampera, les véhicules électriques à prolongateur d’autonomie ont cette caractéristique peu commune de recueillir un taux de satisfaction de leurs propriétaires parmi les plus élevés qui soient.

Le constat est particulièrement vrai pour la BMW i3 qui depuis ses débuts existe avec ou sans prolongateur d’autonomie dédié à cet effet. Une caractéristique très intéressante qui en fait depuis plus de 6 ans déjà, un des rares véhicules électriques avec lequel il est possible de s’aventurer occasionnellement sur des trajets de type autoroutiers sans craindre la panne de kWh et/ou sans devoir rallonger le temps de parcours dans des proportions parfois inavouables selon les circonstances. Autre constat intéressant : parmi les avis de propriétaires de i3, les critiques les plus virulentes sont essentiellement le fait des propriétaires de i3 tout électrique (surtout la 1ère version équipée des cellules 60 Ah) qui pointent une autonomie réelle très inférieure aux chiffres annoncés par BMW qui de fait, réduit l’usage de la voiture principalement au monde urbain.

L’électrique en source principale ; le thermique en appoint

Au regard des usages potentiellement très variables auxquels une voiture doit pouvoir répondre en toute circonstance ou presque, l’idée d’avoir 2 sources d’énergie complémentaires entre elle dans un seul et même véhicule comme c’est le cas avec l’hybride rechargeable est un principe qui fait sens. Une solution particulièrement intéressante pour les ménages qui ne disposent que d’une seule voiture et pour laquelle la polyvalence d’usage est généralement un critère très important lorsque vient le moment de changer de voiture.

Mais pour être sûr que la source électrique soit bien utilisée comme source principale et non comme énergie d’appoint, la solution prolongateur d’autonomie est généralement plus pertinente que la solution hybride rechargeable réservée aux véhicules haut de gamme et/ou de prestige pour lesquels les aptitudes routières restent un critère prioritaire.

Pour s’en convaincre, il suffit une fois encore de consulter la bible Spritmonitor : la BMW i3 REx ressort nettement en tête des véhicules les plus économes en carburant comparativement aux véhicules hybrides rechargeables commercialisées ces 6 dernières années. Fait remarquable : elle fait partie des rares voitures à afficher une consommation moyenne en carburant rigoureusement identique à la consommation normalisée indiquée par le constructeur !

Une solution imparfaite mais efficace et pragmatique

En parcourant les forums et autres blogs dédiés à la voiture électrique, il est hélas fréquent de lire que le fait même d’embarquer un moteur thermique à bord d’un VE est un non sens économique et environnemental dès lors que celui-ci n’est utilisé qu’en appoint occasionnel, lorsque l’autonomie offerte par la batterie est insuffisante et/ou que le propriétaire ne juge pas utile de mieux planifier son trajet pour éviter de recourir au REx (ce qui soit dit en passant est facile à comprendre dès lors que l’on peut compter sur l’aide d’un prolongateur d’autonomie dédié à cet effet).

Un point de vue que je ne partage pas du tout personnellement  compte tenu des multiples avantages qu’offre par ailleurs un prolongateur d’autonomie.

Plutôt que de persister dans la voie du tout électrique en misant exclusivement sur des VE à grande autonomie affichant un poids à vide sensiblement supérieur à celui des véhicules thermiques comparables, qu’attendent nos champions nationaux pour enfin proposer une Clio / 208 dotée d’une batterie Li-ion de dernière génération facile à recharger depuis n’importe quel prise 220v et qui, pour les rares trajets pour lesquels l’énergie électrique embarquée ne suffit pas, pourrait compter sur l’aide d’un petit générateur thermique spécialement conçu à cet effet sur le modèle de ce que propose la BMW i3 depuis 6 ans déjà ?

Un prolongateur d’autonomie qui veillerait également à ce que la batterie Li-ion reste toujours dans sa zone de confort en terme de charge/décharge et qui, les jours de grand froid, apporterait un complément thermique efficace pour réchauffer l’habitacle et/ou la batterie électrique.

Une solution qui n’aura jamais les faveurs de celles et ceux qui ont déjà franchi le pas du tout électrique et qui ont potentiellement les moyens d’investir dans des véhicules électrique à grande autonomie mais qui permettrait en revanche de répondre aux attentes et aux moyens de beaucoup d’autres ménages qui pour pleins de bonnes ou de mauvaises raisons refusent jusqu’à présent l’idée de passer au tout électrique avec tout ce que cela implique dès que l’on sort de son champs d’utilisation optimal.

Concurrencer réellement l’offre thermique, y compris sur les gammes moyennes inférieures qui constituent le gros des ventes de voitures neuves.

Si sur le haut de gamme, le VE à forte autonomie couplé aux indispensables bornes de recharge ultra-rapide qui vont avec est la solution que les marques premium et ultra-sportive ont choisi d’investir pour essayer de contrer Tesla, sur le segment des petites voitures abordables qui constituent une part importante des véhicules en circulation dans un pays comme la France, la solution reste encore à trouver pour espérer accélérer l’électrification du parc roulant.

A condition d’offrir une expérience utilisateur enthousiasmante et de réelles économies à l’usage en coût de fonctionnement, la solution VE + REx à potentiellement de vrais atouts à faire valoir.

D’où cette interrogation récurrente : qui sera le premier constructeur à se positionner de façon ambitieuse et déterminée sur le créneau potentiellement porteur de la petite voiture électrique légère, à prolongateur d’autonomie embarqué pour concurrencer enfin l’offre thermique ou hybride classique ?