Comment les constructeurs automobiles s’inspirent du thermique pour inciter les plus réfractaires à passer à l’électrique.

La voiture électrique est fade, insipide, et tellement silencieuse et linéaire qu’on s’ennuie à son volant, parait-il. Même si parfois elle offre des performances de Lamborghini pour le cinquième du prix. C’est un point de vue qu’à défaut de partager on peut comprendre, merci de ne pas m’insulter tout de suite.

Un point de vue que certains constructeurs semblent en tout cas prendre en considération puisqu’ils proposent ici et là un certain nombre de dispositifs visant à rendre leurs voiture électriques plus attirantes et plus vivantes. Ou, en d’autres termes, plus… thermiques.

Hérésie ? Bah, c’est du marketing, et si ça ne fait pas mal, cela peut s’entendre.

Convaincre et convertir les plus réfractaires

Mais alors quels sont ces dispositifs et de quoi parle-t-on exactement ? On parle de convaincre ou de convertir non pas ceux qui sont naturellement attirés par l’électrique et qui souhaitent y passer coûte que coûte mais les autres – et ils sont encore nombreux – qui y sont réfractaires, voire totalement allergiques. Et qui ne jurent généralement que par le thermique pour différentes raisons, comme le son du moteur, les montées en régime, le plaisir de passer les vitesses ou de rétrograder, voire même (pour les plus pervers) l’odeur de l’essence.

Pour ceux-là il faut sortir l’artillerie lourde, ou des armes de séduction massive, comme vous préférez. Cela passe généralement par le mimétisme de ce que le thermique “a de meilleur”. C’est ainsi que dans les bureaux d’étude des voitures vertes, des ingénieurs s’affairent pour réinventer, souvent artificiellement, des systèmes qui génèrent des bruits de moteur (y compris à l’arrêt), des boites de vitesse, réelles ou fictives, et des systèmes de gestion informatique qui simulent les montées en régime des voitures thermiques. Car oui parfois, il faut savoir ralentir pour savourer l’instant pétrole puisque certaines électriques sont trop puissantes pour être honnêtes. Comme le dit le thermicomaniaque, “Mieux vaut un 0-100 en 5 secondes avec une vraie bagnole qu’un 0-100 en 2 secondes avec un iPad sur roues”. Le thermicomaniaque a des principes. Ne m’insultez pas, c’est de l’humour. Enfin j’essaie.

Quand silence est synonyme d’ennui

Concernant le bruit, pardon le son, il faut avouer que nous sommes relativement gâtés, et que les constructeurs font preuve d’une certaine créativité pour rendre l’obligation légale de l’AVAS légèrement plus sexy qu’un simple buzzer de soucoupe volante que seul David Vincent a déjà rencontrée. C’est Porsche qui avait ouvert le bal dès 2020 avec le Taycan et son envoûtant Electric Sport Sound, aussi discret (mais audible) à l’extérieur que présent à l’intérieur. Un son qui évoque une sorte de mix bien balancé entre vaisseau spatial du futur et V8 feutré de Panamera bien élevée, avec certaines fréquences qui évoquent presque un petit quelque chose de 911, si si. Bien joué, surtout quand on sait que ce n’est pas un son de synthèse mais tout simplement une amplification acoustique du son des moteurs électriques, traitée numériquement et envoyée dans les haut-parleurs de la voiture. Certains trouvent cela idiot, personnellement je trouve qu’il y a du génie dans cette ingénierie. Bien sûr il vaut mieux avoir voyagé à bord de cette auto pour comprendre le sens et la puissance évocatrice de ce dispositif sonore.

D’autres constructeurs empruntent des voix différentes, comme BMW et son partenariat avec Hans Zimmer, qui a lâché Hollywood le temps de faire rugir les bolides électriques de Munich avec des sons planants mais virils dont il a le secret. Fiat a également pris le train en marche avec sa nouvelle version de la mythique 500 Abarth en version électrique et son générateur de son d’échappement, renforçant son côté kéké en goguette dans les rues de Rome. Qu’on aime ou pas, l’effet ne laisse pas totalement indifférent dans cette version électrique la dolce vita.

Mais c’est l’américain Dodge, avec la déclinaison électrique de son célèbre Charger, qui remporte la palme du rugissement à la mode thermique. L’engin est en effet doté d’un dispositif émettant un son qui se rapproche de la façon la plus authentique possible de celui d’un bon vieux V8 à la sauce yankee, le Fratzonic Chambered Exhaust. Comme nous l’expliquions dans un précédent article, c’est lors du dernier Chicago Auto Show que la grosse berline électrique avait fait entendre son vacarme. Car dans la culture automobile américaine, cet attribut sonore représente un sérieux argument de vente. Le fait d’électrifier des modèles qui reposent depuis leur création sur un V8 est en effet perçu comme un sacrilège. Pour calmer son public amateur de grosses cylindrées, Dodge a en conséquence travaillé sur un son synthétique rappelant les larges blocs.

Des boîtes de vitesses bien sous tous rapports

Mais le son n’est pas le seul levier sur lequel s’appuient les constructeurs pour inciter les plus hostiles à passer à l’électrique. Parmi eux, nombreux sont encore ceux pour qui une voiture sans boite de vitesses et l’adrénaline qui monte en même temps que les rapports n’est pas une vraie voiture. Pour eux, certains constructeurs se penchent sur la question, sous diverses formes. C’est par exemple Toyota – pas forcément très impliqué dans le tout électrique – qui développe un système simulant les passages de rapports. En l’état actuel du développement, la commande n’est connectée à aucune boîte. Le système, entièrement virtuel, reprendrait, dans les grandes lignes, le fonctionnement des faux passages de rapports qui font leur apparition sur les hybrides de la marque. Mais Toyota irait bien plus loin. Le système devrait disposer d’une véritable commande manuelle, d’une gestion électronique pour simuler au mieux les variations de régime, d’un compte-tour et d’une pédale d’embrayage avec retour de force ! Idée stupide ? Peut-être… En attendant, le rendu dans la vidéo de cet article est assez bluffant.

Par ailleurs, il n’y a pas que les fausses boîtes de vitesses à la Toyota. On sait que les Porsche Taycan et les Audi e-tron GT, bâties sur la même plateforme, sont dotées d’une boîte à deux vrais rapports, qui fonctionnent de façon entièrement automatisée, sans aucune interaction du conducteur, et que l’on sent surtout lors des accélérations un peu soutenus après un départ arrêté. Mais le processus est tellement fluide et discret que la plupart du temps, en usage “normal” on ne le sent pas.

Pour finir avec les boîtes de vitesses, Chez Bosch, on s’active pour proposer ce genre de dispositif aux constructeurs. Un équipement qui s’apprécie dans des modes de conduite extrêmes ou particuliers. Ainsi en tractant une remorque, en montant des côtes importantes, ou en embarquant de lourdes charges à bord, la transmission CVT4EV adopte un rapport de démultiplication plus petit qui améliore l’accélération. À l’inverse, un rapport plus élevé est atteint lorsqu’il s’agit de privilégier la vitesse de croisière. Sur autoroute par exemple, où la consommation sera en outre réduite. Les gains sont multiples : consommation moindre, réduction du bruit grâce à une vitesse de rotation plus petite dans le moteur électrique, possibilité d’adopter une batterie et/ou un moteur moins important et meilleur marché tout en conservant les performances, etc. Dans le même registre, le spécialiste du secteur ZF estime qu’une boîte de vitesses à 3 rapports serait parfaite pour la voiture électrique. Vous voyez qu’il ne faut jamais dire jamais.

Des courbes parfaites

Enfin, pour retrouver les sensations perdues du thermique et redonner ce petit supplément d’âme à l’électrique, rien de tel que de singer la diversité des moteurs et de leurs montées en régime. C’est ce à quoi s’emploie BMW, qui a déposé auprès du service américain officiel dédié où la marque bavaroise présente un système qui permettrait aux conducteurs de personnaliser différentes propriétés du groupe motopropulseur, y compris la cartographie de la pédale d’accélérateur et la courbe d’accélération de sa propre voiture. BMW a imaginé un graphique où vous pouvez vous-même créer des courbes de couple personnalisées et des cartographies de l’accélérateur qui sont en corrélation avec votre vitesse, où chaque point de la courbe peut être adapté à votre convenance, exactement de la même façon qu’un égaliseur sur une chaîne Hifi. De quoi se façonner très finement une auto exactement à son goût. Ajoutez à cela un petit son made in Hanz Zimmer et les M4 et consorts pourront aller se rhabiller.

On pourrait aussi parler de différents autres gadgets, plus ou moins utiles, qui vont font vous sentir comme dans une thermique, comme les palettes au volant, non pas pour passer les vitesses mais pour gérer la régénération, ou encore certains faux compte-tours qui affichent la consommation instantanée en mode analogique à la place du régime moteur, ou encore plus insolite, le retour des pots d’échappement du côté de Stuttgart

On n’a pas fini de s’amuser. Mais si cela permet de convertir plus de monde à l’électrique, pourquoi pas ?