Illustration : un Tesla Model X dans un tunnel de la Boring Company

Le laboratoire fédéral suisse d’essai des matériaux et de recherche (Empa), installé à Dübendorf, s’est interrogé sur les conséquences d’un incendie de voiture électrique dans un parking souterrain ou un tunnel.

L’étude menée par l’Empa, et dont les conclusions viennent d’être communiquées, devait répondre à cette question globale : « Que se passe-t-il si une voiture électrique prend feu dans un tunnel routier ou dans un parking souterrain ? ». Il s’agissait en particulier d’évaluer si la situation est alors plus dangereuse qu’avec les modèles thermiques.

Pour le savoir, le laboratoire suisse a effectué, avec l’expert en sécurité des tunnels Lars Derek Mellert, plusieurs simulations dans la galerie d’essai de Hagerbach. Ce site est utilisé depuis 1970 pour réaliser, en conditions réelles, des travaux d’essais, de recherche et de développement dans le domaine de la construction de tunnels.

Les suies et les gaz de combustion, mais aussi l’eau d’extinction, ont fait l’objet d’un examen attentif.

Incendie dans un espace clos

Les chercheurs ont envisagé 3 scénarios différents. Le premier visait à observer l’impact, dans un espace clos (28 x 28 m, avec une hauteur sous plafond de 2,5 m) et sans ventilation, d’un incendie de batterie lithium-ion d’une capacité énergétique de 32 kWh. L’Empa a calculé un volume d’air de 2.000 m3 dans une telle aire de stationnement.

Pour l’expérience, le décor a été réduit au 1/8e en conservant les proportions. C’est ainsi un pack 4 kWh qui a été incendié dans une pièce d’un volume de 250 m3.

A la suite de la combustion des cellules, les chercheurs ont examiné en particulier 3 points. Il ont tout d’abord voulu découvrir comment se dépose la suie sur les parois du tunnel, les surfaces, et sur les combinaisons portées par les pompiers. Ils se sont ensuite penchés sur la toxicité des résidus et sur les précautions à prendre pour nettoyer le site après le malheureux événement.

Pas plus dangereuse qu’une thermique

A la suite de cette première expérience, Lars Derek Mellert a estimé qu’une « voiture électrique en feu n’est pas plus dangereuse d’un point de vue thermique qu’une voiture en feu avec une propulsion conventionnelle ».

Et concernant les émissions polluantes qui résultent du sinistre ? Quelle que soit l’énergie de propulsion du véhicule, « elles ont toujours été dangereuses et éventuellement mortelles », est-il indiqué en conclusion du rapport.

Très corrosif et toxique, l’acide fluorhydrique est considéré comme un danger spécifique aux batteries lithium-ion en feu. Dans les essais réalisés dans le tunnel du Hagerbach, les concentrations sont restées « en dessous de la plage critique », mettent en avant les rédacteurs. En conséquence, exclure les voitures électriques des parkings souterrains et des tunnels n’est ni utile ni nécessaire.

En revanche, l’étude souligne que : « Indépendamment du type d’entraînement ou de système de stockage d’énergie, l’objectif premier doit être de faire en sorte que toutes les personnes puissent quitter la zone dangereuse le plus rapidement possible ».

Incendie dans un espace équipé de gicleurs

La deuxième expérience diffère de la précédente par l’ajout d’un système d’extinction des incendies par des gicleurs d’eau. Ce dispositif n’a pas permis d’empêcher la destruction complète de la batterie par les flammes.

Lorsqu’un pack lithium-ion s’embrase, un arrosage copieux avec de l’eau ne permet que de refroidir l’ensemble et les abords immédiats, afin d’éviter une propagation des flammes à d’autres cellules encore intactes ou aux véhicules garés à proximité. Un phénomène que les pompiers connaissent désormais très bien.

Ce qui est modifié avec la présence de gicleurs, c’est une diffusion très différente des suies et fumées. Les murs et le plafond seront moins touchés. C’est principalement le sol qui sera alors souillé.

Avec ce scénario, les chercheurs ont voulu examiner en particulier les éléments présents dans l’eau après l’incendie.

Une eau toxique à traiter

Une différence de taille avec l’incendie d’une voiture électrique à batterie lithium-ion, par rapport à un véhicule essence ou diesel, c’est le niveau de toxicité du liquide qui aura servi à arroser le pack en flamme ou à nettoyer les murs et le plafond après le sinistre. « Il est important que cette eau hautement contaminée ne s’écoule pas dans le réseau d’égouts sans un prétraitement adéquat », préviennent les chercheurs.

Selon eux, « la charge chimique de l’eau d’extinction dépasse les valeurs limites suisses pour les eaux usées industrielles d’un facteur 70, et l’eau de refroidissement est même jusqu’à 100 fois supérieure à la valeur limite ».

Lars Derek Mellert a tenu à mettre en garde les exploitants de parkings souterrains : « N’essayez pas de nettoyer vous-même la suie et la saleté. La suie contient de grandes quantités d’oxyde de cobalt, d’oxyde de nickel et d’oxyde de manganèse. Ces métaux lourds provoquent de graves réactions allergiques sur la peau non protégée ». Son conseil après l’incendie d’une voiture électrique : Faire appel impérativement à des professionnels équipés en conséquence.

Incendie dans un tunnel ventilé

Avec ce dernier scénario, il s’agissait de mesurer l’utilité d’un système de ventilation en cas d’embrasement d’une batterie lithium-ion et l’impact des suies et fumées sur lui.

L’expérience a été menée avec un dispositif d’extraction qui a évacué l’ensemble à une vitesse constante de 1,5 mètre par seconde dans un boyau mesurant 160 m. La bouche d’aspiration a été placée à 50, 100 puis 150 m des flammes.

Les chercheurs souhaitaient définir le risque de corrosion sur le long terme des pièces métalliques qui composent l’ensemble.

Pas d’altération durable

Le premier point positif observé par les chercheurs a été l’efficacité des systèmes de ventilation des tunnels pour évacuer les fumées d’une batterie lithium-ion en feu. Pas de différence notable avec celles générées par une voiture thermique qui brûle.

En outre, comme dans les parkings souterrains, un sinistre avec un véhicule électrique ne se traduit pas par une altération longue de la zone touchée. Aucune corrosion n’a été causée au système de ventilation ni aux équipements du tunnel. Le personnel intervenant habituellement dans ces espaces n’aurait rien à craindre de spécifique.

L’étude avait pour principale mission de rassurer les exploitants de parkings qui devenaient de plus en plus nombreux à se poser quelques questions : « Que faire si une voiture électrique prend feu ? Quels sont les risques pour la santé de mes employés ? Quels sont les effets d’un tel incendie sur le fonctionnement de mon complexe ? ». Logique, avec une présence de plus en plus importante de voitures branchées dans leurs établissements.

Avis de l'auteur

Lorsque les voitures fonctionnant au GPL ont été parfois interdites de stationnement dans des parkings souterrains, c’était principalement en raison du souffle d’une potentielle explosion qui pouvait piéger soudainement des personnes et affaiblir la structure des bâtiments concernés. Avec, à la clé, des dégâts potentiellement considérables.

Rien de tel avec une voiture électrique ! Quelques vidéos circulent sur le Web montrant des VE qui s’embrasent dans ce type de bâtiments. L’incendie est cependant violent, avec des températures qui grimpent très rapidement. L’équipement en systèmes de détection et de vidéosurveillance permet d’alerter rapidement les secours. Un point important qui permet d’envisager que le sinistre ne se propage pas à l’infini aux véhicules stationnés à côté.

L’Empa a noté l’opacité dans les tunnels des fumées de combustion qui s’échappent des batteries lithium-ion en flamme. Elles masquent rapidement l’éclairage, jusqu’à leur évacuation par les ventilateurs d’extraction. Un système mis en place indépendamment du développement des VE, et qui fonctionne a priori très bien.

Notons que les observations ont été menées sur des batteries seules, sans le reste de la voiture qui va autour.

Si des interdictions d’accès à des parkings et des tunnels routiers étaient requis pour les véhicules électriques, nul doute qu’elles constitueraient un frein nouveau à leur développement. Ne serait-ce qu’en raison des bornes de recharge présentes, qui, pour nombre d’électromobiliens, sont devenues indispensables à une utilisation quotidienne de ces engins. Un scénario qui serait intervenu alors que les autres points noirs ou gris de la mobilité électrique s’estompent progressivement.