Lors de son discours de clôture du grand débat, Emmanuel Macron a laissé entendre que certaines niches fiscales accordées jusqu’à présent aux entreprises seraient – au moins partiellement – supprimées au profit d’une moindre imposition et/ou taxation des ménages. En ligne de mire : la fiscalité carburant applicable aux véhicules d’entreprise. Une anomalie fiscale et sociale dénoncée de longue date sur ce blog, qui participe à entretenir l’hyper dépendance au pétrole de l’économie française au lieu d’inciter les entreprises qui le peuvent à investir dans des alternatives d’avenir. Explications.

Changer enfin d’époque !

Disons-le franchement, le régime fiscal qui s’applique encore à ce jour à la quasi-totalité des entreprises françaises en matière de carburant automobile participe davantage à entretenir la dépendance aux énergies fossiles plutôt qu’à préparer l’avenir. Pour mémoire, c’est en grande partie à cause de ce régime fiscal complètement archaïque que la France continue d’être dépendante à près de 80% du gazole pour ses approvisionnements en carburant routier.

Si du côté des particuliers, le dieselgate et les problèmes de fiabilité causées par les usages aberrants de ce type de motorisation ont réussi à détourner assez rapidement l’intention des acheteurs, force est de constater que du côté des entreprises, les véhicules à moteur diesel continuent de représenter le gros des immatriculations. Des véhicules qui au bout de 2 ou 3 ans seulement viendront alimenter le marché de l’occasion déjà saturé en véhicules diesel.

L’attractivité pour ce type de motorisation est essentiellement fiscale : en achetant des véhicules à moteur diesel, les entreprises – quelle que soit leur taille – récupèrent entre 80% et 100% de la TVA sur leur dépense en carburant. Un anachronisme de plus dans la France de l’an 2019.

L’urgence sociale et fiscale

Parmi les très nombreux ménages qui consacrent plus de 15% de leur budget à l’automobile et qui peinent à boucler les fins de mois, combien savent que l’immense majorité des entrepreneurs, des chefs d’entreprise, des professions libérales et des indépendants profitent depuis des décennies de cette niche fiscale indigne de notre époque pour rouler avec un carburant moins cher que celui acheté par les millions de foyers modestes un peu partout en France ?

Une niche fiscale qui, même en 2019, permet par exemple à l’immense majorité des conducteurs de pick-up de rouler avec un carburant 20% moins cher que le même carburant acheté par des travailleurs pauvres au volant de leur Clio/206/207/C3 diesel. Insupportable !

Cesser de subventionner la pollution

Si nous avons été nombreux sur ce blog à déplorer le recul du gouvernement sur la taxe carbone suite aux revendications exprimées par les gilets jaunes, force est d’admettre avec le recul, qu’en l’état de la fiscalité sur les carburants automobile, ce renoncement avait toutes les chances de se produire tant les injustices et les anomalies restent nombreuses entre d’un coté les particuliers qui paient plein pot l’intégralité des taxes en vigueur, de l’autre les nantis et/ou les entreprises qui profitent à plein des niches fiscales et autres largesses offertes par le système pour optimiser leurs dépenses en carburant et plus largement celles consacrées à leur flotte automobile.

Alors que la qualité de l’air en ville ne cesse de se dégrader dans la quasi-totalité des grandes agglomérations françaises, avant de songer à de nouvelles taxes et/ou mesures spécifiques pour limiter la pollution due au trafic automobile, la moindre des choses serait déjà de commencer par cesser de subventionner la pollution en accordant aux entreprises quelles qu’elles soient des exonérations de TVA sur leurs dépenses en gazole injustifiables, tant d’un point de vue social, économique qu’environnemental.

Un immense besoin d’évaluation des politiques publiques

Fiscalité carburant, bonus-malus écologique, taxe carbone, exonération partielle de TVA pour les entreprises : il suffit de voir l’évolution du parc automobile roulant français pour mesurer l’inefficacité et l’incohérence des politiques publiques misent en place ces 10 dernières années. Prisonnier du court terme autant que du poids des lobbys, les gouvernements successifs ont jusqu’ici échoué à faire de l’auto à pétrole, un objet obsolète qui n’a pour seul mérite que de continuer à faire tourner des usines et donner du travail à quelques millions de travailleurs européens. Déjà pas si mal dirons certains. Sauf que la concurrence féroce des pays à bas coûts et la montée en puissance de l’industrie automobile chinoise autour des véhicules électriques représentent depuis quelques années déjà de lourdes menaces à moyen terme pour les entreprises européennes et que ça n’est pas en continuant à essayer de sauver le monde d’hier que les acteurs en question peuvent espérer résister aux tempêtes à venir !

En parallèle des évolutions stratégiques auxquelles les constructeurs se préparent, la moindre des choses serait que l’Etat, de son coté, tire les leçons des erreurs du passé et s’inquiète de l’inefficacité de plusieurs de ses politiques publiques en matière de verdissement du parc automobile.

Comment se fait-il qu’après avoir mobilisé autant d’argent en faveur des véhicules électriques ces 5 dernières années, leur part dans le total des véhicules vendus soit encore aussi faible? Comment se fait-il que plus de 10 ans après la mise en place du bonus-malus écologique, le parc automobile roulant soit toujours aussi peu efficace comparativement à ce qu’il était avant l’entrée en vigueur de ce dispositif ? Comment se fait-il que la publicité pour les SUV soit omniprésente du matin au soir dans les médias mais aussi sur l’espace public, y compris au cœur des grandes agglomérations ?

Autant d’incohérences auxquelles il est grand temps d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux et des attentes avant d’envisager de nouvelles mesures en faveur d’une mobilité plus économe et accessible à tous…

Vive le futur sobre et intelligent !