Qui aurait cru, il y a dix ans encore, quand la production de Kia se résumait à une offre low cost, fade et peu évoluée techniquement, qu’elle accoucherait en 2022 d’un monstre 100 % électrique de presque 600 ch à la pointe de la technologie et à la ligne de concept car ? Et pourtant, elle existe bien, cette Kia EV6 GT, et nous sommes allés en Suède pour l’essayer.

Grosse actualité pour la Kia EV6 en ce moment puisque sa gamme se voit garnie aux extrémités par une nouvelle entrée de gamme, disposant de 170 ch et d’une batterie de 58 kWh que nous ne manquerons pas d’essayer une prochaine fois, et par une figure de proue, la GT, que l’on nous promettait depuis la sortie du modèle l’année dernière.

Cette GT, on commence par la reconnaître à certains éléments esthétiques, notamment au niveau des boucliers avant et arrière légèrement redessinés pour être plus agressifs. Mais ce qui frappe le plus, ce sont les grosses jantes de 21 pouces spécifiques cachant excessivement mal des étriers vert néon faisant très Porsche électrifiée. On retrouve cette couleur à l’intérieur par petites touches, ainsi que quelques logos GT, mais surtout de jolis baquets recouverts d’alcantara promettant maintien et confort.

Jusqu’ici, c’est plutôt sympathique, mais pas vraiment de quoi se relever la nuit. Jusqu’à ce qu’on jette un coup d’œil à la fiche technique. Car voilà une Kia comme vous n’en avez jamais vu. Certes, elle reprend la plateforme e-GMP et l’architecture 800 V, mais tous les curseurs ont été poussés à 11, comme on dit dans Spın̈al Tap : chaque train de roues a droit à son moteur, celui de devant produit 218 ch comme sur l’EV6 4×4 325 ch, celui de derrière, spécifique, 367 ch, et la combinaison des deux atteint 585 ch et 740 Nm ! Ne cherchez pas, il s’agit tout simplement de la Kia de série la plus puissante jamais produite ! Le 0 à 100 km/h n’est qu’une formalité puisqu’il est expédié en 3,5 s et l’accélération ne s’arrête qu’une fois les 260 km/h atteints. On ne validera pas dans cet essai ce second chiffre, mais nous avons eu l’opportunité de vérifier le premier sur une piste dédiée à l’exercice. La veille, Kia a enregistré un meilleur temps de 3,28 s et, de notre côté, nous avons fait à peine moins bien avec 3,32 s.

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Cependant, soyons honnêtes : des électriques qui affolent le chronomètre en ligne droite, tout le monde semble savoir le faire aujourd’hui et le vrai défi arrive quand on commence à tourner le volant. Et là, sur le papier, Kia a correctement fait ses devoirs et à tous les niveaux : suspensions pilotées, différentiel à glissement limité électronique, direction plus directe et gros freins avec disques de 380 mm à l’avant et 360 mm à l’arrière contre 345 aux quatre coins sur les autres EV6. Et dans la réalité, qu’est-ce que ça donne ? Là encore, le constructeur sud-coréen nous a accordé tous les moyens pour nous permettre de repousser les limites de la GT dans ses derniers retranchements en mettant un circuit à notre disposition avant même de l’essayer sur routes ouvertes. Le grand bain directement, donc.

Mode Sport enclenché dans un premier temps, ce qui agit sur les suspensions, le différentiel électronique, la direction, le contrôle électronique de la trajectoire et la réponse à l’accélérateur, c’est donc parti sur une piste qui tient plus du tourniquet tant par sa longueur que par sa largeur. Des caractéristiques qui ajoutent en conséquence une difficulté supplémentaire sur un véhicule à l’empattement si long. Et pourtant, l’EV6 GT s’en sort de façon incroyable, défiant les lois de la physique avec une agilité que ne devraient pas autoriser sa masse pour 2 200 raisons. Pas de surprise pour les sorties d’épingle très musclées à couper le souffle grâce au traditionnel couple disponible instantanément auquel nous sommes désormais habitués, mais des yeux écarquillés pour les liaisons au sol. Nous sommes en effet habitués sur les électriques à vocation dynamique à des suspensions exagérément fermes, ce qui offre certes une efficacité brutale en courbes, mais qui ne laisse pas beaucoup de latitude pour corriger une fois les limites atteintes et se paye cash en matière de confort. Mais Kia choisit une approche différente qui n’est pas sans rappeler, toutes proportions gardées, l’école Alpine, et, plus prosaïquement, la Renault Mégane E-Tech, en laissant quelques degrés de roulis en appui, ce qui a non seulement le bon goût d’un peu plus informer le conducteur du grip qu’il peut encore exiger des quatre Michelin Pilot Sport 4 S en 255 de large et de préserver les vertèbres en conduite plus paisible. Mieux encore, le DGL et l’ESP autorisent le train arrière à légèrement se décaler sur l’extérieur, ce qui, malgré la transmission intégrale, donne un délicieux petit goût de propulsion. La direction n’atteint peut-être pas encore la pureté des meilleures thermiques dans le domaine, mais c’est l’une des plus plaisantes qu’il nous ait été donné d’essayer sur une électrique. Quant au freinage généreux, le profil du circuit avec des vitesses atteintes relativement faibles ne nous a pas permis de le faire transpirer. Terminons ce paragraphe par des félicitations aux sièges baquets qui ont non seulement le bon goût de maintenir leur occupant quand ça tortille, mais aussi d’être implantés très bas, avec une assise au ras du plancher.

Et le mode GT spécifique à cette version, me demanderez-vous à raison ? C’est celui des hooligans, à ne justement conseiller que sur routes fermées. L’électronique offre alors une liberté étonnante, au point qu’on en vient à se demander si le moteur avant n’est pas reparti à Séoul tant il faut se tenir prêt à contre-braquer dès que l’on conjugue appui latéral et cheville droite tendue. Pourtant, il reste un dernier mode, plus permissif encore, intitulé sobrement « drift » et qui permet, comme son nom l’indique, de faire fumer les pneus arrière avec une aide toute relative des systèmes de contrôle de traction, au cas où vous seriez nostalgiques des émissions de gaz à effet de serre des voitures thermiques. Est-ce que c’est vraiment indispensable ? Probablement pas, mais gageons que cela permettra de nourrir quelques (rapides) conversations aux bornes Ionity.

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Il est alors temps de confronter cette EV6 GT à la réalité en l’emmenant sur routes ouvertes, avec la nécessité de s’ajuster immédiatement aux limitations de vitesse tant les routes suédoises sont riches en radars. Pas besoin cependant de les dépasser pour retrouver un plaisir de conduite dynamique certain, façon force tranquille, avec une prévenance de tous les instants et un comportement imperturbable même sur un goudron de mauvaise qualité. De plus, et c’est là que cette EV6 mérite totalement les deux lettres supplémentaires accolées à son nom, on retrouve en mode Confort le moelleux des EV6, même si les pneus en 255 ronronnent un peu plus dans l’habitacle. Confortable quand on le souhaite, agile si on le veut, oui, elle mérite son nom de GT. Cerise sur le gâteau, on peut de plus tracter jusqu’à 1 800 kg, soit 200 de plus que les autres EV6 !

Côté autonomie, c’est moins fameux : il faut bien payer ces performances à un moment et surtout un embonpoint supérieur, une bonne partie de cette masse supplémentaire venant des jantes de 21 pouces. Selon le cycle WLTP, on ne peut donc plus que parcourir 424 km en une charge malgré une batterie à la généreuse capacité de 77,4 kWh, contre 506 km pour une 4×4 325 ch en 19 pouces ! Dans la réalité cependant, si l’idée vous amuse de pratiquer l’écoconduite sur un monstre tutoyant les 600 ch, sachez que cette GT sait le faire et même très bien grâce à ses palettes au volant permettant de régler la régénération sur 5 niveaux. De quoi allègrement dépasser les 500 km en une charge avec un minimum d’expérience si l’on en croit l’ordinateur de bord.

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Mais 424 km ou pas, est-ce que c’est si grave que ça quand on peut charger comme l’EV6 ? Pas vraiment. Il faut compter 7 h 20 sur une source de 11 kW en courant alternatif, mais surtout 18 minutes pour passer de 10 à 80 % de charge sur les bornes les plus rapides en courant continu, puisqu’elle peut encaisser jusqu’à 239 kW. Notre itinéraire nous a fait passer par une station Ionity où nous nous sommes surtout arrêtés pour faire une image, car nous étions à 50 % de charge, mais nous avons observé une puissance de 234 kW jusqu’à 60 % de charge avant que la courbe enfin ne s’affaisse ! De plus, grosse nouveauté de ces dernières semaines qui étaient réclamées à cor et à cri par les propriétaires : cette GT comme toutes les EV6 dispose désormais d’un système de préconditionnement de batterie. Lorsqu’une station de recharge est sélectionnée comme destination dans la navigation, la batterie est préchauffée pour arriver au point de charge à une température idéale comprise entre 20 et 22 °C. Autre bonne nouvelle, et c’est une information que vous avez lue en premier sur Automobile Propre : Tesla est actuellement en train de faire une mise à jour de ses Superchargeurs V3 pour permettre enfin à la Coréenne (et à sa cousine la Hyundai Ioniq 5) de se connecter sur les sites ouverts aux autres marques.

Terminons par la douloureuse. Affichée à partir de 72 990 €, la Kia EV6 GT réclame presque 9 000 € de plus que la version 4×4 325 GT Line, ce qui ne paraît pas cher payé pour 260 ch supplémentaires, du caractère en plus et quelques éléments esthétiques spécifiques. Par contre, à ce niveau de performances, il y a de sacrés clients sur le marché, à commencer par la Tesla Model Y Performance vendue 69 990 €. De plus, et même si ce n’est pas un crossover mais une berline, la BMW i4 M50 navigue dans les mêmes eaux financières avec un tarif de 73 750 €. La Coréenne n’a pas à rougir face à l’une comme face à l’autre, quel que soit le domaine, mais cela donne tout de même à réfléchir.

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