Épreuve mythique et 100 % féminine, le Rallye Aïcha des Gazelles bénéficie d’une catégorie électrique dédiée depuis déjà quelques années. Nous avons pu suivre l’événement durant quelques jours. L’occasion de découvrir la compétition et de prendre en main l’EDEN du 2CV Méhari Club sur les pistes ensablées du désert marocain.

Encore rare il y a quelques années, l’électrique se démocratise peu à peu dans le domaine du rallye-raid. Alors que le championnat Extreme-E, lancé l’an dernier en Arabie saoudite, prend la forme d’une compétition 100 % électrique, d’autres événements passent progressivement le cap. C’est le cas du Rallye Aïcha des Gazelles. Née il y a plus de 30 ans, cette course d’orientation 100 % féminine organisée chaque année dans le désert marocain dispose de sa propre catégorie. Au fil des ans, elle est devenue un véritable laboratoire pour la technologie.

Une Méhari électrique dans le désert

Rebaptisée « EDEN », la Méhari électrique du 2CV Méhari Club participait pour la première fois aux Gazelles. Hormis un toit solaire fourni par Provence Éco Energie, un spécialiste du photovoltaïque, la petite électrique n’a pas spécialement reçu d’adaptation pour son aventure au Maroc.

Configurée en deux roues motrices et animée par un moteur de 15 kW, elle intégrait la catégorie « hors classement » de la compétition. Objectifs : suivre la course et constater ses performances dans des conditions difficiles. Accompagnés par Karolyn, une habituée de l’événement, nous avons pu la prendre en main sur quelques kilomètres. Force est de constater que la conduite est beaucoup plus fun qu’il n’y paraît. Cela s’explique en grande partie par la légèreté de la voiture. Ne pesant que 550 kilos avec sa batterie, la petite EDEN surfe littéralement sur les pistes ensablées. Malgré ce que l’on pouvait redouter de prime abord, le confort est également au rendez-vous grâce aux amortisseurs hydrauliques qui filtrent plutôt bien les chocs.

En matière d’autonomie, il ne faudra évidemment pas compter sur les 100 km annoncés par le constructeur. Avec sa petite batterie de 11 kWh, la Méhari électrique ne parcourra guère plus que 40 ou 60 km dans le désert marocain. « Tout va dépendre de la température. Lorsqu’il fait chaud, le sable est moins porteur et on s’enfonce beaucoup plus », nous explique Karolyn. « Le nombre de passagers a également une influence. Avec quatre personnes, les performances ne sont plus les mêmes », complète-t-elle.

Habituée du rallye, Karolyn nous a accompagnés dans le désert marocain pour découvrir la petite EDEN

Des ZOE et des buggys pour l’édition 2022

Si la participation de l’EDEN est une première sur l’événement, l’électrique au Rallye des Gazelles ne date pas d’hier. Les premiers essais en compétition remontent à la fin des années 2000 et ont conduit au lancement en 2017 d’une catégorie « e-Gazelle » spécifique. Pour cette édition 2022, cinq Renault ZOE étaient engagées au sein de la catégorie « auto ».

Basées sur d’anciennes versions 41 kWh, celles-ci ont été spécialement équipées pour le rallye. « On a fait une préparation châssis avec une rehausse et un changement des amortisseurs et des roues. Nous avons également ajouté une protection supplémentaire au niveau du soubassement pour protéger la batterie des chocs éventuels », résume Fabien Lagier de Solutions VE, entreprise chargée de la préparation des voitures de la catégorie électrique.

« Lors des précédentes éditions, il y avait aussi des Citroën e-Méhari (sur base Bolloré Bluesummer NDLR). L’an dernier, elles ont rencontré beaucoup de problèmes techniques en raison des fortes chaleurs. Du coup, nous les avons déconseillées cette année », nous confie un membre de l’organisation.

Au-delà de la catégorie auto, trois buggys électriques ont également pris le départ de cette édition 2022. Basés sur un châssis existant, ces derniers ont été équipés par Solutions VE d’un groupe propulseur directement issu de la plateforme e-CMP de Stellantis. « Nous avons pu commander les pièces à une division spéciale basée au Portugal », nous explique Fabien Lagier.

Les caractéristiques sont ainsi les mêmes que celles qu’une Peugeot e-208 ou qu’une Corsa électrique avec un moteur de 100 kW couplé à une batterie de 50 kWh. Compte tenu de la configuration de l’engin et de son utilisation, l’autonomie n’est évidemment pas la même. Il faudra tabler sur moins de 200 km en conditions de course.

S’adapter aux spécificités de l’électrique

Au même titre qu’en Formule E, l’électrique impose une nouvelle façon d’appréhender la compétition.

« Les différences se jouent au niveau de la capacité de la voiture, mais aussi de la navigation », nous explique Karolyn qui a remporté au volant d’une ZOE la catégorie e-Gazelle en 2021. « Un 4×4 passe partout. Ce n’est pas le cas de la ZOE. Il faut être tactique et gérer les batteries en faisant attention à l’autonomie », poursuit-elle.

Le Rallye des Gazelles, qu’est-ce que c’est ?

Le rallye des gazelles est une épreuve 100 % féminine classée dans la catégorie des courses d’orientation. Le but de la compétition n’est pas d’aller le plus vite, mais d’arriver à trouver dans le désert différents points de passage avec une simple carte et une boussole. Les voitures sont traquées par GPS. Celles qui parcourent le moins de kilomètres pour atteindre les différentes étapes reçoivent le moins de points de pénalité.

Le défi de l’infrastructure

Avec un bivouac installé en plein désert et appelé à se déplacer à deux reprises au cours des dix jours de compétition, c’est le système D qui s’impose pour la recharge. Mis au point par Solutions VE, le dispositif a évolué au fil des ans.

Baptisée Mobil-Solar, la dernière génération s’intègre dans un camion. Capable de ravitailler jusqu’à 12 voitures, il concentre l’ensemble des bornes de recharge ainsi que des capacités de stockage sur batteries. S’y ajoute une remorque solaire dotée de 22 panneaux photovoltaïques qui se déploient manuellement pour capter l’énergie du soleil. En crête, la puissance du système atteint 10 kW.

Bien évidemment, le solaire ne fait pas tout. En cas de besoin, un groupe électrogène capable de fonctionner au biodiesel a également été ajouté.

Une catégorie à développer

« Compte tenu des autonomies, la participation de l’électrique reste limitée. Il faudrait envisager des recharges intermédiaires pour que les électriques puissent réaliser l’intégralité des parcours », note Karolyn qui souhaiterait également que d’autres rallyes-raids suivent l’exemple des Gazelles.

Reste à savoir si l’électrique pourra un jour concourir dans la catégorie des 4×4 et participer à la mythique épreuve de la traversée des dunes. Rien n’est moins sûr. À ce stade, la plupart des voitures électriques du marché restent davantage orientées vers de gros SUV dont la mécanique n’a pas été pensée pour concourir dans des conditions extrêmes. « Typiquement, des modèles à suspensions pneumatiques ne passeront jamais dans les dunes », illustre Fabien Lagier. S’ajoute également la problématique du poids des batteries. « Pour 2023, nous sommes en pourparlers avec des équipages canadiens pour importer un Rivian. Je regarde aussi pour importer un Ford F-150 ou sinon équiper une Model 3 Long Range achetée d’occasion », poursuit-il, intarissable en idées.

La catégorie des ATV, celle des petits buggys, pourrait aussi servir de laboratoire au cours des prochaines éditions. « On part sur un rétrofit d’un Polaris 1000. Nous avons racheté une Smart électrique dont le moteur et la batterie s’adaptent parfaitement », note Fabien Lagier. « Elle n’aura pas suffisamment d’autonomie pour faire le rallye, mais pourra être utilisée dans les dunes » estime-t-il.

Aussi de l’hydrogène

L’an prochain, le LAB des Gazelles accueillera pour la première fois des véhicules à hydrogène.

Côté énergie, un partenariat a d’ores et déjà été conclu avec H2X-ECOSYSTEMS. L’entreprise fournira un groupe électro-hydrogène de forte capacité (le SHYVA 350) qui assurera l’alimentation de l’ensemble des véhicules de la catégorie électrique ainsi que d’une partie du bivouac.