Le Mercedes Citaro converti à l’électrique lors de son passage à Marseille / Image : AP-HL

Le « rétrofit » n’est pas réservé qu’aux voitures anciennes et utilitaires. Les plus gros engins peuvent aussi être débarrassés de leur moteur thermique au profit d’une motorisation électrique. Rétrofuture, un des leaders de la conversion en France, s’est ainsi lancé dans le rétrofit d’autobus urbains. Il présente un premier modèle, que les opérateurs pourraient bien s’arracher.

Neuf, un autobus urbain 100 % électrique coûte extrêmement cher : comptez entre 500 000 et 650 000 € selon la configuration et les options. Renouveler l’intégralité du parc d’une grande ville comme Marseille (600 autobus) nécessiterait un budget de… 300 millions d’euros. Un montant difficile à assumer pour les collectivités. Mais alors, comment peuvent-ils verdir leur flotte sans pulvériser leurs finances ?

Le « rétrofit » est l’une des solutions. Cet anglicisme désigne la transformation d’un véhicule thermique en véhicule électrique. En clair, le moteur essence ou diesel est retiré et remplacé par une chaîne de traction zéro-émission. Sur un autobus urbain, l’opération coûte « entre 250 000 et 300 000 € », assure Arnaud Pigounides, le fondateur et dirigeant de Rétrofuture. La start-up parisienne, jusque-là spécialisée dans la conversion de voitures particulières et d’utilitaires, se lance désormais dans l’électrification d’autobus et poids lourds diesel.

Une nouvelle vie électrique après 18 ans de service

Elle propose un premier modèle, en partenariat avec le rétrofiteur allemand Pepper Motion. Il s’agit du Mercedes Citaro, un bus très implanté sur les réseaux de transports urbains français. Rétrofuture réalise actuellement un tour à travers 40 villes de l’hexagone pour le présenter et informer les opérateurs des avantages du rétrofit. Nous avons visité l’engin à l’occasion de son passage à Marseille.

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Un autobus à l’aspect totalement neuf, dont seul le design trahit l’époque d’origine. Fabriqué en 2004, cet exemplaire accuse plus de 668 000 km au compteur. Il connaît une nouvelle vie depuis le remplacement de son vieux moteur diesel par une motorisation entièrement électrique.
À l’arrière, le retrait du bloc a laissé suffisamment d’espace pour implanter plusieurs batteries NMC refroidies à l’eau glycolée d’une capacité totale de 240 kWh sous 650 volts. L’ensemble pèse 980 kg et offre une autonomie standard de 250 km. Ce rayon d’action est largement suffisant puisqu’un autobus urbain parcourt en moyenne 120 km par jour en France.

Sous la trappe moteur, les batteries remplacent le bloc diesel.

Jusqu’à 150 kW de puissance de recharge

Un port Combo CCS a été ajouté à côté de la trappe à carburant, qui a été conservée pour alimenter le système optionnel de chauffage au biodiesel (de série, une pompe à chaleur de 25 kW assure le chauffage et la climatisation). L’autobus accepte une puissance de charge maximale de 150 kW, suffisante pour effectuer un plein en moins de 3 heures. La propulsion est assurée par deux moteurs électriques asynchrones de 125 kW et 485 Nm de couple chacun, placés sur l’essieu arrière.

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Aussi surprenant que cela puisse paraître, le Citaro pèse toujours 12 300 kg à vide. Il n’a pas enflé durant sa transformation. Conserver la masse et la puissance originale du véhicule est en effet obligatoire pour homologuer une conversion. Les ingénieurs ont ainsi dû réaliser de savants calculs d’équilibre et répartition.

Deux mois d’attente pour un bus converti, un an pour un bus neuf

La conversion d’un autobus nécessite 700 heures de travail, soit 6 à 8 semaines. Un délai inférieur à celui d’un modèle électrique neuf, dont l’attente entre commande et livraison s’étale parfois jusqu’à un an, explique Arnaud Pigounides. Le dirigeant insiste également sur l’aspect économique du rétrofit. Car, s’il est deux fois moins coûteux que le neuf, il peut par ailleurs bénéficier des primes (jusqu’à 30 000 €) applicables aux autobus zéro-émission.

Dans le meilleur des cas, un opérateur de transport peut se procurer un modèle électrique rétrofité aussi performant qu’un neuf, dès… 220 000 €. Seules conditions : l’engin doit être âgé d’au moins 5 ans conformément à la réglementation et figurer au catalogue de Rétrofuture.

La société propose pour l’instant les Mercedes Citaro C1 et C2 et s’attaquera prochainement à l’Iveco Crossway. Une offre qui se développe à petits pas, car il faut élaborer un coûteux plan de conversion pour chaque modèle : « 20 millions d’euros pour un bus et 1 million d’euros pour un véhicule particulier ou utilitaire, dont 200 000 € rien que pour l’homologation », détaille Arnaud Pigounides.

Le rétrofit, meilleur pour l’économie locale et l’environnement

Outre un coût d’achat réduit, la conversion présente d’autres avantages. Les opérations de transformation étant réalisées par des ateliers régionaux agréés, elle favorise l’emploi et l’économie locale. Elle permet aussi de préserver une grande quantité de ressources.

D’après une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), opter pour un autobus converti plutôt qu’un modèle électrique neuf réduit de 37 % les émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie. Transformer un bus diesel en électrique permet de diminuer de 87 % les rejets selon cette même étude, qui s’est basée sur un modèle standard de 12 tonnes.

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Cap sur les camions et l’hydrogène

Rétrofuture, qui a déjà converti 20 000 véhicules depuis sa création il y a trois ans, prévoit d’en transformer 300 000 en dix ans. En parallèle au développement d’une offre d’autobus, la société proposera en 2023 ses premiers modèles de camions rétrofités. Les Mercedes Actros MP3, MP5 et Atego seront les premiers à en bénéficier. Pour la première fois, ils auront la possibilité de choisir entre une propulsion électrique à batterie ou hydrogène. Rétrofuture pourra en effet remplacer leur moteur diesel par une pile à combustible.