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Ouvert exclusivement aux femmes, le rallye-raid Aïcha des Gazelles a compté cette année une Citroën E-Méhari. Son équipage très expérimenté n’était pas là pour gagner. Il avait reçu une mission précise : tester un véhicule électrique pour que dès 2018 un parcours réservé à son genre technologique soit proposé.
Depuis 1990, le rallye-raid Aïcha des Gazelles rassemble chaque année plus de 300 femmes, de 18 à 65 ans, venus des 4 coins du monde pour goûter au désert Marocain. Ici, on ne roule pas des mécaniques : ce n’est pas d’arriver en première position qui compte, mais de parcourir, hors piste, le moins de kilomètres possibles pour parvenir à destination.
La référence ? Le tracé à vol d’oiseau… sans GPS ! L’organisation se réjouit d’avoir imaginé le seul rallye-raid au Monde à être certifié ISO 14001 qui se distingue par les différentes valeurs qu’il cherche à véhiculer : tolérance, solidarité, persévérance, respect du pays traversé et de l’environnement. Les Quads, 4×4, motos, camions et autres engins, en s’élançant de Nice (06), pour le Maroc, le 18 mars dernier, ont dû faire la place à une Citroën E-Méhari pilotée par deux habituées de l’épreuve : Pilar Cabellos et Nezha Larhrissi.
Au départ, il était question que l’équipage branché expérimente avec une Renault Zoé le parcours 2017 du rallye Aïcha des Gazelles. En rencontrant une quinzaine de jours avant le départ notre interlocuteur Fabien Lagier, fondateur de AR Auto, spécialiste de la vente de voitures électriques d’occasion, Dominique Serra, à l’origine de l’épreuve, a accepté de réviser son choix.
Le professionnel souhaitait alors sponsoriser l’équipage branché. Son rôle a été tout différent. A lui de proposer le véhicule le plus adapté pour avaler des kilomètres en hors piste. « J’avais d’abord pensé à une Tesla Model X dont j’avais 3 exemplaires sur le parc », confie-t-il. « J’ai changé d’avis car l’engin est trop lourd et représentait une trop grosse responsabilité pour l’organisation », poursuit-il.
« Nous sommes finalement partis sur une Citroën E-Méhari, bien plus adaptée, avec un côté baroudeur en adéquation avec la rallye », justifie Fabien Lagier. N’en ayant pas en stock, il en a recherché puis trouvé une ? Rapidement, il l’a modifiée pour un usage plus intensif qu’à son ordinaire, notamment en ajoutant un sabot de protection en dessous de la voiture.
« Nous n’avions pas beaucoup de temps pour cela, alors nous sommes allés à l’essentiel », avoue notre interviewé. Il ne regrette pas ses choix : « Au-delà des difficultés rencontrées, les essais ont été véritablement concluants ! », triomphe-t-il. Il compte bien sur un reportage de 52 minutes consacré à l’avenir du véhicule électrique, prochainement diffusé à la télévision et réalisé par Paul Belmondo, pour que soit perceptible son enthousiasme. Le pilote est venu filmer la E-Méhari sur le terrain.
A bord de l’engin, Pilar Cabellos et Nezha Larhrissi avaient à réunir suffisamment d’informations pour aider l’organisation à valider le cahier des charges nécessaires à la création de l’épreuve du rallye spécifique aux véhicules électriques. L’équipage disposait d’une solide expérience pour cela. Pilar pratique le rallye-raid de façon engagé, d’autant plus intensément qu’elle a été en quelque sorte touchée par la légende Balavoine.
Combien de fois a-t-elle pris le départ au volant ou au guidon d’un engin pour affronter les dunes ? Suffisamment pour ne plus avoir à donner un chiffre précis. « Résidant en Bretagne, Pilar était contente d’effectuer le parcours avec une voiture construite dans sa région », illustre Fabien Lagier. Nezha, quant à elle, est sur son terrain au Maroc. Elle était conseillère il y a quelques mois pour la COP22, au service du ministère de l’Environnement. Toutes les 2 avaient déjà fait équipe ensemble pour l’édition 2016 du raid Aïcha des Gazelles.
Dans son édition du 31 mars 2017, le Huffington Post Maroc titre : « Une première participation en demi-teinte pour la voiture électrique ». Un raccourci sans doute trop rapide qui ne tient pas compte de l’objectif premier de la présence d’une voiture électrique cette année.
Au contraire, Fabien Lagier affirme : « La E-Méhari a surpris tout le monde ! »… positivement. L’engin a réalisé une étape de 150 kilomètres avec 12% d’énergie encore disponibles dans les batteries. Au fait, oui, les batteries LMP pour cet usage !? Le gérant de AR Auto nous attendait sur cette question. « Avec des températures qui ont parfois grimpé à presque 40°C, la technologie développée par Bolloré était plutôt à son aise et s’est bien comporté », plaide-t-il. Il est vrai qu’alterner roulage et recharge est effectivement ce qui lui convient le mieux.
On pourrait s’étonner qu’un professionnel du véhicule électrique, qui connaît quasiment tous les modèles, se montre aussi positif et attaché à la E-Méhari. Son appréciation est cependant des plus sincères.
« L’année prochaine, je compte engager au moins 3 E-Méhari au rallye des Gazelles, et peut-être même 4 ou 5 selon les moyens que nous aurons de les recharger et les sponsors qui voudront bien nous suivre », nous annonce Fabien Lagier.
« J’ai dressé toute une liste de ce qu’il faut modifier sur la E-Méhari pour qu’elle soit plus efficace sur le terrain, notamment au niveau des trains de roue : renforcer les amortisseurs, les cardans, les rotules… et rehausser la voiture », énumère-t-il.
« Si les premières modifications sont validées par l’organisation du rallye, j’en proposerai d’autres, notamment en transformant la E-Méhari en 4×4, par l’ajout d’un moteur électrique sur chaque demi-train arrière couplé à un petit pack supplémentaire de batteries, pas forcément LMP, qui lui fera gagner 40 à 50 kilomètres d’autonomie », envisage notre interviewé.
Et pour la recharge des batteries !? « Si le parcours n’est pas jalonné de bornes de recharge, j’envisage une assistance par camion recouvert de panneaux solaires qui se déploient éventuellement à l’arrêt », imagine-t-il. Il détaille : « Pour 3 E-Méhari, il me faudrait 120 m2 de panneaux solaires qui rechargeraient de jour, en roulant comme à l’arrêt, un pack de batteries de 100 kWh transporté dans le camion avec des régulateurs. Arrivés aux étapes, nous pourrions ravitailler nos voitures sur ces accumulateurs ».
Plus question de partir sans un minimum de recul. « J’ai programmé de tester tout cela, en situation réelle au Maroc, fin 2017 », confirme-t-il. Concernant la carrosserie !? Le gérant de AR Auto n’écarte pas l’idée d’intervenir également sur le look de la voiture !
Fabien Lagier assume ses choix : « Pour les transformations, tout se fait pour l’instant sans aucune participation de Citroën ni de Bolloré, me faisant sans doute perdre le bénéfice de la garantie sur les E-Méhari que je vais retoucher ». Il laisse cependant la porte ouverte : « La situation peut évoluer, car nous sommes déjà en relation avec Citroën, et Bolloré a déjà tenté de joindre l’organisation du rallye », admet-il.
A minima, il espère des constructeurs que le système d’identification par badge soit déplacé de derrière le pare-brise où il est trop exposé au Soleil. « C’est une source de problème potentiel », anticipe-t-il. « L’idéal serait que ce dispositif soit purement et simplement supprimé sur nos voitures engagées », avance-t-il. Pour le reste des transformations, il compte travailler avec de petites entreprises réactives, notamment pour la fourniture des packs additionnelles de batteries.
Quand on demande à Fabien Lagier de définir le rallye-raid Aïcha des Gazelles, il répond : « C’est une course d’orientation teintée d’éco-conduite ». Pour l’épreuve spécifique qui sera ouverte aux voitures électriques, il énumère quelques points qui lui semblent particulièrement intéressants : « Effectuer le moins de kilomètres possibles pour arriver aux étapes, avec le moins d’énergie, et peut-être un challenge autour de la recharge ». Selon lui, actuellement, « le cahier des charges pour cette catégorie est en cours de finalisation ».
A priori, les voitures électriques devraient être dispensées de goûter aux dunes, même s’il est bien toujours question de rouler en dehors des pistes. Une épreuve moins contraignante, sans doute, qui aura cependant parmi ses missions de « casser une certaine image négative du VE ».
Au-delà des limites budgétaires et de possibilité de ravitaillement des batteries, si Fabien Lagier évoque un minimum de 3 E-Méhari pour l’édition 2018 du rallye des Gazelles, c’est aussi parce que les 3 équipages sont quasiment déjà formés, ou plutôt que suffisamment de personnes intéressées se sont fait connaître.
Il est bien sûr trop tôt pour entrer dans les détails, si ce n’est que notre interviewé est particulièrement heureux de confier à sa compagne la E-Méhari qui a servi aux tests cette année. Une voiture qui va finir par entrer dans la légende électromobile ! Il faudra lui trouver un nom, si ce n’est déjà fait !
Comme j’aime à le dire, nombre de convaincus de la mobilité électrique viennent du monde des sportives et/ou des anciennes. C’est la cas de Fabien Lagier que j’ai retenu au téléphone plus de 2h30, tellement l’échange était vivant et passionnant. Négociant en voitures depuis 1999, ce sont surtout, les premières années, des Porsche, des Ferrari et des Maserati qui passent par chez lui.
Et si la Quattroporte régulièrement « empruntée » par Dino Fabrizzi, campé par Kad Merad dans L’Italien, vous a fait rêver, sachez que cet exemplaire star a fini par atterrir un jour dans son parc. Ne cherchez pas à comprendre pourquoi je lui ai posé cette question : simple intuition de journaliste régulièrement confronté à des anecdotes sympathiques mais rarement révélées !
En juin 2014, Tesla inaugure son showroom à Meyreuil (13), tout près de chez AR Auto. Fabien Lagier s’y rend sans trop de conviction, pour découvrir ce qu’est une Model S. « Il ne m’aura pas fallu plus d’une journée pour être convaincu par la mobilité électrique et imaginer complètement revoir notre commerce », se rappelle-il. « A la fin de cette année 2014, nous ne vendions déjà plus que des voitures électriques d’occasion », poursuit-il, toujours très enthousiaste.
S’il reconnaît que le chiffre d’affaires de son entreprise est très différent de ce qu’il a connu entre 1999 et l’année de la bascule, ce sont tout de même 120 VE, soit 5 par mois en moyenne, qui ont été achetés chez lui. Rien que pour 2016, il compte 15 Tesla ! Les Nissan Leaf sont aussi parmi les modèles qu’il met régulièrement en avant. A la question « Quelle est la voiture branchée la plus originale et attachante vendue par votre intermédiaire », il répond sans hésiter : « Les Fisker Karma que j’ai revendues en 3 exemplaires ».
Le Maroc exerce une certaine attirance chez Fabien Lagier. « J’ai vécu plusieurs années dans ce pays et j’aime y retourner », nous confie-t-il. Suivre la E-Méhari en mars n’a pas été sa première rechute. Déjà, en novembre dernier, il a fait partie de la Caravane Mipai pour la COP22. Il s’était d’ailleurs intéressé à ce projet dès le départ, quand James Morlaix puis Jean-François Villeret étaient à son chevet. Désormais, les piqûres de rappel pour ce beau pays lui seront au moins assurées par les futures éditions du rallye Aïcha des Gazelles !
Automobile Propre et moi-même remercions vivement Fabien Lagier pour sa réactivité et le temps qu’il a consacré à répondre à nos questions. Nous souhaitons également une bonne chance à Dominique Serra qui porte avec son équipe le rallye des Gazelles en lui assurant une remarquable philosophie.
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