AccueilArticlesSoyons positifs : sur la planète des voitures électriques, où est la frontière entre les chinoises et les européennes ?

Soyons positifs : sur la planète des voitures électriques, où est la frontière entre les chinoises et les européennes ?

La suite de votre contenu après cette annonce

MG ZS EV
MG ZS EV

« C’est simple », dit Lucas en passant son chemin devant une Volvo EX30 : « Pas question pour moi de prendre une voiture électrique chinoise » ! Habitant Wattrelos dans le Ch’Nord, Océane est très contente de la sienne, fabriquée à Gand, en Belgique. C’est quoi, une voiture chinoise en fait ? Les constructeurs chinois et européens, doivent-ils être alliés ou à jamais concurrents ?

C’est quoi, une voiture chinoise ?

Pas de problème pour dire qu’une Seres 3 qui roule en France est une voiture électrique chinoise puisqu’elle est fabriquée en Chine et que la marque est chinoise. Et la MG ZS EV commercialisée dès 2020 ? La marque est britannique, et d’ailleurs son siège social est à Londres. Mais elle appartient à des Chinois (NAC puis fusion avec SAIC) depuis une vingtaine d’années et la production a été délocalisée en Chine. On ne va pas tout de suite compliquer en ajoutant dans le potage qu’il est question d’usine(s) MG qui produiraient bientôt en Europe.

Finalement si, compliquons un peu avec la Dacia Spring. La marque est roumaine, avec son siège à Mioveni. Mais elle est intégrée à Renault, groupe français. Et la Spring est fabriquée en Chine. Jusque-là, on ne va pas trouver grand monde pour dire que ces voitures ne sont pas chinoises.

Alors, on va brouiller davantage les cartes… avec justement notre Volvo EX30. Marque suédoise, siège à Göteborg en Suède, mais qui appartient au chinois Geely depuis 2010. D’abord fabriquée uniquement en Chine, elle est désormais produite pour l’Europe à Gand, en Belgique. C’est à environ 60 km de Wattrelos. Ça se fait dans la journée à vélo ! Pas par moi, mais je suis sûr que Lucas le fait facile. Océane, je ne sais pas trop. On lui demandera plus tard. Alors notre Volvo EX30 sortant de l’usine belge : Chinoise ? Européenne ? Eurasienne ? Sino-belge ? Si ça vous tente, vous avez deux heures pour répondre dans les commentaires.

Et une Model 3 de la marque américaine Tesla fabriquée à l’usine de Shanghai et qui roule en France ? Chinoise ou pas ? Même exercice pour nous le dire à la suite de l’article.

Et puis maintenant on a aussi la future Renault Twingo, conçue au nouveau centre ACDC de R&D à Shanghai, qui sera assemblée en Slovénie, mais avec 40 % de composants chinois. Pour les avis à géométrie variable, on a là de la bonne matière à exploiter.

C’est bien connu, « le danger vient d’Asie »

Que ce soit l’État, les constructeurs français et une importante partie des automobilistes, les voitures asiatiques ont été perçues à plusieurs reprises comme un danger de nature à déstabiliser l’économie de notre pays. Ça a commencé avec les Japonaises qui sont d’abord arrivées discrètement dans la seconde moitié des années 1960. Fiables, exotiques, mieux équipées, moins chères, leur part a augmenté au point qu’en 1977 un quota de 3 % de voitures japonaises a été négocié entre Paris et Tokyo.

Pour le contourner, Nissan a eu l’idée de produire en Grande-Bretagne, à l’usine de Sunderland d’où sont sorties plus tard les Leaf pour l’Europe et maintenant le Qashqai e-Power. Pour la première fois, on a eu des voitures japonaises européennes. Que dire de la Triumph Acclaim également assemblée outre-Manche et commercialisée à partir de 1981 ? Il s’agit d’une Honda Ballade. Vingt ans plus tard, Toyota ouvrait près de Valenciennes l’usine qui produit aujourd’hui encore les Yaris.

À lire aussi
Faute de soutien européen, ce constructeur menace de délocaliser en Chine

Qui voit encore aujourd’hui les voitures japonaises comme un danger pour l’économie française ? Début des années 2010, les citadines i-MiEV rebadgées avec les logos Citroën et Peugeot n’ont pas fait trop de vagues, pourtant construites au Japon. Non, à ce moment-là, ce sont les voitures coréennes qui ont été dans le collimateur du gouvernement français. Kia et Hyundai avaient déjà pris quelques précautions en ouvrant dès 2006 pour le premier une usine en Slovaquie, et 2 ans plus tard une unité en République tchèque pour le second.

Dans leur coin, et sans avoir le recul de Renault ou Peugeot, les Chinois étaient déjà en train de préparer leur révolution industrielle de la voiture électrique. À l’origine fabricant de batteries, BYD a dévoilé en 2008 sa nouvelle orientation en présentant sa e6 dont le succès tient en grande partie à son utilisation comme taxi.

Qui du client ou de l’industriel ?

Qui de la poule ou de l’œuf ? Qui du client ou de l’industriel ? La Chine arrive avec ses voitures électriques dans notre pays dont l’économie est soumise à un mouvement à deux temps : acheter moins cher / produire moins cher. Et si l’an 0 de cette mécanique était arbitrairement mais symboliquement l’année 1984, quand La Foir’Fouille est passée au statut de franchiseur ? En oubliant Tati (les magasins, pas l’acteur réalisateur), c’est là que l’on est passé à l’ère du discount en France. Plus question de se serrer la ceinture pour les vacances, financer des études, l’achat d’une voiture ou un projet de maison : il fallait aussi pouvoir entasser des bricoles pas toujours utiles et parfois même inutilisables.

À lire aussi
La nouvelle Renault Twingo électrique est-elle une voiture chinoise ?

D’où la tendance à vouloir maintenant tout acheter moins cher, quitte à passer par des sites Internet inhumains. Les constructeurs l’ont bien compris, voulant aussi en profiter au passage. Go pour des délocalisations en Chine ou ailleurs, en allongeant les marges plutôt que de les réduire. Ce qui fait que le Made in France, et même la fabrication européenne, ce n’est plus vraiment la préoccupation de beaucoup de consommateurs qui vivent en permanence avec le stress d’un budget serré… tout en accumulant bien plus de choses qu’avant.

Pour beaucoup qui ne voient pas plus loin que l’immédiateté, acheter français ou européen est vu comme un luxe à laisser aux classes aisées que chacun fait démarrer au niveau qui lui convient. Un bébé ainsi refilé aux autres avec les enjeux de l’urgence climatique. Cachons ces inondations, incendies et tempêtes que nous ne saurions voir ! Et puis d’abord, le réchauffement climatique, il n’est pas si méchant puisqu’il permet des économies sur le chauffage ! De quoi se commander des bricoles sur Shein, AliExpress ou Temu.

L’idéal

Maintenant que nous avons déposé les grosses pièces du puzzle qui ouvrent la voie à la Chine devenue industriellement forte grâce à nous, rappelons un idéal. En matière de souveraineté industrielle, environnement, santé, économie nationale, la meilleure voiture aujourd’hui pour un habitant de la France (Français ou non) devrait être électrique, fabriquée en France avec des éléments français y compris les cellules de batterie, polyvalente tout en étant aux dimensions européennes, efficiente, satisfaisante et avec une autonomie en rapport avec les actuels réseaux de recharge. Et tout cela au juste prix qui permettrait de la rendre accessible au plus grand nombre, mais aussi de rémunérer de façon satisfaisante les personnels et actionnaires qui ont participé à sa production.

Faisons là une petite pause pour laisser à nos lecteurs le temps de rechercher et de nous indiquer dans les commentaires les modèles qui pourraient le mieux correspondre à tout cela.

Ensuite, c’est un peu comme avec le tensiomètre de votre médecin : on relâche la pression jusqu’à ce que le sang circule à nouveau dans l’artère. En son âme et conscience, sans réelle réflexion, ou en ne se sentant pas concerné par tous les enjeux du début de ce paragraphe, qu’est-ce que l’on va s’autoriser ? Est-ce qu’on passe directement à une voiture chinoise qui offre le meilleur rapport qualité/équipement/besoins/attrait/prix ? Faut-il s’inquiéter du régime politique chinois si différent de ceux au Japon ou en Corée du Sud ?

En fait, notre vrai problème en France, c’est que nous sommes dans un pays producteur de voitures. Ceux qui ne le sont pas sont souvent bien moins regardants sur la provenance des VE. Il faut décarboner sur la durée, c’est tout !

Développer des rapprochements ?

Les constructeurs français et européens brouillent souvent pas mal les cartes. Ils pleurent ainsi après l’argent public qui serait nécessaire pour obtenir une voiture électrique abordable et bien équipée. Alors que leurs homologues chinois montrent toujours davantage qu’ils sont capables de les dépasser en étant partis bien plus tard dans l’aventure. L’État français est parfaitement dans son rôle en dressant une liste des modèles éligibles aux aides.

À lire aussi
La Chine veut limiter l’accélération des voitures électriques pour plus de sécurité

C’est un autre système que les quotas qu’ont connu les Japonais, mais la parade la plus acceptable reste la même : construire en France ou en Europe les voitures des marques chinoises vendues sur ces territoires. Dans des mesures différentes, on a aussi :

  • les partenariats France(Europe)-Chine pour la conception, l’approvisionnement des matières et des éléments des véhicules…,
  • rebadger des modèles chinois sous des marques européennes,
  • comme Smart et Leapmotor vendre des modèles chinois dans les réseaux de constructeurs européens.

Sachez-le bien, les marques françaises de voitures électriques, le Made in France, elles s’en fichent, sauf si les acheteurs l’exigent et sont prêts à le montrer avec leur chéquier ou leurs impôts. C’est surtout l’État et les territoires qui tiennent à la fabrication française en espérant emporter l’adhésion des citoyens.

Au-delà de toutes préoccupations environnementales, les constructeurs recherchent le développement de leur activité en se positionnant sur des marchés où il y a de la demande, quitte à créer des besoins ou des modes, comme les SUV par exemple. C’est pourquoi ils peuvent adopter une ligne de conduite apparaissant floue de l’extérieur. Ainsi, en délocalisant tout ou partie de la fabrication pour obtenir des coûts concurrentiels… et en communiquant simultanément sur du Made in France ou Europe afin de séduire ceux qui y sont sensibles.

Des partenariats entre les marques françaises et chinoises existent depuis plusieurs décennies sans qu’on s’en émeuve. Ainsi, Dongfeng/Citroën et Sanjiang/Renault depuis les années 1990. Développer des rapprochements à l’heure des voitures électriques est préférable à un écrasement de nos vieux constructeurs qui jouent d’abord, eux aussi, dans l’immédiateté ou l’avenir proche.

Avec cela, on n’a pas fini de voir rouler en France des voitures eurasiennes. Est-il possible de faire autrement désormais ? Au moins, si on y gagne sur l’empreinte carbone et la pollution à l’échelle du cycle de vie, c’est déjà positif !

Nos guides