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Arrivé à la tête de Renault France il y a un an, Guillaume Sicard dresse pour Automobile Propre le bilan du leasing social, évoque le succès de la R5, défend le bilan des R4 et Scenic…
Automobile Propre – Le marché automobile français va mal, mais Renault semble tirer son épingle du jeu. Quel est votre bilan en cette fin d’année ?
Guillaume Sicard – Théoriquement, nous serons plutôt bien placés. L’an dernier, nous avions augmenté notre part de marché de 0,5 point. Cette année, pour le moment, nous sommes en hausse de 1,3 point. C’est une belle performance sur la voiture particulière. Elle est due principalement à deux facteurs. Le premier, c’est notre stratégie hybride : elle fonctionne vraiment très bien. Le HEV (hybride non rechargeable, ndlr.) représente aujourd’hui 25 % du marché français. Sa part a progressé de 25 % l’an dernier, de 20 % en 2025. Et sur ce segment, nous avons une offre complète et performante. Nous sommes désormais leader avec près de 40 % de part de marché, très loin devant les 25 % de Toyota. Je ne parle pas souvent des concurrents, mais je suis toujours un peu frustré quand on dit « hybride = Toyota », parce que nous avons vraiment fait du bon boulot.
AP – Vous êtes très satisfaits de l’hybride…
GS – Chez Renault, nous disons que nous marchons sur nos deux jambes avec l’hybride et l’électrique. Pour moi, l’électrique est vraiment en train de prendre et jusqu’à preuve du contraire, on vise toujours 100 % de VE en 2035. Et en 2030, il faut réduire de 45 % nos émissions : donc il va falloir que l’on augmente sacrément notre part d’électrique. Est-ce qu’il y a une solution intermédiaire ? Faut-il insérer une brique technologique pour aider ? Rien ne nous interdit de nous poser des questions. Mais l’électrification reste la voie, il n’y a pas de retour en arrière possible.
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Renault Clio 6 E-Tech : la forme évolue… mais le fond ? L’essai complet de l’hybride au losangeAP – Qu’en est-il de votre performance sur le marché de l’électrique ?
GS – Notre part de marché sur le VE est pour l’heure d’environ 20 %. Nous sommes leader, avec la Renault 5. Ce qui est intéressant, c’est notre part de marché de 25 % auprès des particuliers : un véhicule électrique sur quatre vendu à un particulier est une Renault. Mais je suis aussi très content de voir les progrès sur le marché des flottes. C’est un secteur qui s’électrifie très vite, avec la pression fiscale en faveur du VE. Nous étions troisièmes l’an dernier derrière Peugeot et Tesla. Nous sommes aujourd’hui premiers avec le Scenic comme modèle électrique le plus vendu aux flottes.
AP – La Renault 5 se vend très bien en France, avec 26 000 exemplaires depuis le début de l’année…
GS – On n’en produit pas assez. La troisième équipe a été mise en place à Douai depuis la mi-octobre. Logiquement, on ne pourra pas en mettre une quatrième. Aujourd’hui, nous en sommes à nous disputer avec les autres pays sur le marché interne Renault. C’est à celui qui « gueule » le plus fort pour obtenir une voiture. J’ai eu mon homologue anglais aujourd’hui. On échange : « tu en veux combien ? », lui me répond : « et toi ? ». Je veux répondre au mieux à la demande de mes clients mais ce n’est pas forcément possible.

AP – Que représente la version d’accès Five, avec petite batterie, récemment lancée ?
GS – Aujourd’hui, le taux est artificiellement déformé avec le leasing social. Nous avons eu une forte poussée avec un accès autour de 120 €/mois. Normalement, nous ne détaillons pas les mix, mais cela pourrait représenter à terme 10 à 15 % des ventes. Cela reste confidentiel, mais cela permet, en termes de marketing, de communiquer un prix d’accès. Cela permet aussi de respecter les engagements pris ces dernières années par notre CEO (PDG) à propos des prix : ce que nous annonçons, nous le faisons.
AP – On a l’impression que le lancement est un peu plus compliqué pour la Renault 4, avec 4 000 exemplaires immatriculés au cours des cinq premiers mois de commercialisation…
GS – Je sais que je divise le marché en confettis, mais sur le segment SUV-B électrique, nous en sommes à 22 % de pénétration. La Renault 4 se vend plus que le Peugeot e-2008 et deux fois plus que le Mini Countryman. Nous aimerions toujours en vendre plus, mais nous n’avons pas à rougir de notre performance. On a des clients qui adorent la Renault 5 mais se rendent compte qu’elle a le coffre d’une urbaine. On aura 30 % de plus sur une Renault 4. Elle est aussi plus habitable, plus sympa quand on a un chien… La R4 a aussi son public.
AP – La Megane fait moins parler d’elle, avec 7 000 immatriculations depuis le début de l’année. En 2023, vous en vendiez deux fois plus…
GS – Il est vrai qu’elle est un peu passée au second plan. Mais elle continue à afficher de belles performances sur les sociétés. Elle s’est aussi bien placée lors du leasing social : nous avons fermé les ventes après deux semaines. La Renault Megane continue de faire son job sur son segment.

AP – Ces dernières années, on a vu la Renault Megane E-Tech ou la Fiat 500 démarrer très fort avant de reculer très vite côté ventes. Est-ce que les véhicules électriques se démodent plus vite auprès de la clientèle ?
GS – Je vais vous donner un contre-exemple. Si nous prenons les ventes sur les derniers trimestres, nous assistons vraiment à une montée en puissance du Renault Scenic. La voiture prend de l’épaisseur. Elle est aidée par deux phénomènes. Le premier, c’est que les gens comprennent désormais que Scenic n’est plus une familiale avec les sièges modulables. Elle a changé d’approche. C’est une voiture « tech » à comparer avec une Tesla. Quand je dis qu’une Scenic est en face d’une Model Y, nous avons un peu de mal en tant que français… Mais je n’ai pas honte, c’est un concurrent direct et cela commence à se savoir. Pour moi, ce modèle va encore se développer avec cette notoriété et les progrès de l’électrique dans les flottes.
AP – Nous parlons à l’occasion des essais de la nouvelle Clio. Historiquement, ce modèle constitue plus de 5 % des immatriculations en France et occupe souvent la première place des ventes. Est-ce que la sixième génération peut encore occuper une telle place ?
GS – La Clio résiste très bien. Il est tout de même exceptionnel de voir que la génération actuelle (Clio 5) a augmenté ses ventes de 12 % cette année. Alors même qu’en face, elle a une Renault 5. Cela veut dire que la marque a réussi son pari : nous avons pris un risque en dépensant de l’argent, en ayant deux voitures très distinctes. Entre nous, une plateforme mixte coûte moins cher… Notre investissement est bien payant : 1 + 1 fait plus que deux. Je pense donc que la Clio a encore sa place pour de nombreuses années, même si tendanciellement, la place de la voiture thermique recule. Je ne vous dirai peut-être pas la même chose si l’on se revoit dans quelques années pour la Clio 7. Et nous avons aujourd’hui une belle voiture qui peut aller manger sur le réservoir des concurrents pour maintenir son potentiel de ventes.

AP – On peut donc faire de la conquête avec la Clio ?
GS – Nous avons exposé pour la première fois notre voiture au public en France à Toulouse, il y a quelques jours. Nous n’avons pas encore beaucoup de commandes, mais nous avons eu un ancien propriétaire de Volkswagen Golf, un autre qui avait une 308. Ils ne trouvaient plus forcément leur compte chez nos concurrents. Nous pouvons aujourd’hui aller chercher des clients sur les segment B, mais aussi du côté des compactes. Une Peugeot 208 est expressive, une Toyota Yaris a une super chaîne de puissance hybride. Nous aussi. La Clio peut donc aller chercher des concurrents sur son segment mais aussi faire de la conquête sur d’autres segments.
AP – Vous avez récemment présenté la Twingo. Quels sont les premiers retours ?
GS – Pour l’instant, cela vient surtout des médias ou des réseaux sociaux. Nous restons calmes, mais ils sont super bons. Nous sommes même étonnés, car c’est encore meilleur que sur la Renault 5. La recette est proche : on a le côté émotionnel, mais aussi un niveau technologique en ligne avec notre temps, voire légèrement au-dessus. Avec la Twingo, nous avons aussi un prix d’accroche. Pour les ménages qui ont le CEE (Certificat d’économie d’énergie, remplaçant du « bonus », ndlr.) le plus poussé, on arrive à 15 000 euros. Pour ce prix, on a l’émotion, les aides à la conduite ou une qualité perçue au top.
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GS – Il est plutôt positif. Nous sommes le leader en tant que marque sur les véhicules liés au leasing social et la Renault 5 est le modèle qui aura le plus de bénéficiaires, d’assez loin, a priori. Nous sommes fiers d’y contribuer avec des véhicules fabriqués en France comme la Mégane, la Renault 4 ou la Renault 5. L’année dernière, nous avions immatriculé 11 500 voitures par ce biais, on devrait atterrir autour de 15 000, donc c’est un beau succès.

AP – Cela expose aussi votre réseau à un afflux rapide de véhicules électriques d’occasion…
GS – Les voitures du premier leasing social reviendront en bloc, d’un seul coup. Avec 11 000 voitures, nous sommes relativement peu exposés, même s’il y a toujours un risque. Mais pour la deuxième vague, Renault a demandé aux pouvoirs publics de pouvoir étaler les dossiers sur quatre ou cinq ans. C’est d’abord un avantage pour nos clients, qui sont sécurisés sur une période plus longue et peuvent bénéficier d’un véhicule autour de 120 €/mois. Et cela étale aussi les retours pour notre réseau et cela joue un rôle d’amortisseur. Nous avons beaucoup de concessionnaires qui ont très bien joué avec une moitié de leasing à durée longue, de quatre à cinq ans.
AP – Certes, mais cela fera toujours une grosse quantité de véhicules à écouler en occasion dans les années à venir…
GS – Nous allons déjà prévenir les concessionnaires qu’ils devront augmenter leur volume et leur part de marché sur le véhicule d’occasion de moins de cinq ans. Et donc il faut la structure, en termes de vendeurs ou d’exposition, qui correspondent. Il faut aussi un outil digital performant : 15 jours pour préparer une voiture et faire des photos, c’est trop. Et il va falloir des vendeurs formés à l’électrique. Le vendeur d’occasion – c’est normal – a souvent un petit train de retard sur les technologies. Il faut avancer. Et puis le constructeur doit proposer des produits de financement, d’entretien, qui aident les concessionnaires à accélérer la rotation. Par exemple, rendre le véhicule d’occasion plus abordable avec des systèmes de leasing. Aujourd’hui, cela ne concerne que 20 % des occasions.
AP – Pourquoi est-ce que le leasing en occasion ne prend pas plus vite ?
GS – Parce qu’on ne le propose pas toujours… Une voiture d’occasion est un produit où le financement est un peu plus traditionnel, avec un crédit à la banque ou auprès du constructeur. Avec des formules de leasing, on peut arriver à faire baisser le coût mensuel. Cela nous permet en même temps de proposer de l’entretien, des prolongations de garantie, etc. On peut aussi aider des lignes de produits un peu plus faible avec des taux plus avantageux. Cela donne un moyen d’aider nos partenaires et de répondre aux attentes de nos clients.
AP – Vous avez notamment travaillé en Chine, en étant notamment directeur des opérations de Renault dans ce pays. Quel regard portez-vous sur vos nouveaux concurrents ?
GS – A la base, la concurrence est saine. Mais nous ne sommes pas à armes égales. Le régulateur a d’ailleurs mis en place des règles avec des droits d’importation un peu plus élevés pour les VE afin de corriger une partie de l’écart. J’étais en Chine. J’ai travaillé avec plusieurs co-entreprises et je sais très bien à quoi on a droit quand on est un jeune constructeur en Chine : beaucoup d’aide sur l’achat du terrain, la formation des collaborateurs, des prêts à taux zéro, des extensions de financement ou des contrats publics. Cela fait partie de la force de la Chine, avec un écosystème notamment électrique très développé. On paye l’électricité 7 centimes contre 20 en Europe, les salaires sont inférieurs de 30 % et des réglementations environnementales moins contraignantes. Je pense qu’il est juste que nous ayons des mesures pour corriger cet écart artificiel. J’espère que l’industrie européenne en profitera pour s’organiser un petit peu mieux.
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