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Lancia : alors, comment se passe cette renaissance électrique ?

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Spoiler : tout n’est pas si facile pour la griffe du groupe Stellantis.

L’assurance, c’est souvent une qualité. L’an dernier, Luca Napolitano, le patron de Lancia, affichait une belle confiance dans l’avenir de sa marque et dans le succès de son unique modèle. Placé à la tête de la marque par Carlos Tavares, il pilote depuis 2021 le come-back de cette griffe fondée 115 ans plus tôt.

Ces derniers mois, elle a lancé sa nouvelle Ypsilon et rouvert des points de vente en France, en Espagne, aux Pays-Bas et en Belgique, ressortant de son pré-carré transalpin. « L’ancienne Ypsilon s’est vendue de 40 à 45 000 exemplaires par an avec une concurrence plus moderne, nous expliquait le responsable lors d’une table ronde, entre deux verres d’eau. Nous voulons conserver ces dimensions ».

Premiers chiffres

Les premiers chiffres d’immatriculations sont nettement plus inquiétants. Sur les cinq premiers mois de l’année, les ventes ont plongé de plus de 70 %, malgré la réintroduction de Lancia sur un marché plus vaste.

Immatriculations de Lancia/Chrysler en Europe :

  • Janvier à mai 2024 : 20 662
  • Janvier à mai 2025 : 5 620 (-72,8 %)
(Source : ACEA. Précisions : l’ACEA compte ensemble Lancia et Chrysler, mais les immatriculations de la marque américaine sont nulles ou marginales)

« Quand on a lancé le plan, nous étions conscients de beaucoup de choses, tempère aujourd’hui Charles Fuster, le directeur marketing de Lancia. Il fallait reconstruire presque tout : l’image, la connaissance de la marque. En dehors de l’Italie, le plan est en train de se dérouler comme on l’avait prévu ».

Le problème italien

Car le premier os est l’Italie. Lancia a immatriculé environ 4 000 véhicules dans la Botte au cours des quatre premiers mois de l’année, soit près de 80 % de ses ventes en Europe. Par rapport à l’exercice précédent, la marque a surtout vendu quatre fois moins de voitures sur son marché phare.

Immatriculations de Lancia en Italie :

  • Janvier-Avril 2024 : 16 715
  • Janvier-Avril 2025 : 4 010 (-76,01 %)
(Source : Quattroruote)

Il faut dire que Lancia a effectué un virage sec. La génération précédente de l’Ypsilon mesurait 3,84 m. La nouvelle pointe à 4,08 m. La marque entend aussi se positionner sur la frange premium du marché, c’est-à-dire proposer des véhicules plus chers et mieux équipés.

L’ancienne Ypsilon proposait une ligne élégante pour un tarif contenu — à partir de 17 100 euros — grâce à une base ultra-rentabilisée depuis sa sortie en 2011. La nouvelle démarre à 25 200 euros avec le 1.2-litre hybride léger 100 ch. L’électrique (136 ch/51 kWh) figure au catalogue avec 34 900 euros comme point de départ. L’écart entre les deux générations est vaste. Sur un marché où le parc est ancien, le pouvoir d’achat limité et l’électrique impopulaire (5,2 % de VE dans les véhicules neufs), l’Ypsilon n’a pas une tâche facile.

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Cela aurait pu être pire. Car la première version du Plan Lancia, griffonnée en 2021, faisait de l’Ypsilon un SUV de segment B plus gros et plus coûteux. « Conserver notre clientèle est déjà un défi, nous concédait l’an dernier Luca Napolitano. Avec 4,25 m, cela aurait été impossible ». Cela aurait aussi placé la marque de Turin dangereusement près de l’Alfa Romeo Junior, cousine chez Stellantis. « Nous avons eu le courage de stopper la production de l’ancienne Ypsilon, se targuait l’an dernier le directeur de la marque. C’était une décision difficile à prendre, car on pouvait encore prendre des marges, maintenir plus facilement des parts de marché… Mais continuer avec cette voiture aurait aussi été une bonne excuse pour ne pas faire ce que nous avions prévu, c’est-à-dire du premium ».

L’effort s’accompagne aussi d’une grosse remise à niveau du réseau. Le nombre de points de vente a été réduit d’un quart, mais les showrooms ne sont plus directement partagés avec Fiat. Or, il faut des volumes aux braves vendeurs dédiés. « Cette montée en gamme, c’est vraiment quelque chose où nous apprenons tous les jours, nous explique Charles Fuster, le directeur marketing de Lancia. Sur les attentes du client en termes de qualité de service, d’expérience en showroom, l’attitude du vendeur qui est dédié à Lancia. On a tout modifié, toute l’identité, les canaux de communication ont été revus ».

Mais un chiffre est têtu : il s’est vendu en avril trois fois moins d’exemplaires d’Ypsilon que de la très similaire Peugeot 208 sur le territoire italien… Voilà donc le premier mal au crâne actuel pour les responsables de Lancia à Turin.

Et en France ?

Dans l’Hexagone, cela reprend… petitement. Selon les données du Comite des constructeurs français d’automobiles (CCFA), Lancia a écoulé 454 voitures sur les six premiers mois de l’année. Un résultat pas déshonorant si l’on prend en compte l’ouverture de dix-huit points de vente seulement. Et surtout l’ombre portée par les Peugeot 208/e-208 sur l’unique modèle de la maison turinoise.

Mais ce chiffre place pour l’heure Lancia dans l’angoissant gruppetto des marques en cours de repositionnement.

Classement des marques auto les plus vendues en France au premier semestre 2025 :

  • 29e : Mitsubishi (867 unités / -56%)
  • 30e : Lynk&Co (606 unités / +38%)
  • 31e : Smart (496 unités / -54%)
  • 32e : Lancia (454 unités / +548%)
  • 33e : Abarth (389 unités / -57%)
  • 34e : Land Rover (81 unités / -98%)
(Source : Comité des constructeurs français d’automobiles. Certains acteurs, notamment chinois, ne publient pas leurs données auprès de la chambre syndicale)

« En France, on est presque à 50/50 entre thermique et hybride léger, poursuit Charles Fuster. Pour les besoins de Stellantis en matière d’émissions de CO2, c’est extrêmement intéressant ». Voilà comment Lancia France apporte sa petite pierre au grand édifice.

Des raisons d’espérer

Et à l’échelle européenne, sur les cinq premiers mois de l’année, Lancia (5 627 unités) fait mieux que Smart (4 592) ou Alpine (3 659). Voilà qui mérite d’être souligné.

Même en Italie, Lancia voit quelques signaux positifs dans sa nouvelle formule. L’an dernier, la marque évoquait volontiers Audi et Mini comme cibles. « En Italie, nous vendons plus d’Ypsilon que d’Audi A1 ou de Mini Cooper », invoque le directeur marketing. La Lancia figure bien au 8e rang du classement des citadines en avril (1 084 unités), devant les modèles cités et dans les mêmes eaux que des généralistes comme la Volkswagen Polo, la Skoda Fabia ou la Suzuki Swift. Mais encore loin derrière les Peugeot 208 (3 620), Toyota Yaris (3 179) ou Opel Corsa (2 491).

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Que disent les premières remontées des concessions ? « En face de nous, nous avons la Toyota Yaris, mais aussi des clients Volkswagen ou Audi, précise Charles Fuster. Avoir Toyota est super encourageant. La Yaris est une très bonne auto et ils en vendent énormément. Le client Toyota est très fidèle et le fait qu’il rentre dans nos points de vente a déjà une signification très forte. On a réussi à se mettre sur sa shopping list ».

Jusqu’ici très féminine (65 % de ventes), la marque se rapproche de la parité dans ses immatriculations. Les premiers retours quantitatifs évoquent aussi une clientèle dans la cinquantaine.

Résumé des épisodes précédents :

  • 2014 : Sergio Marchionne, le patron de Fiat-Chrysler, annonce la fin de la commercialisation des Lancia hors d’Italie et le non-remplacement de l’Ypsilon II.
  • 2016 : Lancia disparaît du marché français
  • 2019 : création de Stellantis, rapprochement de Fiat-Chrysler et PSA Peugeot-Citroën
  • 2021 : Carlos Tavares missionne Luca Napolitano pour relancer Lancia
  • 2023 : révélation du concept-car programmatique Pu+Ra HPE à la « design week » de Milan
  • 2024 : lancement de la Lancia Ypsilon III, retour en France, Espagne, Belgique et Pays-Bas
  • 2025 : commercialisation des Ypsilon HF et HF-Line

HF arrive

Lors de la conférence de presse de lancement de l’Ypsilon HF, les responsables de Lancia insistaient davantage sur le respect des promesses formulées ces dernières années en termes de plan produit. Oui, l’Ypsilon a bien été mise sur le marché en 2024. Oui, le label sportif HF est bien relancé cette année. « Pourquoi Mercedes aurait-il un AMG, Audi un label S et BMW une branche M et nous rien ?, se demandait rhétoriquement le patron de Lancia devant nous l’an dernier. Évidemment, nous n’en sommes pas au même point, mais nous faisons cela pour les mêmes raisons pour lesquelles ils ont commencé il y a longtemps. Il s’agit d’attirer des clients plus jeunes, des revenus supérieurs, de faire venir des gens chez Lancia, car HF existe, d’augmenter le ticket d’entrée ».

C’est légitime. Lancia possède 10 titres mondiaux en rallye, acquis entre 1972 et 1992. Les systèmes d’homologation de la Fédération internationale du sport automobile avaient donné naissance à d’inoubliables déclinaisons de route, de la Fulvia HF à la Delta Integrale HF Evo2. Pas de raison, donc, de ne pas jouer sur cet héritage.

Lancia Ypsilon HF Rally4
Lancia Ypsilon HF Rally4

Le premier jalon est une « bombinette » électrique : l’Ypsilon HF. Elle est née à partir d’une version performance de la plateforme CMP. Elle est la sœur technique de la future 208 GTI. La puissance était originellement de 240 ch. Elle a été portée à 280 ch pour contrer l’Alpine A290. Nous avons pris le volant pour la première fois de l’Italienne sur le circuit de Balocco.

Mais Lancia ne s’attend pas à de gros volumes de vente. « C’est une proposition extrêmement intéressante en termes de produit, de design, de performance, mais qui va s’adresser à vraiment très peu de gens, admet Charles Fuster. On va aller chercher vraiment une clientèle urbaine plutôt aisée. Nous évitons de nous donner des objectifs trop élevés sur des voitures qui aujourd’hui sont peut-être en avance sur leur temps par rapport aux besoins des clients ».

Un peu plus Cupra ?

« Nous sommes réalistes. La HF 280 ch est avant tout un porte-drapeau », abonde Gianni Petullà, le chef de produit du modèle. Un porte-drapeau qui accompagne l’arrivée des Ypsilon HF-Line. Des modèles aux motorisations plus prosaïques (100 ch, mild hybrid), mais au look plus sportif que les LX et Cassina de lancement. Boucliers anguleux, éléphants rouges sur les inserts mats, jantes diamants… À l’œil nu, il est difficile de distinguer la HF 280 de la HF-Line.

Ainsi accastillée, l’Ypsilon pourrait davantage plaire en Italie. Dans la Botte, l’électrique est minoritaire et où l’on se souvient avec émotion des années rallye (1). « Ces versions peuvent nous aider à séduire des cibles un peu plus jeunes, de 35 à 40 ans », précise Charles Fuster. « Évidemment, nous observons ce que fait Cupra », poursuit Gianni Petullà, le chef de produit de l’Ypsilon HF. La réussite de la marque catalane, capable de tripler la marge de Seat en proposant des véhicules à l’apparence moderne, n’est pas passée inaperçue à Turin.

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Mais n’était-ce pas là une mission pour Alfa Romeo ? La maison milanaise n’avait-elle pas recruté le designer Alejandro Mesonero-Romanos dans cette optique ? Cela ne serait pas la première fois que les marques de l’empire Stellantis se frottent d’un peu trop près. On peut aussi appeler cela du pragmatisme… Pour faire vivre le réseau et sécuriser l’avenir de la marque, il faudra évidemment étendre la gamme. L’arrivée de la Gamma, l’an prochain, répondra à ce besoin. Son lancement sera sans doute le moment clé pour la nouvelle ère de Lancia.

(1) Indice intéressant de l’effet nostalgie produit par Lancia en Italie : une centaine d’exemplaires de la version Rally4 ont déjà été vendus. L’engin est destiné aux compétitions nationales. A l’échelle des sports mécaniques, c’est un début très encourageant.

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