Pour les pionniers de l’électrique, c’est un vieux rêve devenu réalité il y a quelques années déjà au prix de quelques concessions ou sacrifices. Pour l’immense majorité des automobilistes qui n’ont encore jamais eu l’occasion de rouler en véhicule hybride ou électrique, c’est au mieux un projet en cours de réflexion, au pire une perspective lointaine qui deviendra éventuellement réalité le jour où les véhicules électriques afficheront une polyvalence d’usage comparable à celle d’un véhicule thermique pour encore moins cher. Autant dire pas tout de suite.

Pour autant, la révolution électrique annoncée depuis quelques années maintenant aura bien lieu mais pas tout à fait comme beaucoup continuent de l’imaginer. Explications

Des capacités industrielles très en deçà des besoins

Malgré des investissements records dans la filière batterie, les géants mondiaux de la batterie sont très loin de pouvoir faire face aux besoins potentiels de l’industrie automobile.

Rien d’étonnant donc à ce que la plupart des constructeurs automobiles s’intéressent prioritairement aux pays où l’attractivité des véhicules électriques et hybrides rechargeables rivalise déjà avec l’offre thermique.

En dehors de ces quelques Etats, les constructeurs seraient bien en peine de pouvoir répondre à la demande si les volumes devenaient comparables à ceux écoulés chaque année sur le marché des véhicules thermiques neufs.

Diversifier les usages et optimiser les ressources disponibles

Parallèlement aux évolutions annoncées à la faveur des motorisations zéro émission, une autre évolution, de plus en plus visible dans les grandes villes, a commencé à faire bouger les lignes : le passage d’une économie de la possession à celle des usages.

Conséquence indirecte : pour bon nombre de citadins, l’accès à un véhicule électrique coïncide de plus en plus souvent avec l’accès à un service d’autopartage.

Et tout porte à croire qu’il en sera de même d’ici quelques années avec la mise en place des premières lignes de bus électriques. Une évolution très attendue qui participera à rendre accessible la révolution électrique à un nombre toujours plus important d’usagers comme les tramways et les métros l’ont permis par le passé dans les grandes villes.

Citroën C-Zero en autopartage à Madrid

Priorité aux usages intensifs

Tant que le coût du stockage de l’énergie électrique restera beaucoup plus élevé que celui d’autres formes d’énergie, il y a une certaine logique économique et environnementale à favoriser les usages intensifs de l’électrique à batterie avant tous les autres.

Cette stratégie – déjà à l’œuvre en Chine ces dernières années – a conduit à fabriquer prioritairement des bus électriques en grand nombre plutôt que des voitures afin de répondre aux énormes besoins du marché du bus urbain zéro émission. Un marché trop longtemps négligé par les constructeurs européens sur lequel les constructeurs chinois font aujourd’hui figure de leaders mondiaux. Et tout porte à croire que cette situation n’est pas prête de s’inverser vu les volumes qui sortent des chaînes d’assemblages asiatiques comparativement à ce que les constructeurs européens sont aujourd’hui en capacité de produire…

Contrer l’offensive chinoise avant qu’il ne soit trop tard !

Plutôt que de s’entêter à faire des voitures pétro-dépendantes complètement surdimensionnées 90% du temps au prétexte que c’est ce que veut le consommateur, nos champions industriels seraient bien inspirés de se jeter à corps perdu dans l’innovation radicale. En créant des unités dédiées acquises à l’idée du faire mieux avec beaucoup moins, Renault, PSA et les nombreuses entreprises qui en dépendent ont toutes les compétences nécessaires pour développer de nouveaux types de véhicules à vocation prioritairement urbaine, beaucoup plus sobres en énergie et en ressources que leur gamme traditionnelle.

Des véhicules qui auraient en commun le fait d’être dépourvu de moteur thermique puisque conçus pour répondre à des besoins principalement urbains. Des véhicules qui, à l’instar du Twizy ou de la très attendue microlino, n’auraient pas la prétention de nous emmener en vacances mais qui tout le reste du temps répondraient de façon efficace et rationnelle aux besoins des citadins qui par habitude ou idéologie continuent de préférer la voiture individuelle aux transports collectifs ou au vélo. Des véhicules qui, dans les villes asiatiques notamment, ont un potentiel gigantesque compte tenu des contraintes de coût et d’espace disponible.

Autre caractéristique propre à ces nouveaux véhicule : un prix de revient kilométrique inférieur à celui des citadines les plus économes du marché. Exit donc la location de batterie à prix dissuasif pour parcourir quelques centaines de kilomètres par mois. Objectif affiché : un prix de revient kilométrique inférieur à 0,15€/km. Le tout idéalement couplé à des facilités d’usage et de stationnement définies au niveau local. Des véhicules qui traduiraient concrètement le fait que le parc roulant de l’an 2030 sera nécessairement très différent de ce qu’il est aujourd’hui pour toutes les raisons que l’on sait.

Surfer sur le succès du vélo à assistance électrique (VAE)

L’an dernier, rien qu’en France, il s’est vendu près de 250 000 VAE. Malgré le manque criant d’infrastructures dédiées aux cycles un peu partout en France, ce chiffre montre qu’il est beaucoup plus facile et bien moins coûteux pour l’Etat et les collectivités locales de convaincre les français à opter pour le vélo à assistance électrique plutôt que la voiture électrique lorsqu’il s’agit de répondre à des besoins de mobilité essentiellement urbains.

Dès lors, pourquoi ne pas prolonger ce succès en incitant les industriels à développer et à produire en France, des véhicules à même de répondre à des besoins plus variés, tout en conservant une architecture qui s’apparente davantage à celle d’un vélo plutôt que d’une voiture ?

La densité énergétique des meilleures batteries actuellement disponibles permet de motoriser des engins trop lourds pour pouvoir être déplacés à la seule force des mollets tout en se limitant à une capacité et une puissance électrique très inférieures à celles nécessaires sous le capot d’une voiture.

De nouveaux produits qui gagneraient pourtant à se substituer à l’offre classique des citadines qui, pour l’écrasante majorité d’entre elles, continuent de carburer au pétrole.

Puisque le monde de demain s’annonce nécessairement très différent de celui qui rythme encore le quotidien de millions d’automobilistes, qu’attendent nos champions industriels pour enfin élargir leur gamme à des produits enfin en phase avec les contraintes de notre époque plutôt que de reculer sans cesse l’inévitable révolution à venir ?

Vive le futur !