Contre vents et marées, Volkswagen tente de maintenir sa feuille de route pour la commercialisation de sa berline compacte électrique révolutionnaire. Une stratégie courageuse. L’ID.3 sera-t-elle cependant bien au rendez-vous début septembre prochain ?

Date d’ouverture des commandes confirmée

Dans un communiqué de presse daté du 10 juin 2020, Volkswagen confirme l’ouverture « dans la plupart des pays européens » des commandes de l’ID.3 au mercredi 17 juin prochain.

Cette information avait été initialement délivrée sur Twitter par Jürgen Stackmann, membre du conseil d’administration de la marque Volkswagen. Elle concerne les clients qui ont pré-réservé un des 30.000 exemplaires de la série 1st de l’ID.3.

Nous attendions avec impatience que Volkswagen s’exprime sur ce sujet, sachant que cette date d’ouverture des commandes se présentait comme une échéance à risque pour VW : la maintenir s’il est clair que les voitures ne seraient pas disponibles cet été ouvrirait la porte à de grands mécontentements ; la reporter constituerait un aveu que la feuille de route subirait un retard important.

Une véritable épée de Damoclès puisque l’ID.3 symbolise le virage pris vers la mobilité électrique par Volkswagen pour faire oublier le dieselgate.

Plage de livraison confirmée…

Jusque-là, le scénario communiqué par Volkswagen prévoyait la livraison simultanée des 30.000 exemplaires à l’été 2020.

Le communiqué de presse confirme bien de premières livraisons début septembre pour ceux qui souhaitent rapidement recevoir leur ID.3, avec quelques petites conditions : devenir gracieusement adhérent du club « First Movers », accepter que 2 fonctionnalités ne soient pas actives au départ : la fonction App Connect qui permet d’exploiter le système d’infodivertissement de la voiture pour utiliser les applications d’un smartphone, et l’évaluation des distances dans l’affichage tête haute.

Volkswagen espère que nombre de clients pionniers de l’ID.3 voudront bien patienter jusqu’au quatrième trimestre, sans doute en fin de période, pour recevoir leur exemplaire qui serait doté de toutes les fonctions.

First Movers

L’adhésion gratuite au club « First Movers » doit être perçue, selon VW, comme un geste exclusif de « remerciement pour la fidélité à la marque ».

Pour quels avantages ? Déjà de recevoir une mise à jour des logiciels début 2021 pour activer les 2 fonctionnalités manquantes. Pour cela, la création d’une communauté n’était pas nécessaire. La raison d’être du club est surtout d’établir « une liaison directe avec Volkswagen ».

Par ce biais pourront transiter les demandes, commentaires, et retours d’expériences des premiers clients livrés. Ce qui fera d’eux des bêta-testeurs permettant de mettre au jour et de corriger les bugs qui ne manqueront sans doute pas sur les ID.3 lancées sur les routes en septembre.

Geste supplémentaire au bénéfice de ceux qui disposeront de la compacte électrique sous une formule de leasing : le constructeur offres les 3 premiers loyers. C’est « pour leur dire merci », justifie Jürgen Stackmann.

58 kWh

Les 30.000 exemplaires d’ID.3 de la série 1st embarqueront la batterie intermédiaire de 58 kWh de capacité, qui se place entre les packs 45 et 77 kWh. Elle alimente un moteur électrique placé à l’arrière qui développe une puissance de 150 kW pour un couple maximal de 310 Nm.

La berline compacte, qui sera livrée avec un crédit de recharge d’un an, sera disponible en trois niveaux de finitions qui détermineront les tarifs, respectivement en deçà de 40.000, 46.000 et 50.000 euros (prix indicatifs pour l’Allemagne) sans compter les éventuels ajouts d’options.

Les clients pourront choisir la couleur de la peinture et de la sellerie.

3 finitions

La version de base de l’ID.3 1st est déjà bien équipée puisqu’elle embarque, entre autres, un système de navigation, une radio numérique DAB +, la climatisation « Air Care Climatronic » à 2 zones, les sièges et le volant chauffants, la recharge rapide DC jusqu’à 100 kW au standard Combo CCS ou l’option chargeur 11 kW AC.

La finition 1st Plus ajoute la caméra de recul, le verrouillage et le démarrage sans clé « Keyless Advanced », une console centrale avec deux connexions USB-C supplémentaires à l’arrière, les vitres teintées, les feux arrière led avec clignotants dynamiques, et des roues en alliage de 19 pouces (contre 18 pouces).

La dotation de la version haut de gamme 1st Max enrichit l’ID.3 d’un affichage tête haute en réalité augmentée, de 2 haut-parleurs supplémentaires, d’un grand toit panoramique, de jantes en alliage de 20 pouces, de divers dispositifs d’aides à la conduite (Travel Assist, Side Assist, Emergency Assist). Les sièges de ce niveau de finition bénéficient d’un traitement particulier : plus confortables, ils sont réglables électriquement à l’avant avec une fonction de massage.

Pourquoi un retard est-il quasiment inévitable ?

Nous étions encore en 2019 que différents médias faisaient état de gros problèmes de logiciels. Le constructeur a plutôt bien joué en produisant tout de même les voitures avec l’idée d’incorporer au dernier moment l’architecture soft débarrassée des parties non vitales qui poseraient encore problème.

Fin février dernier, il était cependant encore question d’un volume impressionnant de bugs informatiques découverts par les testeurs : jusqu’à 300 par jour.

Comment imaginer dans ces conditions que le système puisse être stabilisé en quelques mois, alors qu’une correction impacte le plus souvent plusieurs fonctionnalités et nécessite d’effectuer de nouveaux tests de non régression sur l’ensemble de l’architecture ? Et ce, avec sans doute un nombre élevé d’intervenants.

Ne devient pas Tesla qui veut !

Volkswagen a voulu avec son ID.3 se montrer à la hauteur des productions de Tesla. Mais en février 2020, la Nikkei Business Publications, en conclusion d’une expérience de démontage d’une Tesla Model 3 afin d’en observer les systèmes électroniques embarqués, indiquait que le constructeur américain dispose de 6 ans d’avance sur Toyota et Volkswagen.

Les problèmes de logiciel sur la compacte électrique de VW sont-ils la confirmation des résultats obtenus par l’éditeur japonais ? Tout porte à la croire. L’américain à l’habitude de gérer par lui-même les développements informatiques. Les autres constructeurs ont pour la plupart recouru jusque-là à des standards développés par des sociétés extérieures qui leur ont permis, certes, de gagner de l’argent sur les effectifs, mais aussi de ne pas disposer en interne de toutes les compétences.

Or, aujourd’hui, la mobilité électrique impose aux dinosaures de l’automobile de jongler avec de nouveaux métiers.

Encore des échos défavorables

Le quotidien allemand Süddeutsch Zeitung rapporte encore cette semaine que les ingénieurs de Volkswagen qui travaillent sur l’ID.3 évoquent une voiture loin d’être prête, envisageant que la compacte électrique si prometteuse puisse se transformer en échec commercial. Une situation qui inquiète ceux qui attendent cette voiture avec impatience, et en motive d’autres à apporter leur soutien.

Si Renault, Kia, Hyundai et PSA peuvent aujourd’hui proposer des modèles électriques fiables, c’est en particulier parce qu’ils les ont produits sans trop aller chercher des fonctionnalités et/ou des innovations qu’ils ne maîtrisent pas, et, surtout, sans vouloir précisément copier Tesla. Ces constructeurs parviennent très bien à produire des modèles de voitures particulières électriques qui se vendent plus que correctement, dont des best-sellers, sans se mettre une pression excessive.

Mais si VW gagne son pari…

Impact du Covid-19

La crise sanitaire du Covid-19 est venue alourdir la situation du constructeur allemand, pouvant justifier son manque de présence après le nouveau coup de pouce gouvernemental destiné à doper le marché des véhicules à faibles émissions et soutenir la filière automobile.  La direction de VW assurait cependant fin mars dernier que, ni les améliorations à apporter au véhicule, ni le coronavirus, n’influeraient sur la feuille de route établie pour la diffusion de cette voiture.

Mais que peuvent valoir aujourd’hui les déclarations qui se voulaient rassurantes de Herbert Diess alors qu’il devra rendre prochainement la direction de la marque principale du groupe éponyme ?

Membre du conseil d’administration de celle-ci, et en charge de la mobilité électrique, Thomas Ulbrich explique dans le tout récent communiqué : « Les derniers mois de travail dans les conditions difficiles de la pandémie ont été un grand défi pour toute l’équipe ID.3. Cela rend le lancement imminent sur le marché de l’ID.3 d’autant plus important ».

Avis de l'auteur

Chez Automobile Propre, nous nous attendions à un glissement sur le calendrier. Tout d’abord parce qu’à l’heure où nombre de constructeurs de voitures électriques viennent d’entamer un véritable battage commercial pour placer leurs modèles, Volkswagen semblait se faire bien silencieux à quelques jours d’ouvrir le verrou des commandes.

Le constructeur allemand nous a habitués jusque-là à une véritable succession de communiqués pour mettre en avant son programme de développement de véhicules électriques regroupés sous la famille ID.

Entre la présentation des concepts, les focus sur des points de technologie, la préparation de l’outil de travail, et les confirmations à répétition de la feuille de route, il se passait peu de temps avant la crise sanitaire entre la diffusion de 2 documents. Un véritable battage commercial qui montrait que Volkswagen voulait occuper l’espace médiatique et placer sa berline compacte électrique ID.3.

Le communiqué de presse diffusé hier se veut à nouveau rassurant. Mais il est clair que la situation doit être extrêmement tendue en interne. Les vœux pieux sont nécessaires pour conserver la confiance des clients et prospects. Ils ne doivent pas occulter que la mise au point de l’ID.3 est loin d’être terminée.

Nous espérons que la compacte allemande se présentera au top dans quelques mois, plutôt que d’être les témoins d’un incroyable fiasco durablement déstabilisant pour Volkswagen – marque et groupe. Mi-juin : rien n’est joué !