Tous les équipements d’une voiture électrique puisent leur énergie dans la batterie de traction. Réduisent-ils pour autant l’autonomie ? On fait le point.

« Ouais mais la voiture électrique, quand t’es sur la réserve, il faut éteindre les phares et la radio pour être sûr d’arriver devant la borne… ». On a tous déjà entendu cette phrase gorgée de mauvaise foi et de stéréotypes. Car si tous les équipements électriques puisent bel et bien leur énergie dans la batterie de traction, leur consommation peut être insignifiante. Si bien que rouler sans les phares ou avec les écrans éteints ne changerait rien.

Rappel technique

Avant de s’enfoncer dans la recherche du moindre kWh consommé, rappelons quelques principes techniques. En fonctionnant, le moteur d’une voiture thermique entraîne parallèlement une courroie dite accessoire. Celle-ci, reliée au vilebrequin, est connectée à divers périphériques, tels que la climatisation ou la pompe de direction assistée. Mais elle entraîne aussi l’alternateur qui, en tournant, produit l’électricité nécessaire à tous les périphériques de la voiture. Le courant est alors envoyé à la batterie qui se charge de la distribution aux différents points de consommation.

À lire aussi Une voiture électrique, comment ça fonctionne ?

Dans un véhicule électrique, il n’y a évidemment pas de courroie et encore moins d’alternateur. Ce qui signifie que l’énergie nécessaire pour faire fonctionner tous les périphériques provient intégralement de la batterie de traction, la grosse batterie sous le plancher qui sert à faire avancer la voiture. Le courant est envoyé à la batterie 12 V, qui a alors le même rôle qu’on lui connaît dans une voiture thermique.

Ne faites donc pas la confusion, et ne vous laissez pas berner par les préjugés : ces deux batteries ne sont pas deux sources d’énergie distinctes. La batterie 12 V n’est qu’une sorte de relais dans la chaîne et n’alimente pas, en tant que source d’énergie, les périphériques. Tout de moins tant que le contact est mis : à l’arrêt, moteur éteint mais véhicule allumé, nuance, les équipements pompent l’énergie dans la 12 V. Mais celle-ci sera rapidement vide. Ce qui emmène à préciser ici qu’il ne faut pas négliger l’entretien et la vérification de cette dernière : même avec une batterie de traction pleine comme un œuf, si la batterie 12 V flanche, le véhicule ne pourra pas démarrer !

Notre procédure

Ce point technique fait, cela ne donne pas pour autant raison aux mauvaises langues : la consommation des équipements électriques est bien plus faible qu’il n’y paraît. Et nous avons décidé de faire le point avec précision. Nous avons pour cela utilisé le tableau d’affichage de la Hyundai Ioniq 6, qui, comme d’autres modèles de la marque, présente instantanément et en toute transparence les puissances allouées selon quatre postes de dépense : conduite, climatisation, électronique et entretien batterie.

Le volet conduite met notamment en avant la puissance instantanée des machines électriques (une seule dans cette version de la Ioniq 6). Le menu climatisation est, comme son nom l’indique, relatif au système de climatisation et englobe la puissance du chauffage (pompe à chaleur ici), du compresseur de clim et de la ventilation. La partie électronique est de son côté un fourre-tout de tous les équipements de la voiture, depuis les écrans embarqués à la moindre ampoule de clignotant. Enfin, la section entretien batterie se réfère à tous les dispositif mis en œuvre autour de la batterie de traction, tels que le préconditionnement ou autres dispositifs de contrôle après une recharge.

À lire aussi Voiture électrique : quels sont les facteurs qui réduisent l’autonomie en hiver ?

Pour faire le point sur les consommations de ces équipements, nous avons stabilisé la voiture après un long trajet, coupé la climatisation, et observé les écarts de puissances affichées en fonction des dispositifs allumés. Nous avons couplé les données à celles d’un outil de mesure plus précis. Une méthode rudimentaire, sans doute, qui n’aura donc qu’une valeur informative puisqu’il a été impossible, dans les deux cas, d’interroger précisément chaque capteur.

Pourquoi ne peut-on pas vraiment parler de consommation ?

A vrai dire, il n’est pas vraiment correct de parler de consommation avec des valeurs de puissance exprimées ici en watt. La véritable consommation électrique s’exprime en Wh, soit le produit de la puissance pour une heure de fonctionnement. Pour obtenir cette consommation, il faut multiplier la puissance (W) par le nombre d’heures d’utilisation, et de diviser le résultat par 1 000 pour obtenir des kWh. Mais cela à condition que la puissance soit constante pendant une heure.

Dans une voiture électrique, cela devient donc un peu plus compliqué. En cela que certains périphériques fonctionnent en permanence, d’autres par intermittence. C’est pour cela que prendre en compte une consommation instantanée du moteur, dans une voiture électrique ou thermique, n’a aucune signification. Pour autant, même si les équipements présentés ici ont une consommation a peu près stable sur toute la durée de leur utilisation, en faire la traduction en kWh/100 km n’est pas simple : l’ordinateur de bord collecte les résultats et les rapporte au nombre de kilomètres effectués sur ce laps de temps, pour ensuite afficher une consommation en kWh/100 km. Une belle prise de tête.

Il est donc difficile d’estimer correctement la consommation des périphériques, que ce soit en kWh bruts, ou en kWh/100 km : conduire sur autoroute sollicitera bien moins les clignotants et les feux de stop qu’en ville par exemple. Entre ensuite en compte la distance effectuée durant ce temps d’utilisation, qui varie fortement en fonction des terrains. Bref, on s’en tiendra uniquement aux puissances instantanées réclamées par les dispositifs pour se donner un ordre d’idée.

Quels équipements demandent le plus de puissance ?

En dehors du moteur, de la climatisation et des systèmes dédiés à la batterie (que nous détaillerons dans de prochains articles), c’est l’électronique embarqué qui pèse le plus sur la consommation par les équipements. Avec le véhicule en mouvement, la puissance indiquée oscille autour des 380 W, alors qu’elle retombe autour de 240 W avec le véhicule stationné sur P, contact mis. Une différence qui peut s’expliquer par la mise en veille des différents capteurs liés à la conduite (position des pédales, angle du volant, …), des capteurs des aides à la conduite et de la navigation. C’est cette valeur de 240 W plutôt stable qui nous sert de socle.

Tout en haut de la liste, on trouve le dégivrage arrière, qui fait faire un bond de 500 W dès son activation. Rien d’étonnant ici, tout équipement de chauffage électrique par résistance étant extrêmement énergivore. C’est le cas aussi des sièges chauffants à pleine puissance, qui réclament chacun 120 W. Le volant chauffant, qui ne demande pas à monter autant en température, affiche une puissance de 90 W. Reste à définir le temps d’utilisation de chaque dispositif. Sur ce modèle d’essai, 10 minutes de dégivrage suffisent à dégager la vue, soit une consommation approximative de 0,08 kWh. Si les deux passagers avant utilisent les sièges à pleine puissance pendant 30 minutes, cela représente une consommation de 0,12 kWh.

À lire aussi Essai – Hyundai Ioniq 6 : les consommations et autonomies mesurées de notre Supertest

Du côté des éclairages, on note une puissance de 30 W des feux de croisement, soit 0,03 kWh par heure d’utilisation. Les pleins phares font grimper la puissance de 100 W. Rien d’anormal ici, tout comme la valeur de 50 W pour les clignotants. Cependant, nous avons été surpris par la puissance de 130 W réclamée par les feux de stop. Est-ce le résultat de l’impressionnant éclairage pixel arrière de la Hyundai Ioniq 6 lorsqu’elle ralentit ? En tout état de cause, si cette puissance observée à plusieurs reprises (ce qui écarte le risque d’erreur d’affichage et de lecture) est avérée, elle est forcément associée au freinage, et donc à la récupération d’énergie plus importante que la consommation des éclairages.

Parmi les autres équipements, on note une puissance de 120 W en activant les essuie-glaces à fond, et 30 W de plus en allumant la radio. Augmenter ou baisser le son ne nous a donné aucun résultat exploitable, les différences étant visiblement minimes. La recharge du téléphone réclamait 20 W à la batterie dans notre cas. Un coup de klaxon demande 10 W. Enfin, parce que c’est l’action qui a piqué notre curiosité au départ, une vitre électrique pompe 70 W pendant les quatre secondes de fonctionnement.

Puissance des équipements électriques et électroniques – Hyundai Ioniq 6
Poste de consommation Puissance (en W)
Dégivrage arrière 500
Electronique embarquée (en route) 380
Electronique embarquée (en P) 240
Feux stop 130
Siège chauffant 120
Essuie-glaces 120
Volant chauffant 90
Plein phare 70
Vitre électrique 70
Clignotant 50
Feux de croisement 30
Radio 30
Recharge smartphone USB 20
Klaxon 10

Tous ces équipements puisent leur énergie dans la batterie de traction. Très logiquement, ils participent à la consommation globale et réduisent donc l’autonomie. Mais ça, c’est uniquement de la théorie des mots. Car en pratique, leur puissance et leur temps d’utilisation sont particulièrement faibles. De plus, leur impact sur la consommation globale de la voiture dépendra du nombre de kilomètres effectués, et des routes empruntées : le moindre freinage régénératif suffit parfois à récupérer suffisamment d’énergie pour alimenter ces périphériques pour plusieurs dizaines de minutes encore !

Nous enfonçons encore des portes ouvertes : couper ces dispositifs électroniques n’a donc aucun impact sur l’autonomie d’un véhicule électrique. Les éteindre pour envisager d’arriver à temps devant la borne relève de l’effet Placebo uniquement. Les seules solutions directes dans ce cas critique est de réduire sa vitesse et de couper le chauffage ou la climatisation, de loin les plus gros consommateurs d’énergie dans une voiture électrique : la machine électrique peut rapidement représenter 90 % de la consommation totale, pour seulement 2/3 % pour l’électronique embarquée et autres dispositifs électriques.