L'entreprise HED de Philippe Guiton

À 66 ans, Philippe Guiton s’apprête à céder son entreprise spécialisée dans la maintenance de chauffage sans gros travaux. Initiée il y a plus de 10 ans, la conversion à l’électrique de sa flotte d’utilitaires s’est accentuée l’année dernière avec l’arrivée de 4 Opel Vivaro-e. Cet élan, il aurait aimé le communiquer à d’autres entrepreneurs.

10 ans de mobilité alternative dans son entreprise

Philippe Guiton, nous lui avions déjà donné la parole en octobre 2021 alors qu’il se remettait encore à peine de sa participation au Transylvanie Electric Tour. Ses actions et ses idées en faveur de la mobilité durable sont tellement riches et nombreuses qu’il faudrait un roman entier pour bien mettre en scène tout cela.

En 2012 et dans les années qui ont suivi, les électriques en sa possession avaient pour nom Citroën C-Zero, Bolloré Bluecar, Th!nk City, et Mia. Deux exemplaires de cette dernière sont toujours en service dans la flotte de HED à Besançon (25). Notre lecteur a le plus souvent pensé la mobilité durable avec un esprit large. C’est pourquoi il s’était équipé en 2021 d’utilitaires Fiat Doblo fonctionnant au GNV.

Dans un échange que nous avions eu ensemble en novembre dernier, il déplorait : « Après 6 mois de galères, j’en suis au remplacement de la seconde station GNC privative, et ça ne veut toujours pas fonctionner de manière satisfaisante. La nouvelle neuve est en panne depuis le lendemain de son installation ». Il avait investi de l’ordre de 47 000 euros dans cette solution.

Une adaptation perpétuelle

En pleine tension sur les marchés de l’énergie, les collaborateurs de Philippe Guiton qui utilisaient ces véhicules GNV devaient se dépanner à la station Air Liquide local, pas toujours disponible. Elle affichait le kilo de GNC à plus de 3 euros, contre 1,40 auparavant. Pas question de revenir au gazole. C’est pour cela que les 4 Opel Vivaro-e sont arrivés chez HED progressivement sur un mois, exploités par : « quatre de mes collaborateurs en dépannages à domicile ».

Avec une perte d’autonomie par rapport aux Fiat Doblo alimentés en biogaz ? « Non, car avec les Opel Vivaro-e 75 kWh, on peut compter sur 200 à 250 km. Sur un plein de GNC, les Doblo peuvent parcourir 250 km. Il y a en plus un petit réservoir d’essence pour 150 km de plus. Au final, ceux qui exploitaient ces véhicules devaient passer souvent à la pompe ».

Si les électriques du début des années 2010 pouvaient convenir avec des rayons d’action limités, on imagine que les nouveaux utilitaires offrent désormais une grosse marge de sécurité : « Pas vraiment, car presque tous les techniciens ont augmenté leurs kilométrages quotidiens. Environ 50 % de cet accroissement est dû aux changements intervenus dans la vie de mon personnel. Presque tous ont acheté des maisons à l’extérieur de Besançon, en conservant les habitudes de rentrer déjeuner au domicile. Pour les plus éloignés, ça représente quasiment 120 km supplémentaires de trajets domicile-travail ».

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Acceptabilité de l’électrique

Dans les années 1990, les collaborateurs qui recevaient un véhicule électrique pour mener à bien leurs missions le vivaient généralement comme une punition. Trente ans plus tard, Philippe Guiton témoigne que ça peut toujours être le cas : « Sans exception, tous les chauffeurs m’ont reproché le choix de l’électrique, car c’est chiant, l’autonomie est insuffisante, etc. En bref, les habituelles critiques que l’on essuie quand on change les habitudes ».

Ça, c’était au début. Depuis, la situation n’est plus du tout la même : « Quand les Opel Vivaro-e ont commencé à tourner, les bornes de recharge Metron n’avaient pas encore été reçues. Ce qui fait qu’en partant le matin, après avoir branché les véhicules sur une prise chez eux, les collaborateurs concernés ne disposaient pas du plein en énergie. Les utilitaires embarquent un chargeur 11 kW. Pour les collaborateurs en monophasé chez eux, j’ai fait installer du matériel 7,4 kW, mais du 11 kW pour ceux abonnés en triphasé. Sans compter les 2 bornes doubles dans les locaux de l’entreprise ».

Qui paye la recharge à domicile ? « Mes collaborateurs sont bien entendu défrayés de l’électricité consommée sur la base du tarif heures pleines, même s’ils peuvent s’arranger pour se brancher aux heures creuses quand leur contrat avec leur fournisseur énergéticien le leur permet ».

Une conversion qui devrait se poursuivre

Les utilitaires électriques ne sont depuis plus mis en cause par les 13 collaborateurs de Philippe Guiton : « Le changement d’avis est intervenu entre une semaine pour les plus rapides jusqu’à plusieurs mois pour les plus réfractaires. Aucun de mes collaborateurs n’a adopté à ce jour un VE pour son usage personnel. Et surtout pas les amateurs de motos ou de voitures américaines style Pontiac Firebird des seventies qui ne veulent pas vivre sans le bruit des moteurs ».

À Besançon, notre lecteur est bien identifié avec ses choix pour la mobilité durable : « Pour la nouvelle année, j’envoie des cartes en transformant mes véhicules en personnages humoristiques façon BD. Ainsi la Mia pour l’électrique ou le Fiat Doblo pour le GNV. Je n’ai cependant jamais reçu de retour de ma clientèle pour témoigner d’une bonne appréciation sur l’usage d’alternatives au diesel ».

Le chef d’entreprise est en train de passer la main : « Aujourd’hui, environ 50 % de la flotte de HED est électrique. Je pense que la personne qui reprend l’activité va continuer cette conversion ».

« Encore pas mal de chemin à parcourir ! »

Philippe Guiton ne compte pas s’arrêter à promouvoir la mobilité électrique : « Président d’un syndicat professionnel, je parle beaucoup de mon expérience. Je propose même aux autres artisans d’essayer mes utilitaires, hélas sans succès. Pour moi, c’est clair, les personnes qui disent n’être pas convaincus par les VE sont soit de mauvaise foi, soit n’ont jamais mis leurs fesses dedans ».

Les réticences des professionnels à l’encontre des électriques tournent souvent autour du prix des véhicules : « Je les entends dire qu’ils n’ont pas les moyens de s’offrir de tels utilitaires. Je leur démontre pourtant que ces véhicules me permettent d’économiser par exemplaire entre 3 000 et 4 000 euros à l’année sur le carburant. S’y ajoutent entre 6 000 et 8 000 euros en moins sur l’entretien en 4 ans d’amortissement, notamment du fait du moteur et de la boîte de vitesse souvent maltraités sur les modèles thermiques ».

Il chiffre donc à « plus de 20 000 euros les économies réalisées au bout de 4 ans par véhicule. Mais les artisans n’osent pas y croire, restant attachés au thermique. Ils commencent à peine à se dire qu’une boîte automatique, c’est agréable. Il reste donc encore pas mal de chemin à parcourir ! ».

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Garage et formation

En se libérant de HED, Philippe Guiton espère bien se consacrer à d’autres activités : « Depuis 10 ans, j’espère toujours parvenir à remonter Mia. En 2014, à Lyon, j’avais fait une proposition pour en transformer le concept en quadricycle de type voiture sans permis. Il y avait quelqu’un de chez Citroën. Avec l’Ami, j’ai quand même un peu l’impression de m’être fait pomper mon idée. Même s’il reste toujours possible à plusieurs personnes d’avoir simultanément la même bonne intuition ».

Un autre de ses projets était de monter à Besançon un garage pour réparer les véhicules électriques de toutes marques et en parallèle faire de la formation spécifique, par exemple au lycée de Montbéliard, sur le territoire de Peugeot.

Un peu à la manière de Révolte : « J’aimerais bien mêler effectivement d’une manière ou d’une autre les e-Garages d’Alexis et Lucas à mon projet. Suite à un double investissement financier de ma part à titre personnel et à travers ma holding Passalact pour favoriser l’émergence d’idées intéressantes pour l’avenir, ils m’ont demandé de faire partie de leur équipe de réflexion ».

Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Philippe Guiton pour son témoignage.

Avis de l'auteur

Pour le présent article que nous avions au départ planifié en novembre dernier, Philippe Guiton nous avait fourni tellement de matière que nous aurions pu produire 3 ou 4 articles sur les sujets qui l’intéressent en rapport avec la mobilité durable.

Il manquait juste quelques éléments, en particulier au moins une photo d’illustration. Ce n’était cependant pas la bonne période pour cela. A peine les Opel Vivaro-e recouverts de leur flocage, ils étaient mobilisés pour l’entretien des appareils de chauffage.

A l’approche de l’hiver, notre lecteur était débordé et sous pression. Ceux qui le connaissent savent d’ailleurs qu’il ne compte pas ses heures dans ces moments-là, étant aussi sur le pont les week-ends avec des horaires à rallonge.

C’est pourquoi nous sommes satisfaits aujourd’hui de pouvoir enfin livrer son témoignage, d’une façon différente et plus large que prévu au départ. Sans doute plus intéressante aussi pour la majorité de nos lecteurs.

Initialement, nous étions partis sur un comparatif strict entre les utilitaires GNV et électriques à l’usage. La perspective de passer son entreprise a ravivé des idées anciennes qui pourraient bien se concrétiser d’une façon ou d’une autre.