De G. à D : Philippe Jakubowski et Michel Lecomte

De G. à D : Philippe Jakubowski et Michel Lecomte

En cours d’installation tout à proximité du mythique circuit des 24 Heures, PowiDian Mobility est une marque commerciale de LMI. On n’arrive pas par hasard dans cette zone dynamisée par la compétition automobile. Derrière les châssis cabine à haut niveau de réparabilité qui seraient livrables dès le printemps 2024, on retrouve des cerveaux bouillonnants qui ont partagé bien des victoires avec plusieurs pilotes.

Réparables et évolutifs

Qu’est-ce qui va différencier les uns des autres les utilitaires B1, B2 et B3 badgés PowiDian Mobility ? Le nombre de modules lithium-ion, et donc l’autonomie. Le pack de base embarqué dans le premier affiche une capacité énergétique de 37 kWh. Le châssis en portera 2 dans le B2 et 3 dans le B3, pour des rayons d’action aujourd’hui estimés à 155, 295 et 430 km.

« Pour nous assurer de la disponibilité des packs, nous avons homologué nos véhicules avec deux fournisseurs », a commenté Philippe Jakubowski, directeur du développement commercial de PowiDian.

Dans l’atelier auquel nous avons eu accès, les deux configurations sont alignées, prisonnières de châssis qui ressemblent à de vrais jeux de construction Meccano, tellement ils présentent de boulons et écrous d’un bout à l’autre : « C’est cela qui permet d’atteindre un haut niveau de réparabilité ». Et ça, c’est un point sur lequel LMI et PowiDian Mobility comptent beaucoup pour offrir une durée de vie exceptionnelle entre les mains des professionnels qui exploiteront ces engins.

Tout comme l’évolutivité : « Selon les besoins en autonomie qui pourront évoluer avec le temps, par exemple une collectivité qui aura besoin d’intervenir plus loin avec nos véhicules, des packs pourront être ajoutés ». Ils sont eux aussi boulonnés pour des poses et déposes rapides.

Une version hydrogène un an plus tard

Pour la recharge, les utilitaires qui devraient être livrables dès le printemps de l’année prochaine accepteraient une puissance maximale de 9 kW en courant alternatif, et 150 kW en courant continu. Tous les modèles seront équipés du même moteur électrique synchrone à refroidissement liquide doté d’une puissance de 150 kW (200 ch).

C’est ce que nous avons pu constater sur place, l’ensemble étant positionné devant une architecture en tubes soudés qui recevra les éléments de carrosserie de la cabine. Nous avons découvert dans l’atelier à quoi ressemblera cette dernière, avec une robuste maquette à l’échelle 1.

Une déclinaison H2 devrait être disponible en 2025. Aujourd’hui, l’architecture imaginée pour elle serait composée du pack lithium de base (37 kWh), d’une pile à combustible 50 kW, et d’un réservoir pouvant contenir 4,4 kg d’hydrogène sous 700 bars. Comme le B3, le H2 est crédité d’une autonomie de 430 km, mais avec 280 km obtenus de la PAC et 150 km avec la batterie.

La vitesse de pointe des 4 versions serait de 110 km/h. A noter que les dotations et chiffres restent toujours susceptibles d’être différents sur les modèles commercialisés.

Un projet avancé à 50 %

« Notre projet d’utilitaires électriques est avancé en moyenne à 50 %. Nous en sommes à 60 % concernant les études, 30 % pour l’homologation, 30 % pour la partie finalisation du véhicule et 20 % au sujet de l’industrialisation », des chiffres pour vous, lecteurs d’Automobile Propre, révélés par Michel Lecomte, président de LMI.

Michel Lecomte ? Pourquoi ce nom me dit-il quelque chose ? C’est lui qui est à l’origine de Beta Epsilon, tournée vers les bolides de compétition. Une amicale collaboration avec l’ancien pilote Bruno Miot que nous avions interviewé en 2017, devenu garagiste et loueur de véhicules à Saint-Barthélemy, a débouché sur la création de la Bee-Bee XS.

Je n’avais jamais pu voir cette adorable voiture que le cahier des charges exigeant propulsion, rayon de braquage court, architecture en alu pour ne pas rouiller, nettoyage facile y compris à l’intérieur a rendu plus efficace dans les Caraïbes que toutes les voitures électriques alors disponibles sur le marché. Ici, à Mulsanne, trois Bee-Bee sont alignées dans le second bâtiment de LMI/PowiDian Mobility.

« Nous sommes 14 fois champions aux 24 Heures du Mans. Nous n’oublions pas le passé. Au contraire, nous nous en servons pour les performances, l’efficience, la réactivité et aligner des idées astucieuses. Tout notre savoir-faire issu de la compétition, nous le mettons aujourd’hui au service des véhicules propres », nous révèle Michel Lecomte.

Des marchés de niche

Dans les locaux de LMI/PowiDian Mobility, nous sommes tellement proches du tracé du circuit que nous entendrions les bolides s’ils tournaient. Il va falloir pour cela attendre encore quelques jours.

Aujourd’hui, l’effectif de l’entreprise compte 27 collaborateurs : « Une grande partie des personnes ici viennent de la compétition, de la performance. On a eu l’habitude d’exploiter les hautes technologies de dernières générations pour jouer du chrono. A l’époque, nous ne le faisions pas forcément pour la transition écologique, même si ces technologies sont transposables pour réduire les émissions de CO2 ».

Un virage a été pris par l’équipe en 2010 : « Nous avons réorienté nos activités avec une vision davantage grand public, plus high-tech de transition. On a ainsi par exemple développé des véhicules autonomes. LMI a été créé en 2019, en nous concentrant sur les véhicules propres, soit comme constructeur avec PowiDian Mobility, soit en bureau d’étude, comme nous l’avons fait pour l’entreprise rennaise Karr. Karr, c’est voiture en breton ».

Lors de notre passage, il y avait justement un exemplaire de cet utilitaire urbain électrique homologué en tracteur agricole qui s’affiche aussi modulaire que la série B de PowiDian Mobility née d’un projet démarré fin 2021.

Un projet français pour l’Europe

« Nous sommes dans une période compliquée pour les investissements. La grosse tendance actuelle des fonds, c’est qu’ils s’orientent vers la transition écologique, le respect de la planète, dans tous les aspects, depuis les déchets, par exemple, jusqu’aux flottes de véhicules. Nous-mêmes sommes soutenus par Xerys Invest », expose Michel Lecomte.

Dans ce contexte, son équipe s’active à « créer un genre de véhicules propres transposables en électrique à batterie et à l’hydrogène. Nous ne nous confrontons pas aux grands constructeurs. Nos utilitaires vont venir combler tous les besoins des marchés de niches urbaines pour les entreprises et les collectivités ».

Et ce, sans céder au recours de l’industrie asiatique : « Notre entreprise s’inscrit dans le développement industriel français. Nos véhicules ne vont pas sortir des chaînes chinoises pour recevoir notre badge en arrivant en France. Ils vont être construits ici avec une part de 80 % de pièces produites en France ou en Europe. Ce qui induit un coût plus important que nous cherchons à compenser par une industrialisation intelligente 100 % Made in Le Mans ».

Ce qui va avoir un impact positif et apprécié sur le tissu local, mais pas seulement : « Dans les 7 prochaines années, notre effectif va grimper à 120 personnes. Sans compter sur les sous-traitants ici, et ailleurs. Notre projet est français, pour l’Europe ».

TCO plus bas qu’avec un diesel

« En dénominateur commun à toutes les variantes, nous avons un châssis-cabine qui ouvre à tous les types de carrossage. A notre catalogue, nous proposerons des configurations classiques comme une benne et une caisse sèche qui pourrait devenir frigorifique. Pour les autres équipements, nous travaillerons avec des pros du secteur. Ainsi, par exemple, pour une déclinaison en utilitaire de voirie, ambulance et frigo spécifique à la biologie », développe Philippe Jakubowski.

« Concernant ces partenaires installateurs, on sait à qui s’adresser. Les véhicules seront vendus à nos clients soit sous la forme de châssis nus, soit après avoir été adaptés par l’équipementier. Il s’agit d’obtenir des engins pour lesquels il y a des besoins d’adaptabilité avec des produits spécifiques ».

« Il circule en Europe 520 000 utilitaires transformés. Ils sont diesel à 99 %. Ils interviennent dans des villes où il va falloir réduire l’empreinte carbone. Notre objectif est que nos véhicules remplacent plusieurs milliers de ces engins. Les VE sont plus chers que les diesel. Avec des modèles bien conçus, fiables, et répondant à 100 % aux besoins de nos clients, nous arriverons à obtenir avec notre offre un TCO au final plus faible qu’avec un diesel », complète Michel Lecomte.

Feuille blanche

« Les constructeurs proposent le plus souvent des utilitaires électriques bâtis sur des plateformes conçues pour les motorisations diesel. Elles ne sont pas forcément les meilleures pour une telle adaptation », a rappelé le président de LMI.

« Nous sommes partis d’une feuille blanche pour aboutir à des véhicules électriques performants et efficients. Le châssis est optimisé. Nous avons travaillé sur les poids. Le poids, c’est l’ennemi de la mobilité. Nous avons cette devise : ‘Est-ce que c’est utile de mettre des kilos de lithium pour pousser des kilos d’acier ?’. Nos utilitaires s’appuient sur des châssis 100 % alu, avec plein de petites optimisations ». Leur charge utile tournera autour des 1 500 kg.

« En 2024, nous allons livrer quelques dizaines de véhicules pour mettre en route notre machine de production. A horizon 2027, nous avons prévu de sortir 800 unités à l’année, avec une augmentation progressive vers les 2 800 exemplaires dès 2030 ».

Part de la déclinaison H2

Quelle serait la part des modèles à pile hydrogène ? « Là, c’est l’inconnu total. Il y en aura une petite proportion. Nous avons voulu séparer les problèmes en proposant d’abord l’électrique à batterie avant de nous mettre à l’hydrogène. Nous verrons bien la réponse du marché ».

Il y a beaucoup d’écosystèmes H2 qui émergent : « La dynamique est en route. Les installations pour faire le plein ne sont pas encore développées. Après l’électrique à batterie, c’est la deuxième fois qu’on a des véhicules alors que le réseau pour le ravitaillement en énergie n’est pas prêt ».

Lors de notre visite, le châssis pour le prototype hydrogène était le plus dépouillé. A part la colonne de direction et quelques autres éléments du train avant, il n’y avait pas grand chose à voir. Toutefois, obtenir une présentation plus avancée ne serait pas un problème, comme nous l’a précisé Philippe Jakubowski : « Nous avons quelques piles à combustible sur le site ».

L’hydrogène, ce n’est pas vraiment complètement l’inconnu pour PowiDian qui propose des solutions de groupes électrogène fonctionnant avec cette énergie.

Foncier

A Mulsanne, le foncier à disposition de LMI et PowiDian Mobility se découpe en plusieurs tranches. Il y a tout d’abord ce bâtiment de 1 000 m2 dans lequel nous avons été reçus. En plus des bureaux d’études répartis sur les 2 étages, il va conserver l’atelier dans lequel sont réalisés les prototypes. Devant nous, un collaborateur était en train de réaliser artisanalement et avec minutie des faisceaux électriques pour les futurs véhicules.

Juste en face, un nouveau bâtiment est en cours d’aménagement. Avec une superficie de 2 500 m2, il abrite déjà la salle de repas à disposition des collaborateurs. Mais aussi l’espace qui sera opérationnel dès le quatrième trimestre de cette année pour démarrer la production. « Nous avons encore du foncier à l’extérieur, derrière ce bâtiment, qui nous servira à stocker les véhicules produits », ajoute Philippe Jakubowski.

Les parkings sont un exemple de mobilité plurielle, comme on aime les voir. Des bornes de recharge sont à la disposition gratuite du personnel et des visiteurs. J’étais à peine arrivé que ma voiture a été branchée, avec un débit correspond au maximum du chargeur embarqué. D’autres VE étaient déjà présents sur le site. Les regards pouvaient aussi être attirés par la délicieuse Fiat 500 Jardinière venues des sixties et la moto Harley-Davidson.

Remerciements

Le pavé de remerciement va être plus long que d’habitude. De façon classique, Automobile Propre et moi-même remercions Michel Lecomte et Philippe Jakubowski pour leur disponibilité et leur confiance. Il n’est pas si courant de pouvoir accéder à une entreprise qui s’organise. Un très grand merci aussi à tout le personnel pour l’excellent accueil qu’il nous a réservé.

Je pense aussi à ce formidable moment qui nous a été offert à la volée de rencontrer l’atypique carrossier Christophe Bihr installé à proximité. C’est lui qui a réalisé les voitures mythiques pour la série des films Taxi. Il se concentre désormais sur la réalisation d’un inédit coupé Citroën DS Grand Palais dessiné par le designer de la Peugeot 205, Gérard Godfroy.

Comme nous avons pu le constater sur place, le travail réalisé par l’équipe de l’Alsacien d’origine est impressionnant. Ses futurs projets trouveront sans doute un écho dans notre webzine d’ici une poignée d’années. Vous verrez alors pourquoi.