C’est fou le nombre d’électromobiliens qui viennent du monde de la voiture ancienne ou des belles sportives. Bruno Miot, qui cherche à faire de Saint-Barthélemy, dans les Caraïbes, une île branchée, est passé, entre autres, par le karting, les 24 Heures du Mans et le Dakar. Depuis les Petites Antilles où il vend, loue, entretien désormais des véhicules électriques, il nous envoie des Bee-Bee… un engin sympathique créé pour les îles, dont il est l’instigateur et a réalisé le cahier des charges.

Aux 24 Heures du Mans 1993…

Avant d’entrer dévotement en odeur d’électromobilité, Bruno Miot, originaire de l’Orne, a connu une vie de pilote d’une dizaine d’années dont il garde de bons souvenirs. En 1993, alors qu’il s’attaque aux 24 Heures du Mans, il a déjà pas mal laissé de gomme sur l’asphalte, en devenant champion de France de karting et de la Coupe Citroën AX, après s’être illustré en Formule 3 et Formule Ford.

Sur le mythique circuit de la Sarthe, notre interviewé exploite, avec Richard Balandras et Jean-Bernard Bouvet, pour l’écurie Graff Racing, une Spice SE89C équipée d’un moteur Cosworth DFL 3300 V8. « Nous sommes le plus jeune équipage engagé en cette année 1993 », commente Bruno Miot. Devant la ligne de départ : 47 bolides !

…la 20e place

Bruno Miot et ses coéquipiers finissent à une 20e place qu’il juge honorable, en passant la ligne d’arrivée. Mieux qu’aux essais préliminaires où la 29e position avait été décrochée.

A l’arrière, dans la course officielle, les Venturi 500 LM et Jaguar XJ220 qui portent respectivement les noms de Jacques Laffite et Paul Belmondo ont connu l’abandon. De même que la seconde Spice SE89C engagée par l’écurie britannique Chamberlain Engineering. Pas mal, effectivement, pour une première !

L’année suivante, 1994, est moins sympathique pour notre pilote. Sa participation aux 24 Heures du Mans, cette fois-ci au volant d’une Debora LMP294 à moteur Alfa Romeo 3000 V6, ne dépasse pas les essais préliminaires. « Au retour d’une course, mon père est victime d’un accident mortel », se souvient Bruno Miot. Touché, notre interviewé s’exile alors à Saint-Barthélemy, où l’aventure automobile continue cependant, avec la casquette du garagiste et de loueur de voitures.

Rallyes-raids

« Je voulais participer au Dakar, mais on m’a conseillé de faire mes armes en passant par un rallye-raid moins ambitieux », avoue spontanément Bruno Miot. Ce sera finalement le rallye OiLibya du Maroc qui lui offrira une belle piste d’essai en 2011. A l’époque, son véhicule de tous les jours ressemble plutôt à un quadricycle électrique GEM dont il assure la diffusion à Saint-Barthélemy. Mais sur la piste, le pilote retrouve son tempérament de sportif multidisciplinaire. Peut-être un tantinet casse-cou derrière le volant !? « J’ai eu pas mal de casse au rallye du Maroc », confirme-t-il.

Une expérience qui a permis à notre interviewé de constater qu’il doit être plus cool avec sa monture Optimus. Et ça a payé : « Au Dakar 2012, nous avons fini à la 24e place du classement général », révèle-t-il. « En revanche, en 2013, notre buggy était mal préparé », déplore-t-il. « C’est un engin très performant, mais il faut pratiquement le refaire à chaque étape », poursuit-il.

Le VE au quotidien

A Saint-Barthélemy, le quotidien de Bruno Miot, c’est avant tout le véhicule électrique. Non pas parce que son activité professionnelle ne se résumerait qu’à lui. Au sein de son garage FBM Automobile, il vend, entretien, et répare les mécaniques et carrosserie des véhicules d’un peu toutes les marques.

Dans son catalogue en ligne, les VE prennent tout naturellement leur place dans les modèles dont il assure la diffusion, présentés selon leur marque. On y trouve différentes versions du GEM de Polaris, la BMW i3, le Twizy de Renault.

« Je commence à distribuer la Mitsubishi i-Miev », complète-t-il. « J’éprouve une véritable passion pour les véhicules électriques », nous confie-t-il, ajoutant : « Ils sont tellement extraordinaires ! ». Pour comprendre ces propos, il faut connaître un minimum les rituels de déplacements et la topographie de Saint-Barthélemy.

Une île des Caraïbes

Sur ce territoire dont on fait le tour en 35 kilomètres environ, il n’y a pas de service de transport en commun. L’intégralité du réseau routier, au bord de la saturation, n’est pas beaucoup plus long : une quarantaine de kilomètres de routes étroites, pentues, sinueuses, souvent bétonnées et défoncées, rapidement rendues glissantes avec la pluie, qui n’encouragent pas à se déplacer à pied.

Pour pratiquer le scooter, il faut au minimum avoir quelques talents d’acrobates en abordant les côtes et descentes à parfois 30% ! La voiture reste l’option la plus sûre pour bouger à Saint-Barthélemy, alors que la vitesse est régulièrement limitée à 30 km/h.

« Dans ce contexte, les voitures hybrides sont inutiles, mais les petites voitures électriques s’en sortent parfaitement bien ! », illustre Bruno Miot. L’autonomie en prend forcément un coup. Il chiffre : « 120 km pour une BMW i3, 90 km pour la Mitsubishi i-MiEV, 70 km pour la Mia 12 kWh, et 50-60 km pour le Renault Twizy ».

Propulsion

Parfaitement bien !? A condition de bien choisir les modèles et de leur faire subir quelques petites retouches, comme nous l’explique notre interviewé : « Il faut déjà privilégier les véhicules à propulsion avec beaucoup de couple qui sont capables de bien repartir lorsqu’on se retrouve arrêté au milieu d’une côte très importante, et oublier ceux à traction comme les Bolloré ou Citroën E-Méhari ».

Une anecdote : « Avec une voiture qui entraîne par les roues avant, le conducteur doit parfois évoluer en marche arrière pour arriver à sa destination ». Si le poids du véhicule est trop léger sur l’essieu qui assure la motricité, ça patine ! « Ce n’est pas spécifique aux véhicules électriques : les thermiques connaissent exactement la même situation », plaide Bruno Miot.

Modification

« Je dois souvent modifier les voitures électriques que je reçois pour les adapter aux conditions de circulation dans l’île », reconnaît le pilote garagiste.

L’idée est de permettre aux engins de repartir s’ils se retrouvent arrêtés en pleine côte. Mais ça doit faire terriblement chauffer les batteries !? « Non, pas avec celles au lithium ! », assure Bruno Miot : « Les voitures ne parcourent que de petites distances, jamais plus de 30 kilomètres de suite, et à vitesse réduite », affirme-t-il.

Si la BMW i3 s’en sort haut la main… euh… haut la roue, sans aucune modification, certains modèles n’ont pas pu s’adapter à l’île. Il cite : « les répliques de Jeep par Volteis, les Comarth espagnoles, les Bolloré Bluesummer ». Selon lui, « ces dernières devraient réapparaître sur l’île sous la forme de son dérivé Citroën E-Méhari, mais avec leur problème bien connu d’autodécharge des batteries LMP qui oblige à continuellement les laisser branchées quand elles ne roulent pas, elles ne seront jamais adaptées aux particuliers ni à la location sur plusieurs jours d’ailleurs ».

Mia Rox

S’il y a un engin électrique que Bruno Miot regrette bien de ne pouvoir proposer à sa clientèle, c’est bien la Mia.

« J’avais commencé à travailler dessus », se désole-t-il. « Nous devions avoir un modèle découvrable, et j’ai récupéré par passion, aux enchères de liquidation du constructeur, le modèle Rox d’exposition », une déclinaison originale à haut niveau de personnalisation.

A ce jour, avec sa société FBM Automobile, il a écoulé environ 200 GEM, 40 Renault Twizy, 25 BMW i3 et 5 Mitsubishi i-MiEV. « J’ai dû adresser un courrier à Carlos Ghosn pour pouvoir vendre des Twizy », se rappelle-t-il, désormais persuadé que le PDG de l’Alliance Renault-Nissan n’a jamais reçu la lettre, interceptée à un niveau inférieur mais bien prise en compte.

Aujourd’hui, il aimerait commercialiser les Smart ED. Les droits de quai (TVA local) sont perçus pour toute les marchandises qui entrent sur l’île : « Sauf pour les voitures électriques, ce qui, par exemple, représente tout de même 2.000 euros d’économisés à l’achat d’une BMW i3 », complète Bruno Miot.

Bee-Bee

Entre des modèles inexploitables à Saint-Barthélemy, d’autres qui s’en sortent particulièrement bien mais dont leurs fabricants disparaissent, des constructeurs pas toujours faciles à convaincre, l’idée de réaliser son propre véhicule électrique est venue à l’esprit de Bruno Miot.

« Les GEM voitures de golf ont une autonomie insuffisante ; le Twizy n’a pas de coffre, une deuxième place accessoire, et une assise trop basse », justifie-t-il, révélant qu’il avait pensé un jour modifier le quadricycle de Renault pour en faire un 4 places.

« A Saint-Barthélemy, on peut rouler avec à peu près n’importe quoi : pas besoin de répondre à des normes », indique-t-il. Mais un ancien collègue de sa carrière sportive a vu plus loin, l’invitant à revoir plus sérieusement son projet d’un véhicule électrique idéal, ne serait-ce que pour rentabiliser la voiture en la diffusant ensuite ailleurs que sur l’île.

Fais-nous un cahier des charges !

« Fais-nous un cahier des charges de ta voiture électrique, et on va te la produire ! », lui a proposé Michel Lecomte, directeur général de Beta Epsilon, une entreprise qui construit plutôt des bolides de compétition.

« Il a fallu 2 ans et demi pour enfin obtenir un véhicule aux normes européennes avec toutes les contraintes que ça implique », évalue Bruno Miot. Sans entrer dans les détails, il nous livre quelques points parmi les plus importants à respecter dans la construction de la Bee-Bee : « Propulsion ; rayon de braquage court ; en alu pour ne pas rouiller ; lavable facilement ».

Enthousiaste, il compare : « Avec sa batterie de 9,7 kWh de capacité, elle dispose d’une autonomie de 80 kilomètres à Saint-Barthélemy ; elle est plus efficace finalement que la BMW i3 dont on obtient 120 kilomètres d’un pack de 22 kWh ! ». Si la Bee-Bee s’est un peu émancipée, il conserve un lien avec elle en détenant un petit pourcentage des parts du capital de Beta Epsilon.

VE + abri solaire

Sa Bee-Bee, Bruno Miot la voit désormais dans un package « voiture électrique + abri solaire ». Comme il aime à le dire, « l’idée de ce regroupement qui pourrait intéresser les hôtels est de faire de Saint-Barthélemy une île aux voitures électriques ».

La flotte idéale, selon lui, que ces professionnels pourraient mettre en location, serait composée de Twizy à destination des jeunes, Bee-Bee pour aller à la plage et vivre vraiment le rêve des Caraïbes, Mitsubishi i-MiEV en offre à bas tarifs en pensant éventuellement aux familles, et BMW i3 quand les clients souhaitent une voiture luxueuse.

Actuellement, il espère convaincre le nouvel acquéreur d’un grand hôtel de l’île de devenir le premier établissement au monde de sa catégorie à ne proposer en location que des véhicules électriques. Ce type d’activité, il connaît lui-même très bien, puisqu’il a fondé Saint-Barth Centre Auto, une agence qui dispose d’une flotte de 170 engins, parmi lesquels une trentaine de VE, plus particulièrement des GEM et Twizy, mais aussi quelques i3 et i-MiEV.

Ombrières à la plage

Notre interviewé a lui-même débuté la liste, encore très courte, de ceux qui ont un abri solaire pour régénérer les batteries des VE. « Avec 25 m2 de panneaux photovoltaïques, je peux recharger dans la journée une BMW i3, ou 3 Renault Twizy, soit l’équivalent de 150 kilomètres : et c’est gratuit ! », témoigne-t-il.

Plus largement, il souhaiterait voir fleurir des ombrières sur tous les parkings des places. « Ainsi, la nuit, il n’y aurait plus besoin de recourir au réseau pour ravitailler en énergie les voitures électriques de l’île », se plaît-il à rêver. Prochainement, 2 nouvelles ombrières vont être dressées pour la collectivité de Saint-Barthélemy.

Promotion du véhicule électrique

« Les habitants de Saint-Barthélemy sont plus ouverts à la mobilité électrique désormais », rapporte Bruno Miot.

« Ils avaient plein de préjugés à ce sujet, parmi lesquels la difficulté de recharger, l’inadaptation des VE à l’île, des problèmes d’autonomie, etc. », liste-t-il, faisant cependant un petit mea-culpa : « En vendant autant de GEM, les automobilistes ont fini par coller l’image de ces quadricycles sans permis aux véhicules électriques en général ».

Avec la journée de découverte de la mobilité verte qu’il a organisée, il a pu rectifier le tir. « Si j’en avais eu à disposition, j’aurais pu vendre une quinzaine de BMW i3, Bee-Bee et i-MiEV ce jour-là », se réjouit-il. La manifestation a accueilli 350 visiteurs, qui permettait d’essayer de nombreux modèles. Parmi eux, ce sont les BMW i3 et Bee-Bee XS qui ont été les plus sollicités. Sans doute pour la plus grande joie de notre interviewé, mais aussi de Michel Lecomte qui était présent. Leur sympathique voiture sera commercialisée sur place en mars de cette année 2017.

Automobile Propre et moi-même remercions vivement Bruno Miot pour sa disponibilité et son témoignage.