Transport, manutention, intervention… Quels sont les risques liés au recyclage des voitures électriques ? Petite incursion chez Indra Automobile Recycling, leader français du recyclage de véhicules.
Direction Romorantin-Lanthenay, afin de découvrir les enjeux et spécificités du recyclage automobile le temps d’une journée. Du démantèlement intérieur au compactage en petit cube, nous avons suivi de près les étapes du recyclage d’une auto. L’occasion de nous pencher sur une activité en pleine croissance : celle du recyclage des voitures électriques. Un chapitre très récent dans le recyclage automobile, et qui évolue au fil des modèles et des différents cas rencontrés.
Indra Automobile Recycling : expert en économie circulaire
Un peu de contexte. Indra Automobile Recycling est une entreprise française spécialisée dans le recyclage de véhicules hors d’usage (VHU). En 15 ans, Indra s’est imposé comme étant le premier acteur en France, et accompagne tous les acteurs de la filière. Particulièrement compétent sur les véhicules légers, l’entreprise se diversifie également du côté des véhicules industriels et des deux-roues. Pour mieux appréhender le domaine du recyclage auto, voici quelques chiffres en vrac :
- 10 millions de véhicules arrivent en fin de vie chaque année en Europe
- Les objectifs européens imposent la valorisation (recyclage) de 95 % de leur masse depuis 2015
- Le réseau Indra atteint 95,6 % en 2016 (97 % à Romorantin)
- 600 000 VHU ont été détruits par Indra en 2019 (38,2 % de part de marché)
- Soit 655 000 tonnes de matière, dont 460 000 tonnes d’acier
- L’âge moyen de destruction d’un véhicule en France est de 19,6 ans
- Le réseau agréé Indra est constitué de 380 centres VHU
- 2 sites : Romorantin-Lanthenay (pilote) et Vienne
- 40 personnes sur site, dont 15 ingénieurs
- 62 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021 (hausse de 24 %)
Une déconstruction pas à pas
De notre côté, nous avons eu la chance de pouvoir visiter le site pilote de Romorantin et de suivre les différents pas de déconstruction des VHU. Sur place, chaque VHU est « déconstruit » dans le sens quasi inverse d’une chaîne de montage. Si cette approche peut paraître évidente, elle demande une certaine logistique afin d’optimiser le traitement de chaque véhicule. Avant de nous pencher sur l’électrique, nous avons donc pris le temps de passer sur chacun de ces postes. Ceci afin de mieux comprendre toutes les étapes par lesquelles passe chaque voiture, de la citadine au monospace. Voici les différents postes :
- 1 : engagement du véhicule et dépose des roues, passages de roues, et plaques d’immatriculation.
- 2 : dépose des ouvrants (portières, capot, vitrage), ainsi que de la batterie et des feux.
- 3 : dépollution, purge et retrait des différents fluides (carburant, huile, liquide de refroidissement, etc.).
- 4 : dépose des équipements intérieurs et extérieurs, des pare-chocs aux sièges, ailes, inserts, et faisceaux.
- 5 : dépose du groupe motopropulseur (berceau, pot catalytique, autres faisceaux et bocaux, etc.).
- 6 : dépose de la planche de bord, découpe du pare-brise (sécurité), retrait des joints et moquette.
Ces différents postes sont équipés d’outils et appareils spécifiques, qui servent à faciliter l’intervention des ouvriers. Chaque étape permet de valoriser différents composants et matériaux (acier, aluminium, ABS, verre, textile, et même bois). S’ensuit une véritable déconstruction de ce qui reste de la carrosserie, grâce à un puissant bras de manutention de 11 tonnes équipé d’un « grappin » étonnamment précis : le bien nommé « Car Power Dismantler ». On vous l’avoue, l’enfant qui sommeille en nous était émerveillé par la précision chirurgicale d’une opération aussi… destructrice !
À lire aussi Voiture électrique et recyclage des batteries : Volkswagen lance une usine piloteVoiture électrique et hybride : des risques spécifiques
Depuis plus de 10 ans, Indra développe une expertise dédiée au traitement des véhicules électriques et hybrides (VEH). Sans surprise, ces derniers requièrent de prendre des précautions particulières liées à la présence de batteries électriques. Dans ce cadre, le centre de formation AURECA dispense même des modules spécifiques destinés aux différents acteurs de la filière. Parmi celles-ci, nous retrouvons par exemple la maîtrise des risques liés aux véhicules électriques, ou encore le transport d’un véhicule électrique ou hybride accidenté avec un engin de manutention. À l’heure actuelle, il subsiste une part « d’incertitude » dans la manipulation des batteries électriques.
Nous ne pouvons pas toujours prévoir et anticiper l’ensemble des scénarios qui peuvent avoir lieu. Les risques lors de la manipulation d’un véhicule électrique/de sa batterie ne sont en effet par toujours les mêmes. Les batteries peuvent ne pas réagir de la même manière selon qu’elles auront subi un accident, un incendie, une immersion. Dans tous les cas, la manipulation commence par la mise en sécurité de la batterie électrique. C’est la raison pour laquelle les retours d’expérience, au cas par cas et modèle par modèle, sont essentiels à la construction d’un réseau d’experts.
Les outils et appareils utilisés
L’équipement utilisé est donc crucial en ce qui concerne les VEH. De l’équipement de protection individuelle (EPI) aux outils de manutention, chaque élément à son importance. Ainsi, nous avons pu comprendre le pourquoi du comment de certains outils et découvrir certaines subtilités. À commencer par les solutions de levage adaptées aux VEH. Qu’il s’agisse du pont élévateur mobile ou du pont élévateur à deux colonnes, tous deux laissent par exemple un accès totalement libre au soubassement des véhicules. C’est là que l’opérateur s’équipe de ses gants d’électricien, de ses sur-gants, de son casque, et de son testeur de tension. C’est parti pour procéder à la séparation électrique entre batterie et moteur. Le retrait du faisceau de puissance et du fusible se fait tout en contrôlant régulièrement la tension électrique.
C’est seulement lorsque plus aucun courant ne passe que l’on peut déposer la batterie. Pour ce faire, une table élévatrice mobile a été spécifiquement conçue. Celle-ci peut supporter jusqu’à 1 tonne (le poids des batteries électriques est généralement compris entre 250 et 300 kg). Vous l’aurez compris, l’intervention sur un VEH demande une procédure dédiée, et pour cause. Imaginez : un cariste habilité à la manutention de véhicules thermiques, habitué à les déplacer au chariot élévateur. En passant les fourches sous une voiture électrique, celui-ci risque de tomber en plein sur la batterie ! On comprend tout de suite mieux l’importance de ces processus et habilitations spécifiques.
Qu’advient-il des batteries ?
Ça y est, la batterie a été mise en sécurité en fonction du sinistre rencontré. Elle est donc prête à retourner chez le constructeur, Indra ne conservant pas les batteries des véhicules électriques. L’objectif est donc de lui donner une seconde vie, uniquement si le diagnostic est favorable et sa traçabilité confirmée. Comprenez par là que le moindre défaut d’étanchéité ou d’isolement suffit à écarter l’éventualité d’une réutilisation de la batterie. Il en va de même si le VEH est passé par la case recyclage à la suite d’un accident, durant lequel les airbags se sont déclenchés par exemple. Parce qu’on ne sait pas ce que le choc a pu engendrer à l’intérieur, on ne réutilise pas la batterie. Simple précaution. Dans tous les cas, les batteries des voitures électriques sont systématiquement retirées. Quand tout est favorable, la batterie peut donc bénéficier d’une seconde vie de différentes manières.
Certaines batteries retournent par exemple en circulation, alors que d’autres sont réparées. Celles qui ne peuvent l’être deviennent des donneuses et fournissent des sous-composants utilisés dans la réparation. Il est également possible de réemployer des modules de batteries dans des solutions alternatives telles que le rétrofit. Enfin, ces mêmes modules peuvent tout simplement être utilisés comme solutions de stockage d’énergie, entre autres. Car oui, le recyclage, c’est aussi le réemploi ! Et plus on y arrive, mieux l’économie circulaire se porte.
Moi je verrais bien un chargeur embarqué de Zoé (22kW) pour transformer le courant alternatif des bornes publique en courant continue pour charger les voitures.
en ce qui concerne la majeur partie des VE qui ont un chargeur embarqué de 11kW, cela reviendrait à diviser par deux le temps de charge.
Seul bémol, la tension continue doit être compatible avec le VE branché
ma question : quelles sont les tensions de batteries de traction des VE ?
Bonjour,
En début d’article, vous nous décrivez la déconstruction pas à pas d’un véhicule, la dernière étape « étant l’utilisation et la promotion »du car power dismantle.
Les photos que vous mettez n’e sont pas en phase avec les étapes précédente .
Les vitrages train avant et autres équipements sont encore en place sur le véhicule positionner sur le banc de découpage broyage. De par l’état du banc vert, dès coulures d’huile ou autre polluants semblent présentes ? Ça ne véhicule pas l’image de propreté environnementale escomptée et attendue
Il n’empêche que votre usine de démantèlement doit être très intéressante à visiter.
Je travaille dans l’industrie d’où mon intérêt
Cordialement
Karlo44
62 millions d’euros de chiffre d’affaire pour 600.000 véhicules, cela signifie qu’un véhicule rapporte en moyenne 100 euros à INDRA. D’où provient de chiffre d’affaire ? Je suppose qu’il y a deux sources :
– le propriétaire du véhicule (ou le concessionnaire) qui paye INDRA pour s’en débarrasser.
– les entreprises qui rachètent les composants démontés par INDRA.
Quand même, 100 euros par voiture, je trouve que c’est peu.
Votre illustration de Laguna arrivée en phase finale interroge. Elle a ses ailes, ses portières, son pare brise, ses durites de freins, ses joints..; et probablement d’autres choses qu’on ne voit pas.
« des solutions alternatives telles que le rétrofit. »
c’est interdit en France. Le rétrofit légal nécessite des pièces neuves, il est interdit d’utiliser des pièces issues du démontage.
Mais c’est autorisé dans le reste de l’UE.
J’ai déposé un véhicule thermique « prime à la casse » début novembre.
Le réceptionnaire a demandé l’état du moteur, a regardé les pneus (1500 km à l’avant et 10 000 à l’arrière). Le véhicule a été mis sur un pont, batterie, huiles et liquide de refroidissement ont été prélevés, les roues démontées, la caisse a été soulevée à la grue et jetée sur la pile de ferrailles !
Et c’était une casse agréée pour le recyclage … sacré recyclage, sans aucun démontage ni tri des composants entre matières plastiques, verre, métaux …
Je pense qu’au final elle va sans doute être compressée avant d’être envoyée dans un pays sans doute asiatique afin d’être refondue et transformée en différents blocs de métaux.
Les casses qui démontent, trient, et vendent sont rares, même s’il en existe quelques unes. Il existe d’ailleurs des sites internet permettant à ces casses de vendre les pièces détachées issues du démontage de véhicules détruits. Il y a quelques années il n’était pas rare d’y voir des pièces de VE anciens dont des batteries de triplette PSA/Mitsu ou de Leaf.
Bon article. Aurait même mérité un reportage vidéo, si l’entreprise était d’accord.
pas de recyclage de pièces encore utilisables d’occasions ?
Trés intéressant comme article, merci
Çà fait plaisir de voir des électriciens porter leurs EPI, c’est tellement rare de le voir dans la vraie vie et en photo.
Il y a un vrai sujet ici pour tous nos garagistes, aujourd’hui dubitatifs ou inquiets devant le VE alors qu’indispensables pour gérer tout le parc automobile et permettre de conserver cette moyenne de 20ans avant destruction qui témoigne aussi de tous ces gens qui ont besoin d’un (vieux) véhicule à bas prix.
Il y a aussi sujet pour les passionnés de mécanique amateurs ; aller faire joujou dans le 400 ou 800v avec de telles énergies sans plans, sans compétences et sans EPI pourrait entrainer des gros coups de soleil.
Une filière qui emploie et qui a de l’avenir.
De nombreux véhicules dorment dans un jardin sans rouler, la fiabilité aléatoire ajouté au cout d’entretien exponentiel des autos actuelles, l’arrivée des Ve, vont conduire à des destructions en masse dans les prochaines années. On peut supposer une durée de vie inferieure à 15 ans pour les autos d’après 2000 et espérer des Ve plus durables 25/30 ans ce serait bien mais j’en doute.
Un reportage en vidéo serait très interessant !
Information très intéressante de l’article : la destruction et le recyclage des véhicules porte en moyenne sur des voitures de près de 20 ans !
On voit donc toute l’importance de la gestion dans le temps des différents composants, de la batterie bien sûr et aussi de la fiabilité générale des véhicules. Si les voitures d’aujourd’hui ont de gros soucis d’autonomie de batterie au bout de 10 ans, il est impératif qu’une filière propose leur remplacement ou reconditionnement à un tarif réaliste, sans quoi cela mettra deux fois plus vite les voitures à la casse… pas très écologique.
Par ailleurs on voit bien la gabegie que représente le mode de consommation proposé par le marketing actuel : un achat – une location plutôt – pour un usage sur 2-3 ans, moyennant 50 ou 60 % du prix du véhicule, truffé de frais financiers et de garanties qui ne serviront pas… alors que la vie du produit est 5 à 8 fois plus longue.
Cet article fait partie d’une grande série, j’espère? J’aimerai en savoir beaucoup plus. Nos C-zero, Ion et les premières Leaf vont commencer à arriver en nombre en fin de vie où pourquoi pas avec un rétroflit de la batterie. On nous parle souvent de rétroflit de voitures thermiques qui n’a pas vraiment de sens, mais le rétroflit des batteries en stationnaire où encore sur nos électriques actuelles à beaucoup plus de sens. on en parle pas en France.
Devrons nous allez hors de nos frontières pour redonner un deuxième jeunesse à nos électriques, où acheter une batterie recyclé pour nos installations solaires photovoltaïques?
une ami déja au démantèlement…