La marque italienne entend être « la plus rapide » à basculer du zéro électrique au zéro émission. Mais parviendra-t-elle à être compétitive sur le marché électrique tout en gardant son âme ? Le patron français, Jean-Philippe Imparato, le promet.  

Cuore sportivo. La meccanica delle emozioni. À l’heure de l’efficience et de l’électrique, les slogans historiques d’Alfa Romeo peuvent paraître un rien surannés. La vénérable marque milanaise – 112 ans cette année – doit pourtant s’électrifier à grande vitesse pour assurer sa survie au sein du tentaculaire groupe Stellantis (Peugeot, Citroën, DS, Opel, Dodge, Jeep…). 

Un chemin qu’elle entend emprunter à grande vitesse. Il y a six mois, Alfa ne commercialisait aucun véhicule électrifié, même pas une hybridation légère. En 2027, Milan proposera un catalogue 100 % électrique.  

« C’est probablement le virage le plus rapide d’un constructeur historique, juge Jean-Philippe Imparato, nommé il y a deux ans à la tête de la marque transalpine. On est les derniers, on sera les plus rapides ». 

Il faut dire que le biscione – nom de la créature mythique dévorant un homme sur son logo – a bien besoin d’un nouveau souffle. Lancées en grande pompe au milieu des années 2010, les Giulia et Stelvio thermiques étaient les fers de lance du grand plan orchestré par le patron de Fiat-Chrysler, Sergio Marchionne. Le capitaine d’industrie au célèbre col roulé noir voulait attaquer de front BMW ou Mercedes avec de coûteuses et complexes propulsions – l’arbre de transmission est en fibre de carbone ! – vendues au prix fort. 

Le succès critique se transforma en désastre commercial. Fiabilité aléatoire, tarif prohibitif, segment de la berline en déclin, concurrence sévère, image déficiente à l’international… Il se vend aujourd’hui quatre fois moins d’Alfa Romeo dans le monde qu’en 2001. 

Un peu de rationalité 

Première mission d’Imparato ? Remettre de l’ordre dans les comptes et dans les processus de fabrication. Un surcroît de rigueur dans la production des Giulia et Stelvio a déjà permis de « diviser par trois les coûts de garantie » assure le patron. « Je veux tuer cette image de manque de fiabilité qui a fait beaucoup de mal à la marque ». 

Alfa est déjà sur la bonne voie, puisque la marque va repasser au-dessus de la barre des 50 000 immatriculations annuelles. Elle est surtout à nouveau dans le vert. « Mais il faut tenir, indique Jean-Philippe Imparato avec une pointe d’accent héraultais. Vous ne pouvez pas convaincre un groupe comme Stellantis de vous donner de l’argent pour faire du développement produit si vous n’êtes pas rentable ». On reconnaît bien là la méthode Carlos Tavares… 

L’électrification du plan produit démarre par le lancement du SUV intermédiaire – le Tonale – dans une version hybride rechargeable de 280 ch. En France, il devrait constituer « 70 % des immatriculations » du modèle, assure Jean-Philippe Imparato. De quoi réduire de 40 % la moyenne d’émissions de CO2 d’Alfa Romeo : « Si je ne fais pas ça… je suis mort ! »

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Le cousin technique du Jeep Compass doit notamment séduire les pros et les sociétés de leasing, traditionnellement peu sensibles aux arguments passion de la marque : « Avec 26g CO2/100 km en cycle mixte et 69 kilomètres en mode 100 % électrique selon la norme WLTP, nous cochons les cases pour entrer dans les appels d’offres allemands. Cela nous ouvre de nouveaux canaux de clientèle, sans trahir l’ADN d’Alfa Romeo ». 

La première Alfa Romeo électrique arrivera sur nos routes dans moins de deux ans. Là aussi, il s’agit d’élargir le panel de clients possibles en commercialisant un SUV urbain format Peugeot e-2008. L’engin – s’appellera-t-il MiTo ? – partagera ses mécaniques avec le récent Jeep Avenger. L’offre sera donc mixte, avec des motorisations micro-hybridées ou 100 % électriques. 

Le retour de la berline

Etape suivante du plan : la sortie d’un premier modèle conçu sur une plateforme dédiée à l’électrique. Elle sera basée sur l’ensemble STLA-Large. Il s’agira donc d’une voiture de plus de 4,50 m de longueur et dotée de quatre roues motrices. Et pour Jean-Phillippe Imparato, elle devrait proposer des prestations high-tech de haute volée : 

« Nous serons les premiers du groupe Stellantis à embarquer la future architecture électronique STLA-brain. Cela veut dire que nous aurons la meilleure technologie software, avec la 5G, l’intelligence artificielle… Au-delà, vous roulerez dans cette voiture avec les mêmes sensations et le même comportement routier qu’une Giulia ou un Stelvio actuel(le). La puissance ira de 350 à plus de 800 ch ». 

Charge au designer maison Alejandro Mesonero-Romanos (ex-Seat) de trouver la bonne silhouette. D’ailleurs, la berline Giulia aura-t-elle une descendance ? Jean-Philippe Imparato est clair : « L’électrique, c’est l’efficience. Donc l’aéro. La berline est plus aérodynamique. Pour moi, l’industrie va retourner vers ce type de voiture. Donc oui, il y aura une future Giulia. Et pour avoir participé aux réunions design, je peux vous dire qu’elle aura de la gueule ». 

Le plaisir par l’IA ?

Au-delà du design, il faudra sans doute préserver l’expérience de conduite. Jusqu’ici, chez Alfa, tout était question de moteur ; de la sonorité du V6 « Busso » à l’agrément des actuels 4 cylindres des Giulia ou Stelvio. Des arguments rendus caducs par le passage au 100 % électrique. Comment offrir un plaisir de conduite différent de la concurrence ? 

« Cela fait 112 ans qu’Alfa Romeo est driver centric, estime Jean-Philippe Imparato. Il ne faut pas que cela change, mais il faut que la marque évolue avec son temps. Les moteurs et le châssis seront toujours développés par les gens de Balocco, qui ont mis au point l’Alfa Romeo Giulia GTAm (la version extrême de la Giulia ndlr.) ». 

« Nous travaillons beaucoup sur ce que l’intelligence artificielle ou la 5G et ce qu’elles peuvent apporter à l’expérience de conduite, indique l’ancien boss de Peugeot. Nous, Alfa Romeo, nous n’aurons pas une interface qui vous donnera la météo dans trois semaines. Nos clients s’en fichent. En revanche, on va utiliser tout ce que va nous donner le software en termes de données techniques, pour sélectionner celles qui ont un effet sur l’efficacité de conduite de celui qui pilote. Nous pourrons par exemple indiquer la trajectoire idéale pour le prochain virage sur route comme sur piste. Nous pouvons informer le pilote sur son état de santé au moment où il prend le volant, pour l’aider à être plus à l’aise dans leur conduite ». 

De la data pour donner un supplément d’âme ?