
Une GM EV1 en charge – Photo : Tucson Citizen
C’est le jeudi 5 décembre 1996 que General Motors commence la livraison des EV1, cette fantastique voiture électrique qui accumulera quelques premières mondiales : première voiture électrique de l’ère pétrolière à être fabriquée en série (jusqu’à 5 par jour), première à exploiter la recharge par induction, première à utiliser des pneus à faible résistance au roulement… première à être rappelée par son constructeur pour la faire disparaître intégralement, ou presque.
Mais l’EV1, c’est bien plus que cela. C’est un symbole fort, très fort même, du réveil d’un nombre grandissant d’automobilistes qui ne veulent plus qu’on leur dicte le modèle de voitures qu’ils doivent acquérir pour se rendre au travail ou déposer leur adolescent à l’école.
GM est allé trop loin dans l’absurde avec ce coupé 2 places issu du concept Impact, détenteur en 1994 d’un record de vitesse (295 km/h) dans la catégorie des voitures électriques. Via la télévision, le cinéma et Internet, les images des reprises musclées orchestrées par le constructeur ont fait le tour du monde, jetant définitivement le discrédit sur ceux qui, en son sein, prétendaient que l’EV1 n’intéressait personne !
En la condamnant, GM a aussi et surtout loupé un rendez-vous important avec l’histoire de l’automobile : être le groupe reconnu pour avoir ouvert les routes du XXIe siècle à la mobilité électrique. Faut-il chercher ailleurs les raisons d’une carrière tout de même en demi-teinte pour la Chevrolet Volt ? Même si cette dernière vient de dépasser la barre symbolique des 100.000 exemplaires vendus, elle fait beaucoup moins bien que la Nissan Leaf qui flirte avec les 300.000 !
Un contexte favorable
Photo : GM Media Archives
Pour lutter contre la pollution atmosphérique sur son territoire, l’Etat de Californie décide début 1990 d’une loi qui obligera les constructeurs automobiles à produire et vendre des voitures sans émission sur leur passage. Le texte se traduira en quotas minimum exprimés en pourcentage des nouvelles immatriculations : 2% en 1998, 5% en 2001, et 10% en 2003. Seuls des engins électriques, à batterie de traction ou pile à combustible hydrogène, peuvent raisonnablement satisfaire à ces exigences, selon les avancées technologiques de l’époque. Pour General Motors, voilà une décision qui arrive à point nommé, puisque le constructeur est justement en train d’exhiber à travers le monde, au rythme des salons de l’automobile, son concept « Impact ».
Les ingénieurs sont partis d’une feuille blanche pour concevoir une voiture novatrice et douce pour l’environnement, résolument bâtie autour des caractéristiques propres aux chaînes de traction électrique. Châssis en aluminium, carrosserie aérodynamique avec un Cx de 0,19, jantes en alliage extra-léger, pneus à faible résistance au roulement, pompe à chaleur, logement des batteries, etc. : tout a été pensé au mieux pour assurer la meilleure autonomie au bolide : 165 kilomètres. Et tout juste 8 secondes pour atteindre les 100 km/h depuis l’arrêt. GM a exploité pour l’Impact son expérience d’une récente participation au World Solar Challenge, une course à travers l’Australie réservée aux véhicules alimentés à l’énergie solaire.
Impact sur l’EV1
Au début de la dernière décade du siècle dernier, la GM a fort bien su saisir l’occasion ! Pourquoi bouleverser l’Impact, puisque tout y est déjà, ou presque ? Elle est belle, nerveuse, révolutionnaire, et dispose d’un habitacle séduisant. Le constructeur va mettre un milliard de dollars sur la table pour que le concept aboutisse en 6 ans à l’EV1. En 1994, General Motors réalise artisanalement 50 exemplaires de l’Impact, que des clients pourront tester quelques jours, contre un compte-rendu détaillé de leur utilisation et du comportement du véhicule.
Le succès est tel, que la ligne téléphonique dédiée à la recherche des pilotes doit être rapidement fermée. En 1996, l’engin s’appelle désormais l’EV1, livré alors avec 26 batteries 12 V (16,5 kWh, éventuellement augmentés à 18,7 kWh en 1999) au plomb, puis avec la technologie NiMH (343 V, 26,4 kWh) dès l’année modèle 1999. Au passage, l’autonomie maximale estimée s’allonge, d’environ 120 à plus de 220 kilomètres.
Bridée électroniquement aux environs de 130 km/h, la motorisation électrique ne peut exprimer pleinement sa puissance de 137 chevaux, pour un couple de 150 Nm, sauf en arrachant l’asphalte au démarrage. Il ne faut que 8 heures pour recharger les batteries par induction de chez soi, grâce à un appareil dont le câble se termine par une platine à glisser à l’avant du véhicule.
Une ligne en goutte d’eau
Les designers automobiles le savent bien : la forme en goutte d’eau pour une carrosserie est celle qui permet d’obtenir le meilleur taux de pénétration dans l’air, parce qu’elle élimine les turbulences. Une ligne intuitivement reproduite par Flaminio Bertoni pour la Citroën DS en 1955.
Plus proche de nous, une voiture hybride rechargeable, qui ressemble très fortement à l’EV1 dans ses traits principaux, fait un peu mieux. C’est la Volkswagen XL1, avec un Cx de 0,186, contre 0,19 pour le coupé américain. Ca se joue à vraiment pas grand chose ! Sans doute faudrait-il faire repasser l’essai en soufflerie à l’EV1 avec des caméras à la place des rétroviseurs, comme celles qui équipent d’origine l’allemande.
En location uniquement
Le constructeur va faire le choix de louer, et non de vendre son coupé 2 places électrique. Avec des loyers mensuels compris dans une fourchette d’à peine 300 à presque 580 dollars de l’époque, soit l’équivalent de 450 à 880 dollars d’aujourd’hui, ou encore de 410 à 802 euros, l’engin n’était pas accessible aux foyers américains modestes, ni disponible partout aux Etats-Unis.
C’est la ville de Los Angeles, en Californie, qui a été la première servie, puis Phoenix et Tucson, en Arizona. Les premiers utilisateurs, souvent choisis parmi les personnalités politiques ou du cinéma, étaient considérés comme des privilégiés en charge d’évaluer techniquement l’engin en situation.
Les bons retours ont poussé quelque peu General Motors à proposer également l’EV1 à San Francisco et Sacramento, toujours en Californie, mais aussi, au compte-gouttes, à Atlanta, en Géorgie. Les contrats signés et acceptés par les automobilistes stipulent que la location court sur 3 ans, sans reconduction, ni possibilité d’acquérir le bolide au terme.
Quand les lois changent !
Doit-on s’étonner que General Motors condamne l’EV1 en 2003, l’année même où les grands constructeurs concernés, dont lui-même, obtiennent un allègement des contraintes californiennes sur les véhicules à zéro émission ? Non, bien sûr !
Si ceux qui tirent les ficelles financières du groupe se réjouissent de l’abandon du coupé 2 places, dont ils estiment à 80.000 dollars le poids à supporter par exemplaire en comptant les coûts en R&D, nombre d’acteurs de l’histoire de l’EV1 chez GM sont tout autant scandalisés que les utilisateurs du fabuleux engin. En cause, la décision de détruire les 1.117 voitures finalement produites, réparties en 660 et 457 unités selon la génération, à l’exception d’une poignée de modèles pour mémoire et utilisation interne.
Pas rentable ?
Pour le faire disparaître, peut-on accuser un véhicule dont la destruction émeut tant la population de n’être pas rentable ? Alors qu’une très longue liste d’attente d’automobilistes désireux de pouvoir rouler dans l’EV1 existe bel et bien ? Qu’auraient dans ce cas pu dire Nissan, Renault ou Tesla après seulement un millier de Leaf, Zoé et Model S commercialisées ?
Quand on veut sceller le sort d’une technologie qui dérange, tous les discours et tous les moyens sont bons ! C’est ce qu’a voulu démontrer Chris Paine dans son documentaire intitulé « Who killed the electric car ? », diffusé en 2006 aux Etats-Unis, et toujours disponible sur le Net, via Dailymotion.
Le cinéaste accuse ouvertement les lobbies pétroliers et les autorités fédérales, tous englués dans les colossaux revenus que procure l’or noir. Il a filmé la douleur, les larmes et les coups reçus par les partisans d’un modèle hors norme de voitures, qui véhiculait très exactement certaines des valeurs de la mobilité durable que prônent aujourd’hui la plupart des dirigeants mondiaux.
Un simulacre d’enterrement d’une EV1 a même été réalisé, avec son long cortège traditionnel. On pourrait encore en dire beaucoup sur la fin mal ficelée du bolide, mais nous vous invitons à découvrir ou à revoir l’excellent reportage de Chris Paine, dont les images sont poignantes.
Un scandale à l’heure d’Internet !
La General Motors a très mal géré la sortie des EV1, s’entêtant jusqu’au ridicule. Viré du groupe en 2009 en raison de dépenses excessives, à la demande du président Obama, le PDG Rick Wagoner faisait quelque peu son mea culpa une année auparavant, en reconnaissant n’avoir pas suffisamment soutenu les programmes de développement des véhicules à faible consommation en carburant, dont les voitures électriques.
Toyota, un temps tenté de détruire également sa série branchée de Rav4 contemporaine, a finalement consenti à les revendre à leurs utilisateurs. C’est ni plus ni moins ce qu’espéraient les automobilistes qui s’estimaient floués par la GM. Plus encore que la télévision ou le cinéma, le Net conserve des images indélébiles du scandale EV1. Il serait intéressant de connaître les modèles de véhicules dans lesquels roulent actuellement les anciens utilisateurs du coupé américain.
Des répercussions encore aujourd’hui
Dix ans après le choc « EV1 », Chris Paine récidivait avec un nouveau documentaire, cette fois-ci intitulé « Revenge of the electric car ». Où l’on comprend que le grand gagnant de l’affaire aux Etats-Unis est Tesla, même s’il ne s’est pas vendu plus de Model S que de Chevrolet Volt, à un delta près d’environ 10.000 exemplaires ! Hors de ces frontières géographiques, c’est l’alliance Renault-Nissan qui tire son épingle du jeu.
La santé financière de General Motors serait sans doute bien plus solide si le programme EV1 s’était poursuivi, débouchant naturellement sur de nouveaux modèles de voitures électriques, occupant différents segments, de la citadine 4 places, à la luxueuse berline.
La GM avait de bonnes cartes dans les mains, dont celle de la fabrication des batteries. Au pays du dollar et de la démesure, l’appât du gain peut faire commettre de lourdes erreurs stratégiques, aux répercussions durables et mondiales. Ne l’oublions pas, lors de la destruction des l’EV1, George W. Bush, digne héritier à la cause pétrolière, était président !
Commentaires
N'achetez plus de vehicule GM !
Boycottez la Bolt.
Très bien de se souvenir des avatars de l'histoire. Plein d'enseignements.
Cela nous laisse imaginer à quelles pressions doit être soumise Tesla qui s'est délibérément mise 'hors système' et qui donc menace le système.
Cela coupe aussi (un peu) les ailes de l'histoire du 'lobby pétrolier' car GM aurait dû non seulement se séparer de toute une série de spécialistes qui formaient un peu "l'âme de la boîte" mais en plus se fâcher très fort avec sa force de vente. Les pétroliers ont "aidé" à prendre une décision qui était déjà dans les cartes.
Ces arguments internes au constructeur tendent à prouver que le VE ne sera jamais le fer de lance des constructeurs traditionnels et que son développement viendra de nouveaux entrants.
La VE s'est développée en Californie, terre de technologie et de pollution. On peut légitimement penser que la suite viendra d'un autre grand industriel pollueur, la Chine.
L'Europe vieillissante et sans le sou ne jouera pas un rôle majeur, ni l'Allemagne, ni a fortiori la France.
Au moins le monde pourra-t-il mieux respirer...
Oui le monde change très vite entre un des actionnaires du golf Persique qui conseille très fortement WW de mettre l'accélérateur sur l'électrique au US où encore un hedge fund qui conseil au pétrolier de se dépêcher de vendre leur petrole avant que plus personnes ne veulent de ses produits.
http://www.aveq.ca/actualiteacutes/exploitez-le-petrole-maintenant-car-les-vehicules-electriques-arrivent
Il y a la prochaine voiture du Hyudai la Ioniq qui va sortir en fin 2016 qui risque de remporté le jackpot:
http://www.moteurnature.com/actu/uneactu.php?news_id=28162
Excellent article! Et l'on voit que cette auto, très évoluée, n'est aujourd'hui dépassée que sur les seules batteries.
GM, Kodak .. les boites bureaucratiques et arc boutées sur leurs monopoles de fait
n'oublions pas EDT et ses centrales nuke obsolètes , enfin quand elle fonctionne hein (EPR ?)
à suivre ...
Interessant tous ces commentaires.
Nous roulons au foyer depuis 3 ans et demi avec une iOn et une Leaf. Nous rechargeons tous les soirs avec les cables d'origine, un en 16A et un en 10A. J'ai câblé es prises d'exterieur classique avec du 4mm2. J'ai un abonnement 6kw et nous n'avons aucun probleme d'echauffement sur les prises. C'est tres fiable. Je charge et je vide ma ion chaque 6 jours par semaine depuis plus de trois ans. Je perdu un peu moins de 10% d'autonomie Sur les deux voitures. La loc de batterie nous auraient coutées plus cher plus la limitation de kilometre. Donc en clair l'experience montre que le cable cro et une prise classique suffit meme a 16A si elle est cable correctement. Et le possession de la batterie est la solution la moins couteuse pour une utilisation quotidienne.
Bonne route
4 mm2, c'est confortable... je charge tous les jours à 10 A avec du 1,5 mm2 depuis 3 ans et demi : aucun problème!
Pour tout dire, il n'y a que 3 m entre la prise de recharge de ma C zéro et le tableau électrique : pas trop de risque de surchauffe. Si vous avez une distance vraiment plus grande, vous auriez pu vous contentez de mettre du 2,5 mm2.
En 3 ans et demi et 45 000 km, je n'ai pas encore vraiment remarqué de différence d'autonomie. Une petite baisse en ce moment cependant : c'est l'hiver, la température est plus basse, c'est moins bien pour les batteries, il faut mettre un peu de chauffage pour la buée et le confort, j'ai monté des pneus un peu plus large à l'avant. Malgré ces points négatifs pour l'autonomie, ma perte n'est à vue de nez que de 5% environ ( sur mon trajet quotidien, je perds ma première barre à l'indicateur de charge 500 m plus tôt sur 10 km).
Ok, même si cela marche en 1,5 carré, cette section est normalement pour l'éclairage ! Cela ne coute pas plus cher de prendre du 2,5 carré, d'autant que le clipssage dans la prise est prévu pour cette taille.
Moi non plus je ne constate pas de perte d'autonomie et donc les c-zero sont rentabilisées depuis longtemps. Alors quand on me dit que les VE c'est pour les riches...cela me fait bondir.
"Alors quand on me dit que les VE c’est pour les riches…cela me fait bondir."
C'est assez vrai pour le cas des triplettes, du moins en occase en France, mais elle nécessitera assez souvent la possession d'une 2ème voiture (thermique ou hybride) pour les trajets plus longs et ça, tout le monde ne peut se le permettre.
Merci Stéphane, je ne suis pas seul à avoir cette vision de l'électromobilité. Soit dit en passant, le cable 4mm carré n'existe plus selon la norme, au delà de 30m de distance, il faut passer en 6 carré, sinon 2,5 carré suffit !
Vous ne trouvez pas incroyable que Renault ait nommé CROccasionel un cable dont se servent tous les jours tous les autres constructeurs de VE ?
Cela devrait s'appeler CIRMZU (Cable Indispensable mais à Rendement Mauvais sur Zoé Uniquement)
J'aime bcp le concept embryonnaire de recharge par induction ... avec branchement par câble !
Oui intéressant l'induction par câble :) Ca évite les risques liées à une prise, évite la mise à la terre de la VE. Mais par contre étonnant qu'ils arrivaient à recharger quand même en 8h, l'induction doit être moins efficient qu'une prise. Et puis ça doit prendre plus de place dans le véhicule. Bref doit y avoir une raison.
Oui la XL1 de VW lui ressemble esthétiquement (Cx oblige) mais plus grand chose à voir.
Bref très sympa cet "ivi one" (comme disent les américains), ancêtre du VE (mais qui est loin d'en être un dinosaure).
C'est cela qui est marrant avec la technologie, c'est que certaines fois, la raison est idiote...parce qu'un chef a dit un jour "Il faut de l'induction" et que l'ingénieur n'a pas osé lui dire "pourquoi brancher ?"