La citadine électrique du Lion est-elle aussi efficace en ville, sur les petites routes que sur les voies rapides ? Nous l’avons testée entre Paris et Grenoble sur un trajet de près de 600 km via un itinéraire exclusivement autoroutier. Un parcours que la Peugeot e-208 a réalisé sans broncher malgré une vitesse élevée et des recharges rapides successives.

Les premiers propriétaires de la Peugeot e-208 doivent être frustrés. A peine livrés, ils ne peuvent profiter de leur nouveau véhicule en plein confinement. Ceux qui ne l’ont pas encore reçue devront prendre leur mal en patience, la production et distribution étant suspendus jusqu’à nouvel ordre. En attendant, nous vous embarquons dans un essai longue distance de la citadine électrique. Un trajet de 591 km entre la banlieue parisienne et Grenoble intégralement réalisé sur autoroute.

Avec une batterie de 50 kWh (46 kWh utiles), une puissance de recharge DC de 100 kW et un moteur de 136 ch, la Peugeot e-208 semble avoir les épaules pour boucler l’itinéraire sans encombres. A bord, l’espace nous paraît cependant moins propice aux longs trajets. Le volant, réglable en hauteur comme en profondeur, reste trop bas et frotte contre les genoux. Les montants de portières sont épais et l’accoudoir un peu court, laissant les avant-bras dans l’embarras. Enfin, l’effet baquet du siège comprime légèrement le buste. Un inconfort en partie causé par notre gabarit et notre taille, supérieure à 1,90 m. Heureusement, le crâne ne touche pas le ciel de toit.

Instrumentation technologique mais imprécise

A noter que l’habitabilité de la e-208 est identique aux versions thermiques de la citadine. Le coffre conserve ainsi sa capacité de 311 litres. Sur la banquette arrière, l’espace disponible est tout aussi limité qu’à l’avant. Le passagers devront espérer ne pas voyager avec des voisins trop costauds. Celui du milieu devra composer avec un petit tunnel central gênant pour les pieds. Un étonnant élément saillant que certains constructeurs parviennent pourtant à éviter. Il est présent aussi bien sur la version électrique que thermique de la nouvelle 208.

L’instrumentation à l’esthétique moderne compense un minimum. Jamais obstrué par le volant, le tableau de bord i-cockpit 3D affiche clairement les informations essentielles et peut être facilement configuré. A droite, l’écran d’infodivertissement 10 pouces (de série sur les finitions GT Line et GT, 7 pouces pour les autres) relaye une image de bonne qualité. La connexion à Android Auto via un smartphone est rapide, c’est l’idéal pour afficher son propre GPS et accéder à ses musiques. Orienté vers le conducteur, sa lecture est pratique et il réagit rapidement au doigt. Le système pourrait être parfait s’il ne manquait pas de précision dans les données affichées.

La jauge de batterie n’exprime pas la capacité restante en pourcentage et l’autonomie indiquée évolue brutalement. Nous avons par exemple parcourus une cinquantaine de kilomètres à vitesse élevée avec une estimation d’autonomie verrouillée à 160 km. La consommation moyenne fluctue également selon un mode de calcul difficile à saisir : elle chute soudainement lorsqu’on est à l’arrêt sans éteindre le véhicule.

En cours de charge, la puissance exprimée en « km par heure » sur le tableau de bord est peu fiable. Alors que nous étions à pleine puissance sur une borne Ionity, la e-208 affichait seulement 38 km récupérés par heure. Par ailleurs, le véhicule n’indique à aucun moment la puissance de charge en kilowatts (kW). D’autres informations comme la quantité d’énergie récupérée au freinage ne sont pas non plus affichées. C’est flagrant : Peugeot est un novice de l’automobile électrique.

Une électrique bien pensée

Malgré ses défauts, la Peugeot e-208 peut se vanter d’une fiche technique plutôt bien pensée. La batterie lithium-ion, refroidie par circuit liquide, semble parfaitement gérer sa température interne. Nous ne l’avons pas ménagée, avec trois recharges rapides et une vitesse constante assez élevée, entre 110 et 130 km/h sur régulateur. Avec son moteur de 100 kW (136 ch) et 260 Nm de couple instantané, la e-208 offre de vives accélérations qui collent bien au dossier.

Il lui faut 8,9 s pour réaliser le 0 à 100 km/h. Mais attention, pour bénéficier des performances maximales il faut activer le mode « Sport ». Le mode « Normal » que nous utilisons, diminue la puissance de 20 kW sans que la réactivité ne soit sensiblement affectée. En mode « Eco », la perte est de 40 kW, nous ne l’avons pas essayé, ce mode étant plutôt réservé à un usage quotidien, en ville et sur petites routes.

Puissance de recharge moyenne élevée

Partis de Rueil-Malmaison près de Paris avec une batterie pleine, nous marquons un premier arrêt-recharge après une étape de 144 km. A quelques jours du confinement, la circulation très fluide nous permet de rouler aux vitesses maximales autorisées, jusqu’à 130 km/h. Il reste 33% de batterie et la consommation moyenne s’élève à 22 kWh/100 km. L’aire de La Réserve le long de l’A6 est équipée d’une station de recharge ultra-rapide Ionity. Branchée, la e-208 charge à une puissance moyenne de 76,5 kW sur les cinq premières minutes. Elle chute au fil du plein pour s’établir à environ 40 kW en fin de recharge. Nous repartons à 89% de batterie après avoir récupéré 27,4 kWh en 42 minutes. Via le Chargemap Pass nous avons payé 24,08 euros, un tarif assez salé depuis la mise à jour des tarifs du réseau Ionity.

La seconde étape est monotone, l’autoroute clairsemée permet de tester confortablement les aides à la conduite. La Peugeot e-208 embarque un régulateur de vitesse adaptatif et une assistance au maintien dans la voie. Cette dernière fait office de filet de sécurité en cas de brève inattention mais elle manque de stabilité. La citadine bute constamment d’une ligne à l’autre et l’aide se désactive rapidement après une dizaine de secondes d’inactivité. Nous n’avons pas pu tester le régulateur adaptatif : faute de trouver la commande adéquate pour l’activer, nous nous sommes contentés de la simple fonction de maintien de vitesse.

Un freinage régénératif renforcé inachevé

Les quelques descentes sont l’occasion de mettre à contribution le mode « B » proposé par la e-208. Il s’active sur le sélecteur de vitesse et permet d’accentuer le freinage régénératif. En clair, lorsqu’on lève le pied de la pédale d’accélération, la voiture décélère plus rapidement et récupère davantage d’énergie dans la batterie. Mais n’espérez pas conduire à une seule pédale, le système est faiblard et ne peut pas être configuré. Il n’y a qu’un seul niveau de freinage, un peu léger pour ralentir significativement le véhicule sur une pente à vitesse élevée.

Après 142 km (286 km depuis Paris) parcourus entre 120 et 130 km/h, il reste 20% de batterie. Nous rechargeons sur l’une des rares bornes du réseau Corri-Door encore en service, à Pouilly-en-Auxois en léger retrait de l’autoroute. Il s’agit d’un chargeur DBT promettant jusqu’à 50 kW en DC via le connecteur Combo CCS. En réalité, la puissance n’a jamais dépassé 37 kW au cours de la session. Dans la voiture, nous tuons le temps grâce aux divertissements proposés par Android Auto via notre smartphone. Le système de climatisation fonctionne parfaitement pendant la recharge, un détail particulièrement important lorsqu’elle s’éternise. Cette fois, elle a duré 1h04 pour 34,8 kWh récupérés. Nous quittons la station le portefeuille allégé de 17,26 euros.

Plus de 200 km d’autonomie à 110 km/h

A 130 km/h constants, nous roulons sur 112 km jusqu’au dernier arrêt-recharge de notre voyage. A l’arrivée, l’ordinateur de bord indique 60 km d’autonomie restante et la borne Ionity de l’aire de Mâcon Saint-Albain affiche 34% de batterie. La prochaine et dernière étape avant Grenoble est longue (201 km), il faut donc faire un plein quasi complet. De 66 kW sur les 13 premières minutes, la puissance moyenne se stabilise à 31,5 kW sur l’ensemble de la session. Nous partons avec 95% de batterie au terme de 57 minutes de recharge et 29,9 kWh récupérés pour un montant de 25,80 euros.

Pour parcourir les 201 km restants d’une traite, nous devons réduire l’allure à 110 km/h. De nombreux tronçons d’autoroute sont d’ailleurs limités à cette vitesse entre Mâcon et Grenoble. Le soleil se couche, et au fur et à mesure que la lumière décline, l’intérieur de la e-208 se pare d’une ambiance lumineuse bleutée. L’atmosphère est reposante, propice à la conduite nocturne. En approchant Grenoble, l’autonomie se compte en quelques dizaines de kilomètres. L’ordinateur de bord met en garde sans affoler lorsqu’on passe sous les 50 km et un petit logo de batterie orange reste affiché. En roulant entre 30 et 50 km/h pour traverser la ville, l’autonomie se fige finalement. Nous arrivons à l’hôtel avec 24 km restants et une jauge de batterie dans le rouge, à certainement moins de 10 %.

Bilan

Au final, la Peugeot e-208 a bouclé les 591 km du trajet en 9 heures sans rencontrer le moindre problème. Un bon point, tant nous avons expérimenté de déboires lors de précédents essais longue distance en voiture électrique. Le temps de charge total est relativement long : près de trois heures, mais finalement acceptable pour un trajet exceptionnel. Plus difficile à digérer : le coût des recharges, qui s’élève à 67,14 euros pour un peu moins de 93 kWh récupérés. Depuis le changement de la politique tarifaire du réseau Ionity, les prix ont explosés pour les utilisateurs ne disposant pas d’une formule préférentielle (via un constructeur partenaire par exemple).

Coût de la recharge

Il en coûte 0,79 € le kWh en payant via l’application Ionity et 0,86 €/kWh en utilisant le Chargemap Pass, l’un des badges d’opérateur de mobilité acceptés sur Ionity. Nous avons choisi cette dernière solution pour le service offert : s’il est plus cher, il permet de recharger sur des milliers de bornes partout en Europe avec un badge et une facturation unique. Le prix extrêmement élevé de la recharge sur autoroute ne permet plus d’avantager les véhicules électriques face aux thermiques lors de longs trajets. Un choix étonnant des gestionnaires, au moment où le marché de l’électrique est toujours embryonnaire et très dépendant des subventions. Le groupe PSA aurait d’ailleurs tout intérêt à créer ou rejoindre un consortium sur la recharge rapide. Il ne suffit pas de fabriquer des voitures électriques pour contribuer à leur essor.

Performances de recharge

Au-delà des tarifs, la Peugeot e-208 affiche des performances de recharge correctes. Branchée sur une borne Ionity, elle exige 35 minutes pour passer de 10 à 80 %, quasiment comme annoncé par le constructeur. La puissance moyenne de charge sur cette plage de batterie est de 60 kW, le pic maximal de 100 kW est maintenu pendant moins de 5 minutes. Peugeot doit encore travailler sur la capacité de ses accumulateurs à conserver une puissance de charge très élevée sur une plus longue durée. Mais restons raisonnables, c’est un bon début pour un premier véhicule électrique de grande série.

Consommation et autonomie

A vitesse élevée, la consommation n’est pas extravagante puisqu’elle est restée inférieure à 22 kWh/100 km sur la totalité du trajet. Nous avons principalement roulé entre 110 et 130 km/h en utilisant massivement le régulateur. La vitesse moyenne s’élève à 94,1 km/h du fait des pauses (hors recharges), sections d’autoroute en travaux et traversées de zones urbaines. D’après notre expérience, on peut donc compter sur environ 150 km d’autonomie « pratique » à 130 km/h, en conservant une marge de sécurité à l’arrivée. En indiquant une autonomie souvent pessimiste, le tableau de bord nous incite d’ailleurs à rester prudents. A 110 km/h, l’autonomie est comprise entre 200 et 230 km. Les 340 km WLTP vantés sur les publicités de la e-208 sont très probablement réalisables sur petites routes à une vitesse stable de 80 km/h.

Prix

Si vous devez régulièrement boucler de très longs trajets, la Peugeot e-208 n’est pas le véhicule électrique le plus adapté à vos besoins. Mais pour l’immense majorité des automobilistes, la citadine du lion peut convenir. Avec de la patience, les voyages longs peuvent exceptionnellement être envisagés. Reste à disposer d’une prise ou borne de recharge chez soi. La e-208 peut charger à domicile et sur les petites bornes publiques en courant alternatif (AC) jusqu’à 7 kW de série et 11 kW en option, facturée 300 euros.

Il faut aussi pouvoir débourser au moins 26.100 euros à l’achat. C’est le prix, bonus écologique de 6000 euros déduit, de la Peugeot e-208 e-active d’entrée de gamme. En finition GT, le tarif culmine à 31.100 euros bonus déduit. L’électrique reste donc toujours plus cher à l’achat que l’équivalent thermique (20.600 euros pour une 208 Active, essence 100 ch, boîte automatique). Un surcoût vite rattrapé par les économies à l’usage si l’on recharge chez soi à bon prix et que l’on est un gros rouleur.

On a aimé
    • Le design extérieur, qui affirme son caractère.
    • L’esthétique très technologique de l’instrumentation.
    • Les performances de recharge DC jusqu’à 80 %.
    • La puissance du moteur, ajustable via les 3 modes de conduite.
    • La maîtrise de la consommation.
    • Le fait de n’avoir rencontré aucun dysfonctionnement majeur.


On a moins aimé
  • Le confort restreint à bord pour les grands gabarits.
  • Les bugs et imprécisions des informations affichées sur le tableau de bord (estimation d’autonomie fluctuant brutalement, vitesse de recharge en km/h erronée, consommation moyenne inexacte).
  • Le manque d’informations affichées sur le tableau de bord (pourcentage de batterie, puissance en kW).
  • Le tunnel central, gênant pour le « passager du milieu ».
  • L’absence de sous-coffre capable de loger au moins un câble de recharge.
  • L’absence d’implication de Peugeot et de sa maison-mère PSA dans l’infrastructure de recharge rapide.

Les données du trajet

Distance parcourue 591 km
Durée totale du trajet 9h
Durée des recharges 2h43
Nombre d’arrêts-recharges 3
Coût des recharges 67,14 €
Énergie récupérée lors des recharges 92,9 kWh
Consommation moyenne 20-22 kWh/100 km
Vitesse moyenne hors recharges 94,1 km/h
Vitesse moyenne recharges comprises 65,7 km/h

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