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Fréquenter les bourses d’échanges en véhicules anciens peut être l’occasion de faire de belles découvertes. Ainsi, à celle qui se tenait dimanche dernier 30 octobre 2016 à Saint-Brieuc (22), on pouvait repartir contre 10 euros seulement avec la plaquette commerciale de l’Electra type PFA de Pierre Faure, imprimée en 1941.
C’est avec les tout premiers jours de 1940 et la signature de l’armistice que commence l’occupation allemande de la France. Se nourrir, se vêtir, se divertir, se déplacer, etc. : tout cela va devenir un problème.
Nous avions déjà présenté sur Automobile Propre quelques modèles électriques produits pendant cette période sombre de notre histoire, dont la VLV présentée par Peugeot en mai 1941, et cette La Licorne Mildé-Kriéger type AEK commercialisée la même année.
Aux Ateliers Louis Breguet, la construction des avions est stoppée nette. Le pays a annulé avec l’occupation ses commandes pour les engins militaires volants et l’aviation civile est clouée au sol. Avec des perspectives à courte vue, l’entreprise se lance dans la réalisation de voitures électriques : les types A1 et A2.
La première voit le jour en 1940. Au même moment, un ancien de chez Breguet présente sa propre vision d’un tel véhicule, avec l’Electra. Les similitudes sont nombreuses, très nombreuses même, entre les 2 véhicules, à commencer par une même ligne fuyante vers l’arrière évoquant l’aéronautique, avec des roues carénées à cet endroit et des feux avant dissimulés derrière les deux portes du museau.
Sur la première page de la brochure, en plus de la photo de la voiture dont le nom n’est mentionné nulle part, – juste la marque Pierre Faure -, on trouve les principales caractéristiques de l’Electra : une vitesse de 40 km/h (contre 30 pour la Peugeot VLV), une autonomie de 75 kilomètres, la recharge possible pendant le nuit (!?), un redresseur embarqué pour effectuer l’opération depuis une prise de courant, et un poids à vide de 550 kilos.
Pour attirer le chaland, la plaquette met en évidence les 2 mots « Silence » et « Simplicité ». A noter qu’une formule a été ajoutée à la machine à écrire après coup : « Demande de licence d’achat obligatoire ».
A l’intérieur, en complément, la phrase « Actuellement un permis de circuler pour le véhicule électrique est délivré sans délai par les autorités » est barrée. Ces 2 retouches témoignent des ajustements réalisés au niveau de l’Etat pour limiter la circulation des engins motorisés sous l’occupation.
Sur une voiture électrique, les accumulateurs jouent, on le sait, un rôle primordial. Ce point semble avoir été particulièrement soigné par Pierre Faure, au moins au niveau de la communication qui les entourent.
L’Electra en embarque 6, tous placés à l’avant et reliés en série, pour une capacité totale de 100 Ah sous une tension de 72 V (contre 83 Ah sous 48 V pour la Peugeot VLV).
« L’amalgame de plomb a été spécialement étudié pour permettre une décharge suffisamment rapide (la voiture pouvant décharger les accumulateurs en marche continue, sans une trop grande diminution de rendement) et conserver, par ailleurs, aux batteries une vie suffisante de l’ordre de dix-huit mois », peut-on lire sur le document en notre possession.
Il précise qu’en cas d’affaiblissement, « il suffit de faire changer les plaques positives pour assurer aux accumulateurs une vie nouvelle de même durée ».
D’après le prospectus, le rayon d’action de 70-80 kilomètres, « selon le profil du parcours et le nombre de démarrages, si la charge a été faite dans de bonnes conditions », ne s’obtient qu’après avoir réalisé de 20 à 30 recharges complètes.
En attendant, l’autonomie ne serait que de 55 km environ. Après la phase d’« entraînement », Pierre Faure rappelle qu’il est possible d’effectuer des recharges intermédiaires, sur le temps du déjeuner, par exemple. Il chiffre à environ 8 km de rayon d’action retrouvé par heure branchée, en 110 V 8 A. Pour l’opération complète, il faut compter 12 heures. Mais il est possible de régler le redresseur en 7 A, afin de préserver les batteries, en contrepartie de deux heures supplémentaires d’immobilisation. Plus doux encore, « si la voiture n’a parcouru que 30 km dans la journée, par exemple, et que l’on dispose de 12 heures pour recharger la voiture, le débit sera réglé à 3 ampères environ », précise le plaquette de l’Electra.
A l’époque de la Seconde Guerre mondiale, les véhicules électriques n’embarquent encore que rarement leur chargeur.
Ce qu’illustre l’argumentaire publicitaire pour l’Electra : « Jusqu’à ce jour des transformateurs d’un grand poids et d’un prix très élevé étaient employés, rendant la voiture tributaire de son lieu de recharge. Pierre Faure a travaillé le sujet, avec un appareil de dimension réduite à brancher sur une prise de courant en 110 V, – compteur de 10 A requis, et de 15 A recommandé -, selon les standards de l’époque. Mais il est possible de recharger en 220 V, en s’équipant en supplément d’un petit transformateur à placer entre le véhicule et le secteur. Pour un ravitaillement complet des accumulateurs, la consommation est de 15 kW, coûtant 6 francs au tarif de nuit, quand le litre d’essence est à 5 francs.
La plaquette commerciale ne précise pas le poids des batteries, mais curieusement elle n’oublie pas celui du moteur : 30 kilos, sur les 550 de l’engin à vide.
Installé à l’arrière, il est alimenté par les accumulateurs sous 2 intensités différentes, afin de transmettre aux 2 roues arrière, via une chaîne, 2 vitesses d’évolution activable par un petit levier : respectivement 15 et 40 km/h environ (à noter la présence d’une marche arrière). Cette astuce, courante en électromobilité des temps jadis, aide à faire partir l’Electra plus ou moins progressivement. Le document n’hésite d’ailleurs pas à évoquer « un démarrage doux » ! Pas selon nos standards actuels, on s’en doute ! Plus loin, on peut lire : « Une côté de 7% est montée à 18 km/h ». Il est toutefois préconisé de ne pas dépasser les 10%, sous peine de détériorer l’appareil.
Le moteur nécessite un entretien à 2 niveaux : quelques gouttes d’huile régulièrement sur les roulements à billes, et une vérification des charbons du collecteur tous les 3 ou 4 mois. Si le graissage est oublié depuis longtemps sur le moteur des voitures électriques, le remplacement des charbons et leur surveillance, eux, étaient encore d’actualité sur les PSA branchées produites quelques années avant et après le passage au XXIe siècle.
Outre le petit sélecteur de vitesses, la chiche boîte des commandes comporte un ampèremètre, un compteur kilométrique, un commutateur d’éclairage et le verrouillage du contact. C’est une classique pédale qui permet de freiner, activant les garnitures Lockheed placées sur les roues avant. Un frein à ruban, relié à l’essieu et commandé par un levier à main, immobilise la voiture à l’arrêt.
Une poutre en acier de section rectangulaire fait office de pièce maîtresse du châssis. A l’avant, elle soutient les batteries et un ressort transversal qui reçoit 2 roues. A l’arrière, deux ressorts cantilever sont solidaires d’un axe qui supporte une flasque sur laquelle sont fixés le moteur et les deux autres roues écartées de seulement 48 cm. Ainsi l’Electra se passe de différentiel et bénéficie d’une résistance à l’avancement grandement diminuée grâce, également, à un profilage optimum de sa carrosserie (3,20 x 1,33 m).
Pour supporter cette dernière, « deux cornières sont fixées de chaque côté de la poutre et leurs extrémités reçoivent les montants avant et arrière des portières » explique la plaquette commerciale.
Toujours avec l’objectif de réduire le nombre de pièces embarquées, et donc de limiter au maximum le poids pour une meilleure autonomie, les roues sont d’un petit diamètre de 44 cm.
« Ce qui évite une démultiplication trop grande de l’entraînement par le moteur », justifie l’argumentaire. Il est possible de jouer encore favorablement sur la balance, en équipant l’Electra, en option (450 francs), de jantes en magnésium.
Pour 225 francs de mieux, pourquoi ne pas renforcer la sécurité en ajoutant un indicateur lumineux de direction ? En série, en plus des équipements déjà listés à même le boîtier des commandes, l’engin reçoit un essuie-glace fixé en haut du toit, 2 phares route-code-ville, un rétroviseur, un avertisseur sonore, une serrure de sureté, un plafonnier d’éclairage, une lanterne arrière pour la plaque de police, et un jeu d’outils (cric, démonte-roues, clefs pour sortir le moteur).
Le modèle standard de l’Electra, tarifé 35.000 francs, compte 2 places, avec la possibilité de recevoir une troisième personne en cas de besoins très ponctuels. Tout à l’arrière, un emplacement accessible depuis l’intérieur permet d’embarquer quelques bagages. Pour transporter 3 personnes régulièrement, il existe une version avec un siège à l’avant et une banquette à l’arrière. La brochure la réserve aux propriétaires véhiculés par un chauffeur.
Le surpoids de l’équipement grève l’autonomie de 20% environ et plombe le prix de 5.000 francs supplémentaires (40.000 francs au total, hors options). Disposant d’une porte latérale coulissante, l’utilitaire 200 kilos est facturé 39.000 francs.
La plaquette commerciale présente un modèle de luxe avec une carrosserie en duralinox signée Million-Guiet, sellier et carrossier prisé depuis 1852. Pourtant, dans l’encadré des prix (42.000 francs), sa ligne est barrée. En dessous, une autre est tapée à la machine à écrire, où il est question d’une « voiture demi-luxe » à 40.000 francs sans autre détail. La suppression du modèle luxe s’explique tout simplement par la disparition du carrossier Million-Guiet en 1943.
Sur la plaquette commerciale, on apprend que le délai de livraison d’une Electra de Pierre Faure est de 2 mois environ, à partir du moment où le tiers de la facture a été réglé ; solde à la livraison à l’usine de Vitry-sur-Seine (94).
La voiture, garantie 6 mois, est vendue avec une assurance qui court pendant un an et protège contre les accidents aux tiers pour une couverture de 300.000 francs au maximum.
Si trouver la plaquette commerciale de l’Electra à seulement 10 euros dans une bourse d’échanges est une aubaine, tenter d’acheter la voiture est tout simplement ruineux.
En 2014, la maison de ventes aux enchères Artcurial en a vu passer une. Estimé entre 15.000 et 25.000 euros, l’engin, en très bon état de conservation mais non roulant, a été adjugé à 49.880 euros !
Le catalogue de la session précisait que seulement une vingtaine d’exemplaires de cette voiture électrique ont été produits, dont cette numéro 16 sortie de grange et à l’historique connu. De couleur rouge, elle était équipée des roues au magnésium au moment de sa mise en vente. Nous n’en avons pas retrouvé la trace sur le Web !
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