AccueilArticlesLes voitures thermiques sont-elles le dernier avantage de l'Europe face à la Chine ?

Les voitures thermiques sont-elles le dernier avantage de l'Europe face à la Chine ?

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Le lobby automobile allemand (VDA) vient de présenter une proposition pour inciter les autorités européennes à assouplir les règles sur la fin du thermique en 2035. L’association tente de profiter de la faille ouverte avec les « flexibilités » accordées aux constructeurs automobiles sur les normes CO2. « Donnez-leur un doigt, ils prendront le bras », a réagi l’ONG Transport & Environment.

L’Allemagne ne veut pas abandonner le thermique

Depuis le vote de 2022 à propos de l’interdiction de la vente de voitures thermiques neuves à partir de 2035, l’Europe s’est officiellement engagée sur une voie claire : celle de l’électrification massive du parc automobile. Il s’agit au passage d’un élément central du « Green Deal » européen. Malgré la montée en puissance de l’électrique et le maillage des territoires avec les infrastructures de recharge nécessaires à une démocratisation, les résistances ne faiblissent pas. Notamment du côté de l’Allemagne.

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La proposition formulée par l’Association allemande de l’industrie automobile (VDA) entend revenir sur cette interdiction en autorisant jusqu’à 10 % de ventes de véhicules thermiques au-delà de 2035. Le lobby évoque « une réduction de 90 % des émissions de CO2 pour les nouveaux véhicules », plutôt qu’un abandon total du moteur à combustion interne. Une suggestion qui, selon ses détracteurs, pourrait faire voler en éclats l’équilibre fragile trouvé par l’Europe après d’intenses négociations.

Le dernier avantage concurrentiel de l’Europe ?

Derrière cet appel à la flexibilité, la VDA avance un argument stratégique qui risque d’en laisser certains perplexes. Les moteurs thermiques représenteraient un « avantage concurrentiel européen » face à la montée en puissance des constructeurs chinois sur le marché des véhicules électriques. On comprend donc que pour l’industrie allemande, pays considéré comme le berceau de l’auto, préserver une expertise historique serait un levier pour ne pas perdre définitivement la main sur l’industrie automobile mondiale.

Logiquement, cette position divise et ne fait clairement pas l’unanimité. Plusieurs voix, y compris dans l’industrie, refusent de remettre en cause la feuille de route de 2035. Volvo a notamment exprimé son désaccord avec l’assouplissement des règles de 2025 et souhaite que l’interdiction des ventes thermiques soit maintenue. Certains diront que la marque est désormais plus chinoise que suédoise. Mais quand même, Volvo pense que c’est une mauvaise idée « d’entretenir des zones grises réglementaires ».

Le débat initié par la VDA a carrément pris une tournure politique. Si une partie des conservateurs allemands et eurodéputés de droite appellent à réviser la norme de 2035, des membres de la coalition au pouvoir à Berlin, comme Isabel Cademartori (SPD), ont exprimé leur surprise et leur désaccord avec cette ligne. L’équilibre est délicat dans un pays où l’automobile reste un pilier économique, mais où les attentes environnementales de l’électorat pèsent de plus en plus lourd dans les urnes.

Une proposition à 1,4 milliard de tonnes de CO2

En parallèle, plusieurs associations écologistes ont alerté sur les conséquences d’un éventuel retour en arrière. Selon Transport & Environment, si la proposition de la VDA était acceptée, cela entraînerait « jusqu’à 1,4 milliard de tonnes de CO2 supplémentaires d’ici 2050 », soit une hausse de 31 % par rapport à l’objectif initial. Pour Julia Poliscanova, responsable de la mobilité chez T&E, « cette tentative n’est pas une solution pragmatique, mais une opération de lobbying destinée à retarder la transition ».

Un point particulièrement contesté concerne les carburants synthétiques et biocarburants. Le lobby allemand les présente comme des alternatives crédibles pour réduire les émissions tout en conservant des moteurs thermiques. Mais leur coût élevé, leur faible disponibilité et leur rendement énergétique limité en font, selon les ONG, « une illusion technologique ». Pour Michael Bloss, eurodéputé écologiste, ces solutions sont « des astuces douteuses qui risquent surtout de piéger les consommateurs ».

Les conditions pour la transition sont là

Par ailleurs, la proposition de la VDA va à rebours de la réalité du terrain. La transition vers l’électrique semble enfin prendre de la vitesse. Après une année 2024 marquée par un ralentissement, les ventes de véhicules électriques ont bondi de 23,9 % en Europe au premier trimestre 2025. Et même de 43 % en Allemagne. Ce redémarrage alimente l’optimisme des défenseurs de l’électrification. Avec la baisse des prix des modèles, ils estiment que les conditions du changement commencent à se réunir.

Reste une incertitude majeure : celle de la souveraineté industrielle. Grâce à des modèles de qualité et à des tarifs souvent intéressants, les constructeurs chinois, BYD en tête, progressent rapidement sur le Vieux continent. Les observateurs craignent que l’électrification ne se fasse au détriment de l’emploi et du savoir-faire européen. Et c’est là tout le problème. D’où la tentation, pour une partie de l’industrie, de prolonger la vie du thermique, seul terrain encore clairement dominé par les firmes européennes.

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La stratégie qui consiste à vouloir conserver le moteur à combustion interne pourrait s’avérer contre-productive. En ralentissant la transition, l’Europe prendrait le risque de retarder les investissements dans les technologies des batteries, le recyclage, les chaînes d’approvisionnement et les plateformes logicielles embarquées. Tout ce dont notre marché a besoin pour rattraper son retard. Si tant est qu’il ne soit pas trop tard. Or, ce sont précisément ces éléments qui détermineront la compétitivité automobile de demain.

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