AccueilArticlesLeapmotor : l’étonnant pari de Stellantis est-il en train de réussir ?

Leapmotor : l’étonnant pari de Stellantis est-il en train de réussir ?

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Autonomie du Leapmotor C10 REEV
Autonomie du Leapmotor C10 REEV

Leapmotor, la marque chinoise commercialisée en Europe par Stellantis fait son trou à bas bruit.

« En ce moment, j’ai des cernes ». Raphaëlle Holderith a été chargée par Stellantis d’implanter la marque chinoise Leapmotor sur le territoire français. Et ce n’est pas une mission de tout repos, nous assure-t-elle par visioconférence avant la pause estivale.

Au cours des douze derniers mois, elle a notamment supervisé le lancement de deux modèles et l’émergence d’un réseau de plus de 120 points de vente dans l’Hexagone.

Rappel des épisodes précédents

À l’automne 2023, Carlos Tavares, alors patron de Stellantis, avait ciselé un accord d’un genre nouveau. Le groupe franco-italo-américain acquérait 20 % du constructeur chinois Leapmotor pour 1,5 milliard d’euros. En parallèle, il fondait avec lui une coentreprise nommée Leapmotor International (LMI). Son but : commercialiser les modèles de la jeune marque hors de Chine en utilisant l’enracinement historique de Stellantis.

Rappelons ici qu’avant ce deal, la Leapmotor T03 avait déjà été brièvement commercialisée en France par SN Diffusion, avec une cinquantaine de points de ventes.

Un an après la relance de Leapmotor en France sous le patronage de Stellantis, dressons avec Raphaëlle Holderith un premier point d’étape : « Nous avons immatriculé environ 1 500 voitures au premier semestre. Il s’agit à plus de 80 % de la T03 ».

Ce que disent les chiffres :

  • Environ 1 500 immatriculations en France au 1ᵉʳ semestre…
  • … placent donc Leapmotor devant Mitsubishi, Smart, Lancia ou Abarth. Et à peu près au même niveau que Xpeng.
  • 6 449 immatriculations en Europe entre janvier et mai… soit presque la moitié des immatriculations de DS qui compte plus de 10 ans d’activité

Un premier résultat encourageant, certes, mais qui représente moins de 1% des mises à la route du groupe Stellantis dans l’Hexagone ou sur le continent.

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Toutes sortes de clients

Qui sont les acheteurs de Leapmotor ? Pour l’instant et en attendant la consolidation d’un vrai service B2B, il s’agit très majoritairement de particuliers intéressés par la citadine dodue. « Il est difficile de faire un portrait-robot, car notre clientèle est très hétérogène, admet Raphaëlle Holderith. Cela va d’une première voiture après le bac à des personnes âgées de 80 ans. Nous avions misé sur un public plutôt jeune, technophile, mais c’est finalement beaucoup plus varié ».

La responsable nous glisse qu’on y trouve évidemment des orphelins et orphelines du segment A, délaissé ces dernières années par le gros des constructeurs. Mais aussi d’anciens adeptes de la Dacia Spring.

La gamme Leapmotor : 

Leapmotor T03

  • Citadine (3,62 m)
  • 95 ch / 37,3 kWh / 265 km WLTP
  • À partir de 16 900 euros
Notre essai de la Leapmotor T03

Leapmotor C10 EV

  • SUV-D (4,74 m)
  • 218 ch / 70 kWh / 420 km WLTP
  • À partir de 37 400 euros
Notre essai du Leapmotor C10

Leapmotor C10 REEV (prononcez : « rêve »)

  • SUV-D (4,74 m)
  • 215 ch / 28 kWh / 145 km WLTP en 100 % électrique
  • Générateur thermique : 4-cylindres en ligne, 1,5-litre, 95 ch
  • À partir de 37 400 euros
Notre essai du Leapmotor C10 REEV
Leapmotor C10 REEV
Leapmotor C10 REEV

Il arrive : le Leapmotor B10

  • SUV-C (4,52 m)
  • 218 ch / 67 kWh / 510-600 km CLTC
  • Prix à venir (estimation AP : 33 000 euros)
(spécifications chinoises)

En plein REEV

Le démarrage est plus difficile pour le C10, SUV électrique un peu massif pour l’Europe. Il est aussi pénalisé par des capacités de recharge très justes en courant continu avec 80 kW en crête. Mais la sortie du C10 REEV, dotée d’un prolongateur d’autonomie (un « quinze cent » thermique, utilisé comme générateur, ndlr.) pourrait aider à accroître prestement les immatriculations : « l’hybride, en France, c’est un canal qui fonctionne. Sur les dernières semaines, il est en train de prendre le dessus sur le C10 VE », poursuit la directrice. C’est aussi un moyen de démarrer avec les flottes, peu intéressées par la T03.

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L’accueil de la presse spécialisée pour le C10 REEV, lors des essais ce printemps, n’a pas franchement été chaleureux (voir ici, ici ou ). Leapmotor France promet que la plupart des bugs ont été résolus. « Lors des essais, le véhicule n’était pas tout à fait fini, explique la directrice. Le réglage des aides à la conduite, les petits bip-bip, le GPS… C’est réglé. Nous avons des mises à jour OTA régulières. Et l’autonomie de 970 km fait qu’il n’y a plus de charge mentale ».

Un réseau en expansion

La marque n’a pas traîné pour établir son réseau. Dans un premier temps, Leapmotor s’est appuyée sur le réseau « maison » Stellantis&You, mais aussi sur des investisseurs historiques du groupe. « En septembre dernier, nous avions lancé la marque avec 68 points de vente, rappelle Raphaëlle Holderith. Nous avons fini l’année à 98 et nos premiers clients ont été livrés en janvier. A fin juin, nous en étions à 125 points de vente. Cela va se calmer un peu, car le but était d’avoir un maillage avec un point de vente par département ».

À titre de comparaison, Skoda est présent dans l’Hexagone sur 160 sites et MG s’est établi dans un peu plus de 180 espaces. « Au départ, nous avions privilégié notre réseau, mais là, nous commençons à ouvrir à d’autres investisseurs » explique la directrice. Il va tout de même falloir grandir vite : le ratio d’un peu plus de 10 immatriculations par point de vente sur les six premiers mois n’est pas encore suffisant pour justifier investissements et vendeurs dédiés…

Côté entretien, la structure Stellantis a aidé : Distrigo, son distributeur de pièces, possède presque tout en Europe. Les délais n’ont rien de scandaleux.

Exit la Pologne

En septembre dernier, Leapmotor International annonçait que les petites T03 seraient partiellement assemblées dans l’usine Stellantis de Tychy, en Pologne. L’objectif : contourner les droits de douane (31 % pour LMI) et satisfaire aux critères du score environnemental français. Selon les calculs réalisés en interne, cet assemblage final était suffisant pour obtenir le bonus écologique. « Le gouvernement ne nous a jamais répondu, donc nous avons acté que nous n’aurions pas l’éco-bonus », commente Raphaëlle Holderith à propos de cet épisode. D’autres sources évoquent une pause des investissements chinois dans les pays les plus fermes sur les droits de douane… dont la Pologne fait partie. La logistique a été revue : depuis le printemps, les T03 arrivent directement de Jinhua, sautant l’étape polonaise. L’ex-usine Polski se concentre sur son trio de SUV-B : Alfa Romeo Junior, Fiat 600, Jeep Avenger. Mais l’idée d’une production européenne n’est pas abandonnée. L’agence de presse Reuters évoquait en mars un assemblage du B10 en Espagne dès 2026. Réponse dans les prochains mois.

D’ailleurs, quelles infos remontent des showrooms, exposant le plus souvent deux à trois voitures sur une centaine de mètres carrés ? « Au début, ils étaient vraiment surpris par la qualité des véhicules, estime la directrice. Et aujourd’hui, ce qu’ils nous demandent, c’est plus de notoriété ».

Car Leapmotor a encore besoin de se faire connaître. En France, la marque a recruté comme ambassadeurs les frères Alexis et Félix Lebrun, pongistes à lunettes médaillés aux récents jeux olympiques. Des campagnes digitales ou une tournée estivale sont en cours. Leapmotor France effectue aussi ses débuts à la télévision en sponsorisant l’émission Ninja Warrior de TF1.

Le B10 en vue

Avec un peu plus de notoriété, la T03 a encore du potentiel. Leapmotor a immatriculé 4 600 exemplaires en Europe sur les cinq premiers mois de l’année. À comparer aux 15 000 Dacia Spring vendues en Europe à la même période. Mais la marque devra surtout rapidement enrichir son catalogue. L’écart T03/C10 sera prochainement comblé avec l’arrivée du Leapmotor B10, un SUV aux cotes proches des Peugeot e-3008 et Renault Scénic. Après une maquette présentée au Mondial de l’auto 2024, la déclinaison à destination du marché chinois a été révélée en avril, sous les spotlights du salon de Shanghai.

Elle annonce entre 510 et 600 km d’autonomie selon le gentil cycle CNTC, avec des batteries LFP de 56 et 67 kWh. Comptez plutôt 400 km sur le standard WLTP. « Nous ouvrons les commandes en septembre, confirme Raphaëlle Holderith. Les concessions les recevront début octobre ».  On en saura plus sur le produit européen à l’occasion du salon de Munich. Leapmotor représentera Stellantis en Bavière aux côtés d’Opel, tandis que Peugeot ou Fiat n’ont pas jugé bon de se présenter à l’évènement.

Comme pour le C10, une version hybride « range extender » est prévue. Mais cela nous porte au printemps 2026… En attendant, la branche française de Leapmotor espère atteindre 3 000 à 4 000 immatriculations d’ici à la fin de l’exercice. Au-delà, le plan produit prévoit l’arrivée d’une compacte probablement nommée Leapmotor B05, puis un petit SUV format Renault 4.

Bijou

Né sous l’ère Tavares, le projet Leapmotor International se poursuit donc après le départ de son géniteur. Le nouveau patron de Stellantis, Antonio Filosa, n’a pas prévu de jeter l’accord paraphé par son prédécesseur à la corbeille.

À long terme, de grandes ambitions

L’an dernier, lors du lancement de la marque, Leapmotor International nous faisait part d’objectifs ambitieux. La co-entreprise entend écouler 500 000 véhicules par an hors de Chine. Elle table sur le fait que quatre véhicules sur cinq seront distribués en Europe, soit environ 400 000 unités. Ceci placerait Leapmotor dans les mêmes eaux que Ford, Fiat ou Opel/Vauxhall et pas très loin de Dacia.

La branche française de Leapmotor rend des comptes à Stellantis Europe, dont le siège se trouve à Turin (Italie). Notamment à Jean-Philippe Imparato, ancien “Tavares boy” et patron du groupe sur notre continent. Le Gardois croit toujours au projet, malgré les nombreux soucis qui règnent au sein du groupe : « On l’a revu début juillet, on continue, poursuit Raphaëlle Holderith. On nous pousse même encore plus, car nos ventes sont presque à 100 % électriques. Chaque VE immatriculé permet à mes copains d’autres marques de vendre aussi du thermique ».

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Le contexte à prendre en compte est celui des éventuelles pénalités CO2 pesant sur les constructeurs en Europe. Immatriculer une T03 abaisse la moyenne globale du groupe et permet de répondre à la demande des marchés encore peu friands d’électromobilité. Mettons, de vendre des Alfa Romeo Stelvio thermiques en Italie… « Leapmotor est un petit bijou au sein de Stellantis, s’enthousiasme Raphaëlle Holderith. Et le groupe va continuer à le pousser ».

Ça va (beaucoup) mieux en Chine

Leapmotor fait partie des nombreuses start-up nées en Chine avec la transition vers le véhicule électrique. Il y a six ans, la marque a lancé son premier modèle, un surprenant coupé 2+2, sur son propre marché. L’affaire a aussi brûlé beaucoup d’argent dans sa croissance : 720 millions d’euros en 2022, 550 millions en 2023, 360 millions l’an dernier. Mais elle semble sur la bonne voie : Leapmotor a doublé sa production sur le dernier exercice pour atteindre près de 300 000 véhicules sur douze mois. Au premier semestre, la griffe figure au 17e rang du classement de la République populaire (29ᵉ l’an dernier). Elle doit ce bond au succès commercial des C10 qui dépasse les 10 000 unités mensuelles. Li Tengfei, le vice-président de Leapmotor, a annoncé il y a quelques mois que la marque pourrait passer dans le vert pour la première fois cette année. Les investisseurs sont convaincus : la valeur de l’action a triplé en un an.

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