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Aux États-Unis, les sénateurs se sont mis d’accord pour révoquer une dérogation accordée à la Californie il y a plus d’un demi-siècle. L’État de la côte ouest avait gagné le droit d’établir ses propres règles en matière de qualité de l’air. Alors que de nombreux pays adoptent des lois pour mettre fin au thermique, le Sénat américain veut empêcher la Californie d’interdire la vente de véhicules polluants au profit de l’électrique. Mais le gouverneur de l’État du Golden State ne va pas se laisser faire.
Depuis 1967, la Californie bénéficie d’un statut unique aux États-Unis. Grâce à une dérogation spéciale inscrite dans la Clean Air Act, elle peut fixer ses propres normes en matière d’émissions polluantes, souvent plus strictes que celles du gouvernement fédéral. Ce privilège remonte à l’époque où l’État, étouffé par le smog de Los Angeles, avait mis en place des règles pionnières pour améliorer la qualité de l’air. En un demi-siècle, ces normes ont réduit de 98 % les émissions polluantes des véhicules.
À lire aussiCe pays très en avance sur la voiture électrique a toujours des problèmes de pollution de l’airUne réussite saluée par les autorités sanitaires, et même par l’industrie automobile, contrainte mais résiliente. Mais cette tradition est désormais menacée. Le 22 mai 2025, le Sénat américain, dominé par les républicains, a adopté une résolution visant à annuler cette dérogation. En s’appuyant sur la Congressional Review Act (CRA), une loi rarement utilisée, les sénateurs ont tenté de révoquer une autorité accordée non par une agence fédérale, mais par l’EPA (l’Agence américaine de protection de l’environnement).
Problème : selon plusieurs juristes et le Government Accountability Office, cette procédure est inadaptée au cas californien. Elle dépasse les compétences du Congrès et les délais légaux de révision. Autrement dit, elle serait illégale. Le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, a décidé de prendre le sujet à bras-le-corps. Il a immédiatement annoncé une action en justice pour faire annuler cette décision qu’il qualifie de « coup de force illégal ». Et il en profite pour enfoncer la politique de Trump.
Ironiquement, il a repris le slogan du nouveau président des États-Unis : « Make America Great Again », et affirme que cette tentative des républicains n’a qu’un seul objectif : « Make America Smoggy Again » (rendre l’Amérique à nouveau polluée). Le gouverneur accuse ses adversaires de sacrifier la santé publique et l’innovation automobile pour des motifs partisans. Et cela au risque d’aggraver la dépendance énergétique américaine et de laisser le champ libre à la Chine dans la course aux véhicules électriques.
La Californie n’a pas encore déposé officiellement sa plainte, mais l’État s’appuie sur des précédents solides. À plusieurs reprises, les tribunaux lui ont donné raison lorsque son droit à protéger la qualité de son air était attaqué. La dernière décision favorable remonte à décembre 2023. À ses côtés, plusieurs ONG, dont l’Environmental Defense Fund, dénoncent une attaque contre la santé publique et la transition écologique. Pour elles, les normes californiennes sauvent des vies et réduisent les maladies respiratoires.
La portée de cette affaire dépasse les frontières californiennes. Environ 11 autres États américains suivent les règles de l’État de l’ouest. Ensemble, ils représentent près de 40 % du marché automobile américain. Si la dérogation californienne venait à tomber, c’est toute la stratégie de réduction des émissions des États progressistes qui vacillerait. Et, avec elle, les engagements climatiques du pays. Une régression d’autant plus paradoxale que l’électrification du parc automobile est un enjeu de souveraineté industrielle.
C’est peut-être là que le paradoxe devient le plus criant. Alors que l’Europe, la Chine et même certains pays émergents fixent des calendriers ambitieux pour interdire la vente de véhicules thermiques, le Congrès américain, censé défendre l’intérêt général, tente d’interdire… leur interdiction. En s’opposant aux normes californiennes, les élus républicains prennent le contrepied d’une dynamique globale. Le monde avance vers l’électrique, mais Washington semble regarder dans le rétroviseur.
Derrière ce bras de fer institutionnel, se cache une fracture profonde entre deux visions de l’avenir. D’un côté, des États comme la Californie misent sur l’innovation. De l’autre, une frange du Parti républicain continue de défendre les énergies fossiles et s’oppose systématiquement aux régulations environnementales, au nom d’une liberté économique souvent confondue avec l’inaction. Une fracture qui reflète aussi l’affrontement entre le pouvoir fédéral et des États qui revendiquent de plus en plus d’autonomie.
À lire aussiAlpine : des ambitions américaines perturbées par les droits de douane de Donald TrumpL’issue de ce conflit se jouera probablement devant les tribunaux dans les mois à venir. En attendant, la Californie maintient ses objectifs : mettre fin à la vente de véhicules thermiques neufs d’ici à 2035. Cette échéance, alignée avec le calendrier de l’Union européenne (à moins que nos règles évoluent ?), reste une priorité pour l’État le plus peuplé des États-Unis, aussi moteur qu’influent. Et quoi qu’en dise le Sénat, le combat pour un air plus pur semble loin d’être terminé.
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