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Si l’on attend un développement en matière de bornes de recharge pour véhicules électriques et hybrides rechargeables, c’est bien dans la densité du maillage national, principalement. Le témoignage d’un couple de nouveaux électromobiliens semble indiquer que les marques d’incivilités sont en forte progression. Le présent article en appelle à la propre expérience de ses lecteurs, dans les commentaires.
Michel et Hélène, qui ont demandé à témoigner sous couvert de l’anonymat, ont reçu en mars dernier leur première voiture électrique : une Hyundai Ioniq. Heureux de rejoindre la communauté des électromobiliens qu’ils pensaient plus éco-responsables que la plupart des automobilistes, ils ont décidé de partir pour une petite expédition de la recharge autour de chez eux. Et là, ils ont reçu une avalanche de critiques.
Pour les commenter, j’ai interrogé 3 gros rouleurs : Thierry Bertin qui va de rallye en rallye avec son Kia Soul EV, Jean-François Villeret qui a fait son métier d’en organiser, et Robert Morandeira (Bob66), très actif également, aussi bien comme concurrent que comme concepteur de telles manifestations. Pour précision, notre couple de quinquagénaires ne cherche ni à se plaindre, ni à se faire plaindre : ils espèrent avant tout : comprendre !
Parmi les reproches adressés à Michel et Hélène, alors qu’il rechargeaient leur voiture électrique à une borne DBT du réseau Nissan-Auchan : « Vous n’avez pas une Nissan, donc vous n’avez pas le droit d’utiliser cette borne ! ». Soyons clairs : Dans sa volonté de développer la mobilité électrique, Nissan a noué quelques partenariats, notamment avec Ikea et Auchan, pour installer quelques bonnes dizaines de bornes rapides en France, mais aussi ailleurs.
Elles sont destinées à tous les électromobiliens pour la recharge des batteries des voitures électriques et hybrides rechargeables compatibles. Même si rien ne l’interdit, il est préférable de ne pas les exploiter avec des modèles qui n’acceptent que la recharge lente, voire accélérée lorsque des points plus adéquats sont accessibles à proximité.
Cette fameuse borne, utilisée par Michel et Hélène, n’est prévue que pour une connexion CHAdeMO ou type 2. Or, la Hyundai Ioniq exploite le standard Combo pour la recharge rapide. Dans ce cas, le véhicule ne se ravitaille qu’à la puissance de son chargeur 7 kW, via l’entrée type 2.
Plusieurs heures sont donc nécessaires pour faire le plein en énergie des accumulateurs. Pour nos grands rouleurs, et en particulier Thierry Bertin et Jean-François Villeret, cette situation n’est pas acceptable, sauf, éventuellement, si le conducteur branché reste à côté du véhicule pour céder la place à quiconque a un impérieux besoin de se recharger pour poursuivre son chemin. « Si je traverse la France avec mon Soul EV et que je trouve une Ioniq sans son propriétaire à côté, en train de charger sur une borne rapide, c’est sûr, je vais mal le prendre », commente Thierry Bertin. « Je saurais rester modéré et poli, mais je dirais ma façon de penser et l’ai déjà fait », poursuit-il. De son côté, Jean-François Villeret plaide pour « que les bornes rapides soient réservées à des charges d’une puissance minimum de 22 kW, et même uniquement à la recharge rapide s’il y a une borne accélérée à proximité ».
S’il est indiqué sur le corps du matériel que l’on peut recharger 80% de la capacité de la plupart des voitures électriques avec une borne rapide, cela ne signifie pas pour autant que ces 30 minutes constituent une limite stricte à ne pas dépasser. Mais… « J’estime que 45 minutes de mobilisation devraient être un maximum sur une borne rapide, pour assurer une rotation de la recharge un minimum correcte, sauf, bien entendu, si le propriétaire est près de sa voiture pour céder sa place », indique Jean-François Villeret. « Une Zoé 40, par exemple, qui nécessite 1h30 à 2h00 de connexion a-t-elle sa place devant une borne rapide installée chez Auchan ? », interroge l’homme au SUV coréen.
Pour dépasser ce problème, le dirigeant de Tour véhicules électriques imagine : « Les 30 premières minutes de recharge gratuite aux bornes rapides, puis une tarification progressive ensuite ». Il justifie : « Tesla a mis en place des pénalités financières aux superchargeurs au-delà de la période de charge ; auparavant, il n’était pas rare qu’un propriétaire de Model S laisse toute la nuit sa voiture branchée alors qu’il dormait à l’hôtel à proximité ».
Michel et Hélène ont été écartés d’une borne rapide au motif qu’ils habitent dans le département de son implantation. « Une borne rapide n’est pas faite pour être mobilisée par quelqu’un qui habite à 10 kilomètres d’elle ; même si on ne peut empêcher personne de s’y raccorder, il me paraît normal de privilégier son utilisation pour ceux qui effectuent des déplacements importants », répond Jean-François Villeret.
Thierry Bertin cite le cas extrême « de salariés de centres commerciaux qui laissent toute la journée leurs voitures électriques branchées sur des points de charge de ces sites, y compris sur des bornes rapides ». Robert Morandeira abonde : « J’avais repéré une Nissan Leaf dont la charge était terminée ; un couple arrive et range les courses de le coffre, et s’apprête à repartir à pieds vers un magasin en laissant la voiture à la même place ; ils n’étaient pas contents, mais je leur ai dit qu’ils devaient déplacer leur véhicule pour permettre à quelqu’un d’autre d’utiliser la borne ». Jean-François Villeret complète : « J’ai vu un propriétaire de Kia Soul EV brancher sa voiture à une borne rapide et repartir dans un autre véhicule pour ne revenir que quelques heures plus tard récupérer son SUV ».
Qui est prioritaire à une borne de recharge rapide ? Le premier arrivé, celui qui n’a besoin que de 10 minutes de connexion face à un autre qui envisage de rester branché 45 minutes, ou celui qui effectue un long trajet et dont le temps passé aux bornes dans la journée devra être le plus court possible.
« Si, quand je viens à peine de mettre en charge ma Tesla à une borne rapide, arrive un autre électromobilien, je discute avec lui pour connaître ses impératifs : s’il habite à côté, je me dis qu’il n’a pas de raison d’être plus pressé que moi, mais s’il est en train de réaliser un grand parcours et n’a besoin que de 10-15 minutes de connexion, ça m’arrive de céder la place », témoigne Jean-François Villeret. « Plutôt que de parler priorité, résoudre les petits conflits aux bornes est avant tout une histoire de courtoisie », poursuit-il.
Est-il besoin de présenter l’ACOze, l’Association des conducteurs d’automobile à zéro émission de gaz de combustion thermique ? Elle a réalisé un disque à glisser derrière le pare-brise, à exploiter dans 2 cas de figure : en charge, pour indiquer l’heure estimée de fin de l’opération et communiquer un numéro de téléphone à appeler en cas de besoin ; en attente du câble mobilisé par un autre véhicule, avec l’indication du portable à joindre pour signaler que le point vient d’être libéré.
On a reproché à Michel et Hélène de ne pas utiliser ce disque qu’ils ne connaissaient pas. Si l’on ne peut que conseiller de l’avoir avec soi, nul ne peut exiger que tous les utilisateurs de VE en possèdent un. Toutefois, il est intéressant, pour chacun, de prendre l’habitude d’informer de ses intentions lors de la recharge d’un véhicule électrique ou hybride rechargeable en notant un numéro de portable à composer en situation d’urgence. Ca éviterait bien des désagréments. « J’ai déjà vu une trappe arrachée sur une voiture qui monopolisait une borne depuis trop de temps », témoigne Thierry Bertin. Et que dire de ces recharges sauvagement stoppées avec le bouton d’arrêt d’urgence afin de récupérer le câble : on laisse la trappe du premier VE ouvert… même s’il pleut !
Doit-on rappeler ce phénomène des voitures ventouses qui squattent sans raison les places réservées à la recharge. Des modèles thermiques, mais aussi électriques qui ne sont pas branchés. « On y trouve de plus en plus souvent des hybrides rechargeables dont les propriétaires estiment avoir le droit de se garer à ces places », réagit Robert Morandeira. « Sur les emplacements publics dédiés à la recharge des VE, la police municipale devrait sévir, comme pour ceux réservés aux personnes à mobilité réduite », souligne-t-il. Ce type de problème, il le constate régulièrement, dans l’indifférence totale des forces de l’ordre.
La loi donne pourtant raison au président de L’Ame66, et en particulier le chapitre III de l’article R417-10 du Code de la route : Est « considéré comme gênant la circulation publique … le stationnement d’un véhicule devant les dispositifs destinés à la recharge en énergie des véhicules électriques ». Selon les dispositions du texte, « tout arrêt ou stationnement gênant prévu par le présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe ». Soit, à ce jour, 35 euros pour la praline forfaitaire, éventuellement minorée à 22 euros, ou majorée à 75 euros. En outre, « lorsque le conducteur ou le propriétaire du véhicule est absent ou refuse, malgré l’injonction des agents, de faire cesser le stationnement gênant, l’immobilisation et la mise en fourrière peuvent être prescrites dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3 ».
Nos 3 témoins s’accordent à dire que les problèmes rencontrés devant les bornes de recharge vont s’accentuer. « Et ce n’est pas comme ça qu’on va faire progresser la mobilité électrique », se désole Robert Morandeira. « A l’aéroport de Los Angeles, les bornes de recharge ont été démontées car ça en venait aux mains », cite en exemple Thierry Bertin.
« Plus il y aura de VE, plus on risque d’aller au conflit », estime-t-il. « A qui ou à quoi la faute ? Au manque de bornes ? Au fait qu’elles soient encore très souvent totalement gratuites d’utilisation ? Parce que des électromobiliens se donnent le droit de les mobiliser longtemps alors qu’ils pourraient recharger chez eux ou utiliser des points proches plus adaptés et/ou moins fréquentés ? », s’interroge Jean-François Villeret.
« Il y a un gros défaut de communication dans les concessions », estime Thierry Bertin qui souhaiterait que les professionnels concernés « expliquent très clairement aux nouveaux électromobiliens comment ils peuvent recharger leurs voitures électriques, sur quelles bornes de préférence, en combien de temps et sous quelles conditions ».
Jean-François Villeret pointe également « un manque d’information de la part des concessionnaires », en pensant à ce propriétaire de Soul EV qui ne comprenait pas que la recharge rapide s’arrête automatiquement un peu au-dessus de 80%, l’accusant d’avoir stoppé l’opération en débranchant le câble. Il milite aussi pour « la fin d’un système gratuit qui cause un peu tous ces problèmes ». En rendant la recharge payante, au moins au coût domestique, et en alourdissant la charge financière après un certain délai, – 30 minutes par exemple -, on éliminerait les voitures qui restent branchées inutilement, et les locaux qui monopolisent très régulièrement les bornes par économie.
Dans différentes villes de France, il a été observé une plus grande affluence aux bornes entre 17 et 19 heures, ce qui correspond à la tranche horaire de sortie des bureaux. « Souvent, il s’agit d’habitués qui attendent la fin de la recharge dans leur voiture, de peur qu’elle soit débranchée », me glisse un témoin. « En implantant des bornes accélérées à côté des rapides, on évite que certains modèles bloquent un matériel qui n’est pas fait pour eux », ajoute le dirigeant de TVE.
« Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre ! ». Jean-François Villeret cite ce passage biblique pour faire s’interroger les donneurs de leçons. « Font-ils toujours les choses correctement devant une borne ? », lance-t-il, avant de rappeler qu’il convient avant tout de « s’exprimer avec courtoisie entre électromobiliens, et plus généralement entre automobilistes, et d’abandonner toute agressivité ».
Robert Morandeira plaide pour « la pose d’un panneau à chaque station de recharge qui indiquerait un code de bonne conduite et des conditions d’utilisation, en particulier une limite en durée pour favoriser la rotation devant les bornes ». Il déplore que « rouler en véhicule électrique n’aille pas de paire avec une attitude plus civilisée au volant et au moment de la recharge ».
Pour le mot de la fin, en nous inspirant du travail de l’ACOze, citons 5 règles importantes à suivre :
Automobile Propre et moi-même remercions vivement Jean-François Villeret, Robert Morandeira et Thierry Bertin d’avoir accepté de commenter les aventures de Michel et Hélène.
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