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Chaque interview que nous organisons chez Automobile Propre laisse une impression unique. Avec Mathieu, nous avons été, au bout de 35 minutes, touchés par une salve d’anecdotes dont les premières remontent au début de sa vie professionnelle, lorsqu’il était chez EDF : « Les anecdotes, c’est ça qui rend drôles les expériences ».
On trouve parmi nos lecteurs un bon nombre de pionniers qui ont adopté la voiture électrique à titre personnel le plus souvent pour des raisons écologiques. L’offre était très limitée dans la première décade des années 2000, le marché presque secret de l’occasion étant principalement alimenté par des véhicules provenant de grandes administrations et d’entreprises de niveau national et stratégique comme EDF. En raison d’une autonomie très chiche et d’un temps de recharge assez long, beaucoup des professionnels qui ont utilisé ces engins en première main l’ont vécu comme une punition.
Pire encore avec les modèles fonctionnant avec des batteries au plomb. C’était le cas de la Volta produite par la société européenne des électromobiles rochelaises (SEER). Avec les 16 blocs de 6 V qu’elle embarquait en alimentation d’un moteur développant une puissance de 13 kW, il ne fallait pas en attendre beaucoup d’elle.
Cet engin relativement coupleux était crédité d’une autonomie de 60-80 kilomètres pour une vitesse maximale de 75 km/h difficile et même dangereuse à atteindre : « En réel, il ne fallait pas compter sur plus de 40 km. Le midi, nous la branchions dans le sous-sol du siège EDF de Pantin pour ne récupérer que 4 ou 5 km d’autonomie. Nous parcourions de 15 à 20 km par jour pour effectuer la relève des compteurs électriques sur le secteur d’Aubervilliers. Nous garions la Volta dans un coin et nous avancions à pied ensuite ».
Sur sa durée de production de 1990 à 1995, la Volta est sortie en moins de 600 exemplaires, principalement livrés à EDF : « Ayant fait l’école EDF pour devenir monteur sur le réseau électrique, j’avais à peine la vingtaine quand j’ai travaillé à l’agence d’Aubervilliers. Notre site testait un grand nombre d’innovations comme le téléreport, de nouveaux compteurs, les premiers fusibles en plastique et les voitures électriques ».
La Volta empruntait à la Peugeot 205 le pare-brise, les feux arrière et les jantes : « Je l’ai su pour le pare-brise à la suite d’une anecdote. Un jour, mon chef avait freiné trop brutalement et les roues arrière s’étaient levées à cause de la légèreté du véhicule vide à l’arrière et d’un empattement très court. Je lui avais alors dit que, si on cassait le pare-brise, on aurait du mal à pouvoir le remplacer. Il m’avait répondu que ce n’était pas un problème car il y avait pas mal de 205 dans le parc d’EDF ».
L’engin n’était pas facile à conduire : « Sur un coup de vent, vous changiez de voie avec la Volta. Entre Pantin et Aubervilliers, il y avait un petit pont incliné avec un feu tricolore au milieu. On avait vraiment peur de tomber sur le rouge si le sol était mouillé, car au redémarrage la voiture patinait avec ses pneus fins et le nez levé. Il fallait laisser passer les véhicules derrière pour faire redescendre la Volta, retrouver de la motricité et passer avec l’élan ».
Véritable utilitaire avec ses versions en fourgon, plateau basculant et pick-up, la Volta a sans doute eu une carrière écourtée en raison de ses limites : « De l’intérieur, on voyait les fibres de la carrosserie. Comme elle n’était pas isolée, on entendait pas mal le moteur qui peinait à faire avancer la voiture quand on accélérait. Les sièges étaient vraiment très inconfortables ».
Mais ce véhicule électrique ne laissait pas indifférent : « Quand nous allions dans les cités pavillonnaires pour relever les compteurs, les anciens qui la trouvaient rigolote venaient nous voir. Comme ça se fait encore aujourd’hui, ils nous questionnaient pour s’assurer qu’elle était bien électrique et pour connaître l’autonomie ».
Ce qui faisait naître de temps à autre de petites moqueries : « Les gens la voyaient comme une grosse boule sur pneus. Certains voulaient qu’on ouvre le coffre. J’ai entendu une fois quelqu’un nous dire qu’avec cette voiture, si on mettait une caisse à outils à l’arrière, on allait perdre 15 km d’autonomie. Je n’ai conduit la Volta que pendant deux semaines. C’était la seule à l’agence ».
Sur la Renault Express électrique que Mathieu a utilisée environ un an, les batteries étaient de type nickel-cadmium : « En fait, je n’ai pas su à l’époque quelle chimie elles avaient. La seule information qu’on m’avait alors donnée était qu’il fallait brancher la voiture tous les soirs. Je n’ai jamais eu de panne avec et elle n’a jamais reçu d’entretien durant mon utilisation, contrairement aux modèles fonctionnant à l’essence. Quand j’ai reçu en 1999 cette Express électrique, elle avait l’air neuf. Son compteur affichait tout au plus 200 ou 300 km ».
À lire aussiTémoignage : William est le seul à vouloir utiliser les voitures électriques de son entrepriseÉtait-ce mieux avec cette camionnette sur le fameux pont entre Pantin et Aubervilliers ? « Non, surtout qu’elle était lourdement chargée en matériel à l’arrière avec des câbles, des compteurs, etc. Elle avait en revanche des sièges confortables. J’utilisais cet utilitaire pour de petites interventions comme des changements de compteur et effectuer des raccordements. Son autonomie était un peu plus élevée, de l’ordre de 50 km. Sur de grosses journées, je parcourais 30-40 km. Une fois, ça a été vraiment très juste pour rentrer ».
On imagine que l’hiver l’autonomie chutait pas mal : « Je ne m’en souciais pas. J’utilisais la voiture et la branchais par réflexe midi et soir. Avec les crans qui servaient de jauge d’énergie, on ne savait jamais vraiment précisément quel niveau il restait, surtout à la fin. En un an, j’ai dû parcourir de 4 000 à 5 000 km. Il y en avait une autre à l’agence ».
Contrairement à la Volta, la Renault Express était moins remarquée : « Les gens la regardaient en se demandant pourquoi elle ne faisait pas de bruit. Mais comme elle était marquée du sigle EDF, ça ne choquait pas grand monde. De l’intérieur aussi, elle était bien plus silencieuse que la Volta ».
Chez EDF Aubervilliers, il y avait aussi des Citroën Saxo électriques : « Celles-là, je les voyais, mais je ne les ai jamais conduites. Ce sont les conseillers clientèles qui les utilisaient. Elles étaient rattachées au siège de Pantin, en face de l’agence où étaient garées les voitures dont je me servais ».
Notre lecteur a toutefois une anecdote à nous raconter à leur sujet : « Quand il avait un modèle essence, un conseiller clientèle s’est fait voler sa Saxo. C’étaient des jeunes de 15 ans qui se sont fait prendre très vite après avoir essayé de braquer des boulangeries avec. Plus tard, le même agent a revécu la situation, mais avec la Saxo électrique. Il l’a retrouvée sur place avec les portes ouvertes : les jeunes n’ont pas dû comprendre ce que c’était que cette voiture et n’ont pas pu la démarrer ».
En 2013, Mathieu travaillait dans un bureau d’études : « Après une grosse réunion, j’avais vu passer une Tesla Model S. Elle était rouge avec l’intérieur blanc. Je suivais l’actualité de la marque depuis le roadster. J’ai lâché devant mon chef que cette voiture représentait l’avenir automobile. Ce à quoi il a répondu que l’électrique n’avait pas d’avenir. Je lui ai dit : ‘Vous verrez dans dix ans’. Et dix ans après, Tesla plaçait un de ses modèles comme voiture la plus vendue au monde ».
Par curiosité, notre lecteur a voulu savoir dans quel modèle roulait en 2023 son ancien chef : « Avec des collègues de l’époque, on a cherché, puis on a trouvé. Après un passage par un modèle hybride, il a maintenant un Porche Macan électrique ». Une nouvelle anecdote remonte dans la mémoire de notre témoin : « Quand j’ai rejoint ce bureau, le premier dossier qu’on m’a confié ,c’était pour l’enfouissement de lignes électriques. L’étude était à la demande de… EDF. Mon chef se demandait ce qui me faisait sourire ».
À 45 ans, Mathieu est aujourd’hui à Poitiers. Il a créé son entreprise de formation à l’habilitation électrique, pour le secourisme, et les travaux publics. Et il roule en électrique : « J’ai pris en LOA il y a bientôt deux ans une Citroën ë-C4. Quand j’ai lancé mon activité, j’ai fait le choix de l’électrique pour l’économie, parce que je roule beaucoup pour mes formations. Mais l’autonomie n’est pas au rendez-vous. À la place des 420 km WLTP, j’ai 330-340 km en cycle mixte, et plus que 170 km sur l’autoroute ».
D’où des contraintes : « J’avais pris ce modèle pour son confort. En pratiquant l’éco-conduite comme je le faisais déjà avec mes précédents modèles thermiques avec d’excellents résultats, je pensais que ça irait concernant l’autonomie. Mais lorsque je devais aller un peu loin, je partais la veille et dormais à l’hôtel. Maintenant, je n’utilise plus cette voiture que pour des petits trajets autour de chez moi ».
À lire aussiTémoignage : Didier veut être un des premiers propriétaires de la Renault 5 Turbo 3E !C’est un autre modèle qui assure les déplacements lointains : « J’ai pris une Tesla Model 3. Il y en avait une à dix minutes de chez moi dans une présentation à laquelle je tenais : rouge avec l’intérieur crème. En revanche, c’était une Performance. Je souhaitais plutôt un modèle à grande autonomie. Avec ses gros pneus, la Perf consomme davantage. J’en obtiens quand même 280-300 km sur autoroute. Depuis que je l’ai reçue en juin 2024, j’ai parcouru 27 000 km avec elle avec une consommation moyenne de 18,6 kWh/100 km pour 40 % d’autoroute ».
Dans quelques mois, Mathieu va changer une nouvelle fois d’orientation, en se rapprochant plus encore de la mobilité électrique : « Souhaitant devenir garagiste branché, je suis déjà passé rencontrer l’équipe de Revolte à Carquefou. Je vais bientôt suivre une de leurs formations ».
Notre lecteur est donc actuellement en pleine préparation de ce projet : « Mon garage pourrait ouvrir en juin ou septembre prochains. Avec Revolte, je vois la relation comme un véritable échange : je compte leur apporter mon aide et mes connaissances ».
Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Mathieu pour sa réactivité, son accueil au téléphone et son témoignage.
Pour rappel, toute contribution désobligeante à l’encontre de nos interviewés, de leur vie, de leurs choix, et/ou de leurs idées sera supprimée. Merci de votre compréhension.
Philippe SCHWOERER
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