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On peut aimer l’automobile et reconnaître objectivement qu’il est urgent de faire évoluer en profondeur cette vieille industrie pour qu’elle apporte enfin de vraies réponses aux enjeux de notre époque.
Car sous ses apparences faussement high tech, plus de 90% de la production automobile actuelle n’est en réalité qu’une caricature du monde d’hier : une industrie qui s’entête à produire des véhicules toujours plus puissants, toujours plus gros, toujours plus luxueux et au final, toujours plus irrationnels au prétexte que c’est ce que le consommateur veut.
Une aberration écologique, économique et, de plus en plus sociale, qui incarne plus que jamais la gabegie actuelle que constitue l’automobile individuelle pour répondre au besoin de mobilité de millions de personnes qui circulent quotidiennement en milieu urbain. Une réalité qu’il devient urgent de solutionner vraiment avec tout ce que cela implique du coté des industriels comme des consommateurs…
Produire des SUV ou mourir : telle semble être aujourd’hui la devise des plus grandes marques automobiles pour continuer à vendre des voitures. C’est dire si l’industrie automobile est en décalage total avec l’urgence écologique et sociale à laquelle de nombreux pays sont pourtant confrontés.
Une réalité d’autant plus difficile à admettre que pendant des décennies, l’Europe – et plus encore la France – a cultivé avec succès un goût marqué pour les petites voitures populaires et bon marché (Citroën 2cv, fiat 500, Renault 4cv…). Une culture du minimum automobile que Dacia a bien tenté de remettre au goût du jour au lancement de la Logan pour finalement céder quelques années plus tard à la folie destructrice du toujours plus en devenant le leader incontesté des SUV « low cost » avec son fameux Duster. Écoulé à plus de 36 000 exemplaires l’an dernier rien qu’en France, ce SUV à l’aérodynamique de boite à chaussure fait pratiquement jeu égal avec le Peugeot 3008 et le Renault Kadjar en terme de vente. Bien moins cher que ses rivaux, le Duster est l’archétype même de ce qui plombe l’économie française : un produit « low cost », importé, à l’efficacité énergétique médiocre et aux performances environnementales minimalistes. Le genre d’engin qui creuse chaque jour un peu plus le déficit commercial de la France, aggrave la dépendance du pays au pétrole et nuit gravement à la qualité de l’air en ville faute de dispositifs anti-pollution performants.
Low cost ou pas, il s’est vendu l’an dernier en France 15 fois plus de SUV diesel que de VE ! Et la tendance ne semble malheureusement pas prête de s’inverser…
Un coup d’œil rapide à l’excellente base de données Spritmonitor suffit à prendre la mesure de l’incroyable gabegie que constitue la production automobile de ces dernières années. Sous des apparences faussement high tech, rares sont les voitures neuves affichant un niveau d’émissions réelles à l’échappement inférieur à celles d’une Toyota Prius de plus de 10 ans.
Plus d’une décennie perdue, pire de recul (!), au bénéfice du toujours plus de gadgets inutiles et de superflu. Un peu comme si, dans le monde de l’industrie automobile, la finitude des ressources naturelles n’existaient pas et que la majorité des besoins en mobilité était constitué de longs trajets en famille plutôt que de courts déplacements journaliers en grande partie effectués en milieu urbain…
Il y a quinze ans de cela, il était très facile d’acheter une familiale d’occasion sans avoir à se soucier outre mesure du coût d’entretien associé, y compris pour des ménages aux revenus modestes. Cette époque est aujourd’hui révolue tant le marché de l’occasion a depuis été alimenté par des véhicules qui regorgent d’équipements en tout genre.
Autre problème bien connu des lecteurs d’Automobile Propre : le type de motorisation qui équipe ces véhicules. Très majoritairement diesel, ces véhicules répondent mal à l’usage qu’en font les ménages, accentuant d’autant les risques de pannes mécaniques au fur et à mesure que le véhicule vieilli. Attirés par des prix relativement bas du fait d’une offre abondante, nombreux sont les ménages qui se laissent finalement tenter par un véhicule d’occasion bien trop sophistiqué par rapport à leur besoin. Avec le risque de devoir se retrouver à payer de grosses factures pour le remettre en état en cas de panne ou tout simplement, pour en assurer l’entretien courant.
Si les constructeurs ont leur part de responsabilité vis-à-vis des excès en tout genre qui caractérisent aujourd’hui l’automobile, les automobilistes ont aussi leur part de responsabilité dans la manière dont ils utilisent leur voiture au quotidien.
Pas besoin d’enquête d’opinion ou d’études financées à grand coup d’argent public pour s’en rendre compte : il suffit de se poser quelques minutes devant une boulangerie, un bureau de tabac ou une école pour prendre la mesure de l’immense gabegie que constitue encore l’auto à pétrole en 2017 : petits trajets effectués moteur froid, moteur allumé même à l’arrêt, temps et énergie perdue à trouver une place, arrêt minute sur passage piéton ou piste cyclable, accélération inutile entre 2 feux rouges, etc…
Une inertie au changement d’autant plus inquiétante que la démonstration n’est plus à faire que dans un grand nombre de cas, il est bien moins coûteux et tout aussi rapide d’accepter de marcher plus ou de rouler moins vite plutôt que de s’obstiner à reproduire des pratiques d’un autre âge…
Combien d’années encore avant que la voiture individuelle passe du statut d’objet privatif très mal utilisé à celui de service (urbain) capable de répondre efficacement aux principaux besoins de mobilité du quotidien qui nécessite l’usage d’une voiture ?
Combien d’années encore les consommateurs vont-ils continuer à plébisciter des produits surdimensionnés 98% du temps au détriment de toutes les autres alternatives disponibles beaucoup plus économes en ressources naturelles ?
L’arrivée de nouveaux services tel que BlaBlaCar, Drivy ou Ouicar a certes permis de faire bouger un peu les lignes. Hélas, pour la mobilité du quotidien, les pratiques évoluent encore très (trop) lentement. La faute entre autre à des modes de vie et à une culture qui reste très auto-centrée comparativement à ce que l’on peut observer ailleurs en Europe.
Face à cette réalité, que peut la voiture électrique, autonome et surtout partagée ? Potentiellement beaucoup, pour peu que le législateur – et au-delà la société tout entière – lui offre de vraies conditions de réussites. Car pour supprimer les très nombreux usages aberrants qui caractérisent encore l’automobile aujourd’hui, le moyen le plus radical d’y parvenir est de supprimer la propriété individuelle au bénéfice du serviciel.
Il suffit de voyager dans les grandes villes d’Europe du Nord pour s’en convaincre : le vélo, avec ou sans assistance électrique, est en train de redevenir le mode de transport urbain par excellence qu’il n’aurait jamais du cesser d’être. Hélas, en France, pour beaucoup de ménages, le vélo reste encore associé à un loisir avant d’être considéré comme une alternative de transport à part entière, malgré un potentiel considérable pour les déplacements à dominante urbaine. Un mode de transport qui lui aussi tire profit des progrès accomplis dans le domaine des batteries, tant pour les modèles urbains (vélo, vélo cargo, triporteur) que pour les modèles plus sportifs (hybride, VTT).
S’agissant des transports collectifs, la situation est un peu meilleure, notamment dans les grandes villes. Pourtant, la plupart des spécialistes s’accordent à dire que l’heure de gloire des transports collectifs urbains est déjà derrière nous compte tenu des coûts de fonctionnement importants qui restent à la charge des autorités organisatrices. Par ailleurs, les transports collectifs urbains ont quelques faiblesses intrinsèques qui les rendent mal adaptés aux petites villes et aux périphéries peu denses où vit près de 40% de la population française. Autre défaut majeur comparativement au vélo : ils coûtent beaucoup plus chers en investissement et en fonctionnement. A l’heure où plusieurs candidats à la présidentielle affirment qu’il est urgent de réduire le poids de la dépense publique, il est sidérant de constater qu’aucun de ces candidats n’ait jugé utile de donner quelques chiffres sur les économies induites au niveau local par un recours accru au vélo plutôt qu’aux modes motorisés qui carburent au pétrole importé et qui coûtent très cher en infrastructures et en pollution induite de toute sorte.
Rappelant au passage qu’en ville l’ennemi c’est la masse, les adeptes du bon sens ont compris depuis très longtemps que même dans le futur, il sera difficile d’égaler l’efficience d’un vélo à assistance électrique pour les déplacements urbains. Mais pour que le vélo/VAE (re)trouve la place qu’il mérite dans notre quotidien, encore faut-il arrêter de concevoir la ville comme on la concevait au milieu des années 80 et que les citoyens acceptent d’adapter leur mode de vie en conséquence…
Vive le futur sobre & intelligent !
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