Photo : Audrey Garric

Des militants écologiques ont bloqué l’assemblée générale de TotalÉnergies à Paris. Les manifestants conjurent le groupe pétrolier d’écouter la science.

Chaque année, les assemblées générales des entreprises pétrolières sont un point crucial pour les militants environnementaux. Ce matin, un groupe de manifestants a ainsi bloqué la salle Pleyel, où se tenait l’assemblée générale de TotalÉnergies.

Dès l’aube, une poignée d’entre eux se sont assis pacifiquement devant le lieu qu’avait choisi le groupe pétrolier. Leur but : dénoncer les projets polluants de TotalÉnergies dans le monde, qui se font en dépit des conseils scientifiques.

Ainsi, on pouvait lire des slogans tels que : “Total détruit, les banques financent, on résiste”. Un autre panneau, très répandu celui-là, expliquait : “Écoutez les scientifiques, plus un seul projet fossile”.

Une affiche déplorait aussi les conséquences de l’exploitation pétrolière et de l’omniprésence des énergies fossiles : “Inondations, canicules, sécheresses, pandémies… le monde selon Total”.

TotalÉnergies était également visé par un slogan dénonçant sa volonté de minimiser la pollution de son activité. “Total, 50 ans de déni climatique”, brandissaient certains manifestants. Parmi ceux-ci, entre autres, des scientifiques et des militants venus d’Ouganda pour protester contre Total.

En effet, on avait appris fin 2021 que le groupe connaissait parfaitement les conséquences liées à son activité depuis 50 ans, mais qu’il n’avait rien fait pour changer cela, ni même tenter de minimiser ses émissions polluantes. On se souvient qu’en 2020, son PDG Patrick Pouyanné avait rejeté la faute sur les consommateurs.

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Le projet EACOP dans le collimateur des militants

Outre ces phrases percutantes, certaines phrases visaient davantage les projets du groupe pétrolier. On pouvait ainsi lire : “EACOP, dernier pipeline avant la fin du monde”.

Le projet EACOP est un oléoduc transfrontalier chauffé, qui s’étend sur 1440 kilomètres. Il part d’une zone de forage en Ouganda, pour rejoindre le port de Tanga, en Tanzanie. Il vise à extraire 200 000 barils de pétrole chaque jour, entre 2025 et 2045.

L’aspect le plus problématique de ce pipeline est le fait qu’il soit chauffé à 50 degrés pour éviter la solidification du pétrole, ce qui contribuera à émettre 34,3 millions de tonnes de CO2 chaque année sur ce seul projet. Sur l’ensemble de son exploitation, cela représente 686 millions de tonnes de CO2.

Outre ces émissions, la pire des conséquences de ce projet d’oléoduc se situe au niveau de la biodiversité. Selon un rapport de Survie et des Amis de la Terre, 2000 km² d’habitats de faune protégée sont menacés.

De plus, le pipeline traversera 35 cours d’eau et deux lacs, dont le bassin du lac Victoria, deuxième plus grand réservoir d’eau douce au monde. La crainte repose sur le risque de fuites ou d’incidents qui pourraient déverser du pétrole dans ces endroits.

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Des militants délogés à la grenade lacrymogène

Malgré l’aspect pacifique de la manifestation, puisque les militants s’étaient simplement assis devant la salle ce matin au lever du soleil, les forces de l’ordre sont intervenues à grand renfort de grenade lacrymogène.

Le journaliste Clément Lanot a filmé un jet de grenade lacrymogène au milieu des militants assis pour les déloger. “En plusieurs années de couvertures d’actions de désobéissance civile, je n’avais jamais vu cette technique”, déplore Clément Lanot sur Twitter. La police a également violenté une journaliste de LCI , qui avait pourtant annoncé son statut.

Par la suite, on a vu des échanges classiques entre actionnaires, militants et députés écologistes. La députée NUPES Manon Aubry a ainsi montré des vidéos d’elles se faisant insulter par certains d’entre eux.

On se souvient que l’an dernier, des actionnaires avaient alpagué des jeunes militants. Un d’entre eux avait même répondu à une manifestante, inquiète pour le climat : “Crève et fais pas chier, […] tout le monde vous déteste”.

Mais au-delà de ces échauffourées, on attend évidemment de savoir quel a été le contenu de l’AG. Car l’an dernier, un vent de rébellion avait soufflé sur la réunion des actionnaires de TotalÉnergies.

Une partie d’entre eux souhaitaient ainsi voir l’entreprise respecter ses engagements climatiques. Nul doute que dans un contexte de plus en plus fragile pour l’industrie pétrolière, ce débat reviendra sur la table des actionnaires.