Présent à Lyon à l’occasion du grand symposium mondial du véhicule électrique (EVS), Renault mettait à l’honneur ses prochaines technologies dans le domaine de la charge. Des innovations que nous explique Thomas Dreumont, EV charging infrastructure expert au sein de la marque au losange.

Capacité batterie, puissance, autonomie… si beaucoup attendent avec impatience de découvrir les caractéristiques techniques de la prochaine ZOE, la marque au losange travaille également sur d’autres innovations autour de la recharge de ses véhicules électriques. De nouveaux standards qui feront leur apparition dans les toutes prochaines années et qui reposeront sur une norme commune, la ISO 15118, qui défini les échanges d’informations possibles entre les véhicules électriques et les bornes de recharge.

Charge bidirectionnelle : le choix du V2G en AC

Le Vehicle-to-Grid (V2G) était l’une des grandes tendances de cette 32ème édition d’EVS. Encore balbutiante, la technologie permet au véhicule électrique de réinjecter l’énergie de sa batterie pour alimenter une maison, un bâtiment ou le réseau. Une brique jugée essentielle pour lisser la consommation et éviter d’importants coûts de renforcement des infrastructures.

Une technologie sur laquelle travaille Renault depuis déjà plusieurs mois mais avec une approche différente de celle des autres constructeurs. Alors que Nissan se concentre aujourd’hui sur la charge bidirectionnelle en courant continu, s’appuyant sur le standard nippon CHAdeMO, Renault fait un choix radicalement différent et s’oriente vers une charge bidirectionnelle en courant alternatif (AC).

Chez Renault, le chargeur n’est donc pas intégré à la borne mais directement dans la voiture avec une capacité de décharge de 7 kW. Une position qui n’est pas sans rappeler celle prise par le constructeur avec son chargeur caméléon sur la première ZOE. Pour Eric Feunteun, directeur du programme véhicules électriques au sein du groupe Renault, cette approche V2G AC en « charge lente » est la meilleure façon de démocratiser rapidement la technologie auprès du grand public. En premier lieu pour des raisons économiques. La technologie étant concentrée au sein du véhicule, la borne se retrouve bien moins coûteuse que les actuelles solutions en DC.

Une nouvelle génération de chargeur que le constructeur teste depuis déjà plusieurs mois. A Ultrech (Pays-Bas), Porto Santo (Portugal) et bientôt à Belle-Ile, la technologie et son intégration au réseau électrique sont étudiées de près. « On teste aujourd’hui un brouillon de la norme qui reste en développement. Il faudra deux à trois ans pour avoir une norme déjà mature. Il faut ensuite embarquer un chargeur réversible, le mettre à l’épreuve avant de mettre des véhicules entre les mains de tout le monde » résume Thomas Dreumont, EV charging infrastructure expert chez Renault.

En d’autres termes, ce chargeur réversible embarqué ne sera assurément pas disponible sur la ZOE 2. « A terme, il s’agira d’une option » prévoit Eric Feunteun qui imagine même l’équipement devenir obligatoire compte tenu des enjeux à venir liés à la montée en puissance de l’électromobilité.

Plug&Charge : la recharge sans badge

Autre innovation présentée par Renault à EVS : le Plug&Charge ! Reposant elle aussi sur la norme 15118, la technologie est régulièrement évoquée par les constructeurs. Dans les grandes lignes, l’idée est de parvenir à s’affranchir du classique badge d’accès aux bornes de recharge pour définir un nouveau protocole d’authentification entre la voiture et la borne en passant directement par le câble de rechargement.

En pratique, le « dialogue » s’enclenche dès lors que l’utilisateur branche sa voiture sur la borne. Transmis par la voiture, un certificat d’authentification passe par différents canaux avant d’être validé et renvoyé pour lancer et facturer la charge.

Si les explications de la vidéo ci-dessous peuvent paraître longues, la connexion est dans la réalité très rapide. « C’est complexe comme beaucoup de nos technologies actuelles mais cela se fait quasi instantanément » explique Thomas Dreumont. « On ne s’en aperçoit pas mais on utilise des certificats similaires tous les jours. Typiquement lorsqu’on paye sur internet » poursuit-il.

Une mise en œuvre complexe car elle nécessite une concertation de l’ensemble des acteurs. « Il faut tout un écosystème pour faire du Plug&Charge. Il ne faut pas seulement que Renault mette quelque chose dans sa voiture – un software avec la norme 15118 – mais aussi que les bornes soient équipées et qu’il y ait un échange d’information entre ces bornes et les voitures pour pouvoir authentifier le certificat transmis » explique le représentant de Renault. « En 2021, on va vraiment voir les choses émerger » estime-t-il.

Comme pour le V2G, les enjeux autour de la normalisation sont très importants pour le Plug&Charge. En premier lieu, il faut parvenir à établir un système de distribution de certificats commun en mettant autour de la table l’ensemble des acteurs concernés : constructeurs, plateformes d’interopérabilité, opérateurs de mobilité, fournisseurs de bornes, exploitants etc… Dans cette histoire, ceux qui ont sans doute le plus à perdre sont les opérateurs de mobilité. ChargeMap, Freshmile, PlugSurfing etc… les spécialistes d’aujourd’hui pourraient être mis de côté, notamment si les constructeurs choisissent d’imposer nativement leurs propres fournisseurs. Sur ce point, l’Europe devra veiller à ce que la concurrence puisse s’exercer librement… Idem quant aux organismes en charge de délivrer les précieux certificats. D’ores et déjà, la guerre de position entre GIREVE et Hubject est palpable, chacun rêvant de détenir le monopole sur le sujet.

Un défi global auquel s’ajoute une problématique très française : celle de la prise Type T2S. Paiement par CB ou badge, il faut aujourd’hui impérativement passer par un moyen d’accès pour déverrouiller l’obturareur et enclencher la connexion de la voiture. De quoi rendre le Plug&Charge redondant et inutile. La réglementation française autour de la présence obligatoire d’obturateur – qui avait déjà largement fait débats à l’époque de la bataille Type 2 et Type 3 – devra donc évoluer pour rendre possible le déploiement de la technologie dans l’Hexagone.