Que deviennent les batteries de véhicules électriques et hybrides une fois usées ? Si les constructeurs automobiles communiquent beaucoup sur leur « seconde vie » comme solution de stockage des énergies renouvelables ou accumulateur domestique, ils restent discrets sur leur recyclage en toute fin de vie. C’est pourtant une activité prometteuse et décisive, partagée par une petite poignée d’industriels. Nous avons eu le privilège de pénétrer les entrailles de la SNAM, une de ces sociétés, sur leur site de Saint-Quentin-Fallavier près de Lyon.
Huit mois : c’est le temps qu’il nous a fallu pour décrocher la visite d’un site de recyclage de batteries ! En France, deux entreprises se partagent la quasi-totalité du marché : Eurodieuze en Moselle et la Société nouvelle d’affinage des métaux (SNAM) dans le Rhône. La première, qui retraite notamment les batteries de la gamme électrique Renault, n’a jamais donné suite à nos demandes. Ça n’est qu’au terme de nombreux appels et e-mails que la seconde, la SNAM, nous a enfin accordés un reportage.
Pourquoi tant d’attente ? A notre arrivée, Frédéric Salin, le responsable grands comptes de l’entreprise et guide à cette occasion l’explique : « il a fallu demander à tous nos clients [constructeurs automobiles, ndlr] s’ils acceptaient la présence d’un journaliste dans notre usine ». Ces derniers seraient en effet méfiants, leurs batteries étant complètement mises à nu lors du recyclage. Notre demande a finalement été acceptée à condition de ne réaliser aucune prise de vue sur le site. Les photos publiées dans cet article sont donc intégralement fournies par la SNAM.
Des batteries importées du monde entier
Avant de pénétrer au cœur de l’usine, il faut enfiler des équipements de sécurité individuels : sur-chaussures renforcées, blouse et masque à gaz intégral à double cartouche. Sur la porte d’entrée, un écriteau met en garde : « Cadmium » y est mentionné en grandes lettres noires sur fond jaune. Une fois poussée, la chaleur est immédiatement prenante : elle vient des trois grands fours à pyrolyse dans lesquels les cellules sont portées à haute température afin d’en séparer les éléments.
Le bâtiment principal n’est pas vaste, pourtant des piles et batteries y arrivent du monde entier, transportées dans des barils métalliques étiquetés d’un losange noir et blanc. 18% des accumulateurs proviennent de l’hexagone, 79% de l’Union européenne et 3% du reste de la planète. De part et d’autre, des bacs empilés sur 4 à 5 mètres de haut les stockent par catégorie. Un tri réalisé à la main par un opérateur, dans un bruit parfois assourdissant.
Le recyclage facturé jusqu’à 6000 euros la tonne aux constructeurs
A l’opposé, une petite zone est réservée aux batteries de véhicules électriques et hybrides. La SNAM affirme y traiter 90% du marché européen du recyclage des batteries de traction. Signalées par les concessionnaires via un logiciel dédié, les batteries sont transportées jusqu’à l’usine par la société, qui facture les constructeurs de frais de « logistique et recyclage » allant de 4000 à 6000 euros la tonne.
Semblables à des chirurgiens, trois employés masqués et gantés dissèquent un pack assez volumineux. Le regard concentré, ils s’affairent à séparer chaque élément. Ils les disposeront ensuite dans des casiers situés à proximité. On y aperçoit des étiquettes et des pièces métalliques où figurent les noms de grands constructeurs automobiles dont certains doivent rester confidentiels, nous explique le responsable. Un bac contient des éléments plastiques qui seront confiés à une entreprise spécialisée. Un autre des cellules plates, puis un peu plus loin un casier est rempli de cellules cylindriques. Elles seront transportées à quelques mètres de là, dans la salle des fours.
Des fours à 500 degrés pour transformer les cellules
Le rideau de séparation qui se lève laisse échapper l’intense chaleur rayonnée par les fours à pyrolyse au gaz. Il y en a trois grands dans lesquels une voiture entière pourrait tenir et deux plus petits, à taille d’homme. Sur l’un d’eux il est peint « Lion » pour « Lithium Ion ». Un plateau rempli de cellules carbonisées vient de sortir d’un des fours. Éventrées par la chaleur, qui peut atteindre les 500 degrés, certaines ont gardé leur forme cylindrique.
Ce processus permet de débarrasser les cellules de leur enveloppe et de transformer les éléments qu’elles contiennent en « oxydes ». Selon Frédéric Salin, elles ne sont plus considérées comme dangereuses à l’issue de cette étape et peuvent être transportées comme une marchandise classique. Elles sont donc expédiées par camion dans la seconde usine de l’entreprise, à Viviez dans l’Aveyron, où les différentes matières sont extraites, séparées et récupérées via des procédés comme l’hydrométallurgie, des systèmes de « réacteurs » et « filtres presse ». La SNAM commercialise ensuite des poudres et lingots de cadmium, nickel, cobalt, cuivre, aluminium, terres rares et lithium dont la pureté est adaptée aux acheteurs.

Deux fours à pyrolise de l’usine de Saint-Quentin-Fallavier – Photo SNAM
2% des déchets non-recyclables
Les fumées issues des fours sont dirigées vers des filtres qui permettent d’épurer et capter certains matériaux. Les gaz traversent plusieurs strates avant leur rejet dans l’atmosphère : une unité de post-combustion, un système d’injection de bicarbonate et de charbon puis une série des filtres baptisés « finisseurs » et « ultra » et enfin une « tour à charbon ». Les fumées sont ensuite contrôlés puis envoyées dans de courtes cheminées d’où nous n’avons pas constaté d’émanations visibles.
A travers son masque, Frédéric Salin explique que la pression de l’air à l’intérieur de l’usine est maintenue à un niveau plus bas qu’à l’extérieur. Un système qui permettrait d’éviter une fuite de pollution dans l’hypothèse d’un incident. Selon le cadre, les déchets ultimes captés par les filtres représenteraient « un fût pour plusieurs centaines de batteries recyclées ». « 2% des déchets issus du recyclages ne peuvent pas être retraités et sont envoyés à l’enfouissement […] soit 20-30 tonnes par an sur 6000 tonnes » explique t-il. Pour diminuer la part de matériaux non-récupérables, l’entreprise affirme aussi collaborer avec les constructeurs automobiles et fabricants de batteries pour intégrer le recyclage dès la conception des packs.
Faibles rejets de cadmium dans l’environnement
A l’extérieur du bâtiment, des capteurs veillent sur les rejets dans l’air comme dans le sol. Une boucle fermée permet également au site de retraiter toute l’eau consommée sur place. Le responsable l’assure : l’entreprise est étroitement surveillée par les services de l’État. Elle est d’ailleurs engagée dans une démarche de Responsabilité sociale des entreprises (RSPE) et certifiée ISO 14001, une norme qui implique la maîtrise de son impact sur l’environnement.
En 2017, l’usine aurait ainsi rejeté 98 grammes de cadmium dans l’air sur les 1,5 kg autorisés annuellement par la préfecture. Le site de Vierzon quand à lui a émis 219 grammes dans l’air sur les 4 kg autorisés. Ce dernier continue cependant de rejeter du cadmium dans l’eau : 36,47 grammes en 2017 sur les 730 grammes autorisés. Selon Frédéric Salin, l’entreprise travaillerait à l’installation d’un système de boucle d’eau fermée similaire au site de Saint-Quentin-Fallavier afin de supprimer cette source de pollution.

Des filtres à fumées à l’usine de Saint-Quentin Fallavier – Photo SNAM
Un sarcophage pour batterie accidentée à 10.000 euros pièce
De l’autre côté de la rue, la SNAM a récemment acheté deux vastes hangars en prévision d’une hausse d’activité. Ils n’abritent pour l’instant que des stocks de matériaux et une étonnante boite aux allures de sarcophage que le responsable est fier de présenter. Massif, l’outil permet de transporter des batteries de véhicules électriques accidentés. D’un prix de 10.000 euros pièce selon le cadre, elles sont envoyées aux services après-vente pour rapatrier en toute sécurité les packs endommagés. La boite est notamment équipée d’un système d’extinction d’incendie via un tuyau dispersant un liquide spécial, d’une bâche isolante et d’un manomètre.
Explosion du nombre de batteries de véhicules électrifiés à recycler
De l’espace, la SNAM va en avoir besoin. Alors que la société recevait en 2011 sa toute première batterie de véhicule électrifié sous contrat avec un constructeur (un pack de Toyota Prius), elle prévoit de traiter 220.000 accumulateurs de véhicules hybrides et 40.000 de véhicules électriques en 2020.
En 2017, elle a procédé au recyclage de 170.000 batteries d’hybrides et 30.000 de véhicules électriques. 10% des accumulateurs qu’elle réceptionne sont aujourd’hui issus de véhicules électrifiés. Un taux qui est appelé à exploser puisque, de seulement 12 tonnes de batteries de V.E et hybrides recyclés en 2012, l’entreprise est passée à « environ 500 tonnes » en 2017. Ces « batteries industrielles » dont les packs de véhicules électrifiés font partie avec les batteries « stationnaires » doivent représenter 70% des déchets reçus par l’usine en 2022, contre 40% actuellement. La société investit par ailleurs 1,5 à 2 millions d’euros par an pour l’amélioration et l’extension de ses activités.
Fabriquer des batteries neuves à partir de cellules recyclées
Avec autant de cellules à recycler, la SNAM s’est penchée sur une nouvelle spécialité : la fabrication de batteries. Lancé en 2017, son projet baptisé « Phenix » doit aboutir sur la vente d’accumulateurs « seconde vie ». Entièrement fabriquées à partir de cellules retraitées, ces batteries équiperont par exemple des sites de stockage d’énergie renouvelables ou des industries. Différents types de technologie pourront cohabiter dans des racks modulables de 3,5 kWh et 19 pouces chacun. Après des tests et des prototypes « concluants », l’entreprise prévoit une commercialisation dès 2019.
La mise sur le marché d’une nombre de plus en plus important de véhicules électriques et hybrides imposera naturellement l’expansion de l’industrie du recyclage de batteries. Si l’Europe souhaite à tout prix voir un grand fabricant de batteries s’installer sur son sol, elle dispose déjà d’entreprises expérimentées pour leur retraitement. Un défi reste cependant à relever : celui de recycler 100% des matériaux qui composent les accumulateurs sans aucun rejet polluant dans l’environnement.
Ces tonnages prévus de batteries de VE à recycler posent question sur la durabilité actuelle des batteries…, alors que la diffusion de ces véhicules est encore dérisoire !
Je ne peux pas rigoler car je suis au bureau, mais… Des fours à gaz? c’est écolo ça? le gaz quand ça brûle, ça fait du CO2 jusqu’à nouvel ordre, et puis il faut le produire aussi…
Sans parler des filtres utilisés pour ne pas rejeter de saletés dans l’environnement. Un filtre, ça emmagasine ce qu’on ne veut pas laisser passer, donc il faut le recycler aussi, avec toutes les saletés qu’il contient… ça manque de durabilité tout ça
Bonjour à tous,
en ces lendemains de joyeuses fêtes nationales, et au-delà de l’aspect technique et pratique de ces infos, je suis interpellé par le nom « propre » d’une des 2 entreprises citées ?! eurodieuze !? et qui vois-je dedans ? euro… dieu… ze… c’est très surprenant quand même… il serait intéressant de savoir d’où provient originellement le nom de cette entreprise… enfin, c’est comme le champion du monde français de formule 1 électrique ! Mr VErgne… ?! le hasard ou pas fait parfois très bien les choses, à suivre ! ZE… VE… qui cherche trouVE…
ouf heureusement qu’il y a eu le dernier paragraphe sur la seconde vie des cellules li-ion ! j’ai eu peur lol
Enfin un article qui apporte des éléments et arguments afin de convaincre mes collègues qui semble rester sur « oui mais le recyclage des batteries »
Je leur fait déjà remarquer que les 400g de batteries (par collaborateur) de leur smartphone et portable (professionnel) en Li-on, elles doivent bien être recyclées.
En réalisant une estimation, nous allons dépasser les 160Kg cette année.
Bon St Quentin Fallavier c’est dans le Nord Isère, et pas dans le Rhône; même si Lyon n’est pas loin!
Ce n’est peut-être qu’un détail, mais quand on habite dans la même Communauté d’Agglomération (des Portes de l’Isère), avec ses 95000 habitants, ça fait bizarre de se voir placer dans le Rhône.
C’est bien en France on commence par la fin, on ne les fabriques pas mais on les recycles. Pas certain que ce soit le marché le plus « performant financièrement » mais d’un point de vue environnemental c’est super ! Et c’est évident que c’est un métier d’avenir qui a un énorme avantage c’est de ne pas devoir se précipiter en R&D (le temps qu’un nouveau type de batterie arrive au stade du recyclage on a le temps d’analyser sa solution de traitement).
Sinon y a un truc qui m’interpelle, j’y connais rien et si quelqu’un pouvait m’expliquer : Comment peut-on mesurer que l’on rejette très exactement 36,47 grammes de Cadmium dans l’eau sans pouvoir l’empêcher ?!? Si il était marqué un « on estime un rejet de 35 à 40gr » j’aurais compris (genre le delta entre le avant et après traitement) mais là c’est du mesuré ! Style ils ont une balance de compet’ avec une précision à 0.01gr mais on n’est pas foutu de dire a cet appareil « ben au lieu de le jeter à la flotte tu le stockes sur le coté s’il te plait »?!?
En 2017, elle a procédé au recyclage de 170.000 batteries d’hybrides et 30.000 de véhicules électriques […] l’entreprise est passée à « environ 500 tonnes » en 2017.
La quantité et la masse ne colle pas du tout nan ?
Avec un peu de chance & beaucoup de prudence routière, j’espère pouvoir conserver le pack de batterie de mon prochain véhicule lorsqu’il aura atteint ce que je qualifie de fin de vie de ma voiture (environ 8 ans).
En mettant la main sur un spécialiste qui saura le transformer en onduleur suffisamment sécurisé pour ma maison & après déclaration auprès du fournisseur d’énergie, sa seconde vie me permettra de bénéficier d’électricité achetée uniquement aux heures creuses, & protégera mon domicile des coupures d’alimentation.
De plus, ce pack étant en courant continu, il peut fonctionner directement avec une installation solaire & rechargera beaucoup plus rapidement mon prochain véhicule électrique.
Au vue du coût de l’énergie qui progresse, je considère, sauf accident ou dégradation trop importante, qu’il est dommage de disposer d’un pack de batteries & de le vouer à la destruction.
Ce qui est pratique avec les VT c’est qu’on n’a pas besoin de recycler : il suffit de tout balancer dans l’air tout au long de la vie du véhicule…
https://www.automobile-propre.com/dossiers/voitures-electriques/recyclages-batteries-voitures-electriques/
Il serait intéressant de comparer la technologie des batteries au plomb de nos thermiques et celle de la nouvelle technologie au lithium ion de nos voitures électriques modernes. La technologie nickel cadnium semble disparaître par rapport à le technologie lithium ion. Le cobalt semble lui aussi être la bête noir des fabriquants de batteries à cause de sont coût. Son % dans les batteries semble devoir se réduire dans les prochaines annnées.
Bon, si j’ai bien compris il parle uniquement de Cadnium comme matière toxique, et c’est exacte le Cadnium est un toxique pour l’homme et autres. Mais il n’ y a pas de Cadnium dans les batteries lithium ion a ma connaissance.
https://sites.google.com/site/fesherierjojkoqdr/partie-i-les-caracteristiques-des-batteries-li-ion/fonctionnement
Les batteries au cadmium (nickel cadmium) comme élément principal c’est l’ancienne technologie de batteries des Prius et autre Toyota Hybride.
Les voiture rechargable cad électrique où hybride rechargable le sont presque en totalité en lithium ion.
Donc effectivement l’activité principal en volume aujourd’hui de recyclage de batteries autres que les batteries au Plomb correspond aux batteries des batteries nickel cadmium de Toyota. Les batteries lithium ion sont très peu recyclé en volume aujourd’hui du fait de leur second vie. Mais cela viendra.
Mais à ma connaissance quand on retraité des batteries au lithium ion, on n’a pas besoin de masque pour se protéger des poussières toxique du Cadnium.
L’article ne représente pas la réalité de la faible toxicité du Lithium et laisse croire qu’il y a des poussières de cadmium dans les batteries lithium ion. Ce n’est bien évidament pas le cas.
Pour information le plomb et bien plus toxique que le lithium.
« 30 tonnes non recyclables sur 6000 ». Ça fait plutôt seulement 0,5% que 2%, n’est-il pas ?.Merci pour cet article qui manquait en référence.
Si j’ai bien compris cette usine ne s’occupe que de la première étape du recyclage, et produit 2% de déchets.
Mais si l’on prend en compte l’ensemble des étapes de recyclage, quel est le % de matière revalorisée/réutilisée et le % de perte ?
C’est quand même le chiffre global qu’il faut retenir, c’est dommage qu’il manque. Les électro-sceptiques ne seront pas convaincus par ces seuls chiffres et ils auraient raison, c’est trop incomplet.
Article de référence. Merci.
Il serait intéressant aussi d’avoir le topo du recyclage d’un véhicule hors batterie pour mettre en perspective les enjeux. Par exemple, les pneux, plaquettes liquides, plastique, mousses etc ne doivent pas être si faciles à réutiliser. Quelle est la part de déchets « ultimes » sur la partie « conventionnelle » du véhicule ?
Cet article fera un bon lien à envoyer à chaque fois que j’entends la stupidité dire qu’on ne sait pas recycler les batteries…
Merci pour l’article. Voilà de quoi clouer le bec à certains grincheux :p