Le SUV allemand inaugurera une nouvelle plateforme dédiée à 100 % à l’électrique. A quelques mois de sa commercialisation, nous avons effectué nos premiers kilomètres au volant d’un exemplaire de pré-série.

Voici le premier de cordée. L’Audi Q6 e-tron inaugurera dans quelques mois la toute nouvelle plateforme dédiée à l’électrique du groupe Volkswagen. Nous avons pu approcher et conduire ce nouveau modèle – qui arrivera chez nous début 2024 – sur les routes des îles Féroé, archipel perdu entre l’Ecosse et l’Islande.

Ce que l’on sait déjà sur le Q6 e-tron, six mois avant sa sortie

  • Format proche d’un Tesla Model Y (4,75-4,80 m)
  • Deux carrosseries différentes : SUV et « coupé » Sportback
  • Propulsion ou quatre roues motrices
  • Batterie d’un peu moins de 100 kWh (brut)
  • Système 800 volts (270 kW de puissance de recharge)
  • Prix : autour de 70 000 euros en entrée de gamme
  • Premières livraisons : début 2024

Sur le fond, c’est un grand pas en avant avec la première utilisation en série de la nouvelle architecture Premium Platform Electric. Ce Q6 e-tron en bénéficie avant son futur cousin – le Porsche Macan – mais aussi en amont des nouvelles Audi A6 berline ou break. Elle offre notamment la haute-tension 800 volts, autorisant des recharges ultra-rapides. 

Sur la forme, en revanche, pas de surprise. Le design reprend les canons récents de la marque en conservant la calandre octogonale, les optiques avant affinées et la silhouette traditionnelle des SUV de la marque. Elle sera plus lisible lorsque les stickers seront remplacés par les peintures métallisées. Les feux arrière inaugurent une nouvelle génération de segments OLED (voir ci-dessous). Contrairement au Q8 e-tron, ce Q6 se passe de rétro-caméras pour conserver de classiques miroirs. 

Parmi les éléments dissimulés lors de notre prise en main figurait la planche de bord, couverte de bâches en plastique. Elle sera révélée au prochain salon de Munich, marketing oblige. Les contre-portes laissaient entrevoir un niveau d’ajustements « audiesque », même si certains matériaux pourraient encore être améliorés d’ici le lancement. Ceci est une pré-série. 

Le Q6 e-tron sera le premier véhicule 100 % électrique fabriqué dans l’usine historique d’Ingolstadt. Le Q8 e-tron est aujourd’hui assemblé en Belgique tandis que le Q4 e-tron vient de Zwickau, en Saxe (est de l’Allemagne).

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La soute offre – à vue d’œil – environ 500 litres de capacité sans rabattre la banquette arrière, tandis que les places arrière sont généreuses. On a tout de même la (mauvaise) surprise de découvrir un tunnel de servitude – heureusement bas – entre les deux places arrières principales. L’écran d’infodivertissement, invisible lors de notre essai, devrait impressionner par ses dimensions. 

De 370 à 600 chevaux

Notre véhicule d’essai était la future version « 55 ». La chaîne de puissance est composée de deux moteurs logiquement placés sur les deux essieux. Il s’agit à l’arrière d’une machine synchrone à aimants permanents. Sous le capot avant, on retrouve à contrario un moteur asynchrone. 

La puissance cumulée est annoncée autour de 370 chevaux en pointe. Sans surprise, le Q6 e-tron motrice très bien en sortie de virage, même sur le bitume mouillé de l’île de Streymoy. Un grip que l’on doit au système Quattro électrique, gérant en direct le couple entre les essieux avant et arrière en fonction notamment des conditions d’adhérence. 

Le 0 à 100 km/h est d’ailleurs annoncé en six secondes. Une version « S » permettra de boucler le même exercice en 4,5 secondes grâce à une puissance maximale d’environ 600 ch.

Contrairement à d’autres, l’engin corrige assez bien ses tendances sous-vireuses dues à sa masse comprise entre 2 300 et 2 600 kilos en fonction des versions et des équipements embarqués. Le système de freinage aide notamment la voiture à pivoter non pas en distribuant le couple différemment entre les roues arrière mais plus simplement en ralentissant la roue intérieure (brake torque vectoring). Même avec une plateforme toute neuve, Audi n’a pas encore fait de ses SUV des petits rats de l’opéra. L’écart avec un Tesla Model Y se mesure en quintaux… 

La pédale de frein offre une sensation aussi naturelle qu’un système hydraulique classique. On ne peut que s’en féliciter après avoir subi les on-off et autres inconsistances de certains concurrents. 

Comme son grand frère le Q8 e-tron, ce grand SUV est équipé d’un amortissement pneumatique destiné à limiter les effets du poids. Celui-ci absorbe le gros des irrégularités, limite le roulis et efface les méchants gendarmes couchés. L’option sera sans doute très recommandable sur la version finale, même si l’on nous assure (évidemment) que l’amortissement métallique effectue aussi un excellent travail. 

Les grandes et larges roues 21 pouces (nous étions équipés en Bridgestone Turanza de format XXL) laissent entendre plus de bruits de roulement qu’à l’accoutumée. Toutes les garnitures améliorant l’acoustique étaient-elles déjà posées ? Le double vitrage protège en revanche très correctement vos oreilles des coups de vent balayant les îles Féroé.

Plus efficient qu’un Audi Q8 e-tron

Il est évidemment trop tôt pour se lancer dans le jeu des moyennes et des consommations. La plateforme PPE peut accepter des accumulateurs proposant une capacité maximale voisine de 100 kWh (brute). Ici, Audi a recours à la très fréquente composition nickel-manganèse-cobalt, priorisant la densité énergétique. 

Sachez que l’instrumentation numérique nous annonçait environ 450 kilomètres de rayon d’action lors de notre démarrage avec une batterie (presque) à bloc. Avec les pertes à la recharge, cela nous amène vers une grossière estimation autour de 22-23 kWh/100 km de consommation moyenne. 

Lors de notre test, l’évolution de l’état de charge nous paraissait congruente à cette première cote mal taillée. Ce Q6 e-tron ferait donc beaucoup mieux que le Q8 e-tron qui a besoin d’une batterie de 114 kWh (capacité brute) pour proposer la même autonomie. 

Ce nouveau modèle fonctionne avec une tension maximale théorique de 800 volts, soit deux fois plus que ses concurrents. Audi annonce d’ores et déjà une puissance de recharge culminant à 270 kW et le gain de 250 kilomètres en 10 minutes. Votre café n’aura pas le temps de refroidir. Ce qui sera sans doute un argument clé pour rassurer les gros rouleurs. 

Nous attendons avec impatience le premier branchement rapide lors des essais internationaux de ce modèle pour vérifier la bonne tenue de cette valeur. Les tests réservés à la presse devraient intervenir au début de l’année 2024. 

Il y a urgence pour les anneaux. L’an dernier, la part des VE dans les immatriculations d’Audi n’était que de 7 %. Ceci souligne que les amateurs d’anneaux sont peu portés sur l’électromobilité. Ou que les aficionados du véhicule électrique ne trouvaient pas leur compte dans la gamme électrique allemande. Ce Q6 e-tron devra trouver le dénominateur commun.

Des feux OLED nouvelle génération

Arrivée sur nos télévisions dans les années 2010, la technologie OLED (ou organic light-emitting diode) fonctionne à partir de diodes composées d’un sandwich de couches semi-conductrices épaisses de millièmes de millimètres.

Elles permettent de créer une source lumineuse plate offrant des effets 3D, d’affiner le dessin ou de se passer de miroirs et optiques destinés à canaliser le flux de lumière. « Leur durée de vie n’est plus un sujet » nous a assuré Michael Kruppa, le monsieur éclairage et innovation d’Audi. La marque, qui avait introduit la technologie sur les feux arrière de la TT-RS en 2016, propose ici une version évoluée, composée de 360 segments.

Côté style, cette technologie laisse la possibilité d’amuser les voisins avec huit signatures lumineuses différentes. La lumière des feux semble évoluer à tout instant, à l’image d’un feu de camp. Les signatures peuvent être contrôlées via l’écran central ou l’application MyAudi. Il s’agira là d’une option (les anneaux sont fidèles à leur réputation) disponible également via un abonnement.

En revanche, il existe de vraies applications liées à la sécurité routière. Ainsi, le Q6 e-tron pourra afficher un triangle d’avertissement si ses capteurs arrières détectent la présence d’un cycliste au moment où le conducteur s’apprête à ouvrir la porte et descendre du véhicule.

La signalisation nous semble en revanche encore un peu petite pour avoir un vrai impact. Mais les années à venir pourraient voir des transformations des normes d’homologation… et l’arrivée d’écrans plus imposants sur le postérieur de nos autos.

Les feux avant – davantage tournés vers la projection d’une lumière en faisceau – demeurent fidèles à un éclairage par led.

3 questions sur la plateforme PPE d’Audi et Porsche

L’Audi Q6 e-tron sera la première voiture de série conçue à partir de l’architecture Premium Platform Electric. 

C’est quoi une plateforme ?

Dans le lexique automobile, une plateforme désigne un ensemble de pièces communes à plusieurs modèles, voire à des modèles de plusieurs marques. Il s’agit d’organes souvent invisibles mais essentiels pour le conducteur ou la conductrice : soubassements, trains roulants… 

Dans une acception large, on peut inclure les motorisations et la transmission, voire les outils utilisés sur la chaîne de production. Il s’agit d’un « squelette » que l’on peut ensuite garnir de différentes carrosseries ou mouvoir grâce à diverses chaînes de puissance. 

L’intérêt ? Abaisser les coups de conception et générer des économies d’échelle en utilisant un maximum d’organes communs, sans pour autant sacrifier la spécificité visuelle de chaque marque ou de chaque modèle. 

On parle de plateforme modulaire lorsqu’il est possible de commercialiser de modifier l’empattement – la distance entre les axes des roues avant et arrière – ou d’héberger différents types de carrosseries (berline et SUV, par exemple). 

Un exemple parlant est la plateforme CMP du groupe Stellantis qui sert de base à des véhicules aussi différents que la Peugeot 208 thermique et le Citroën C4 X électrique, le Jeep Avenger ou la future Fiat 600e.

Dans le cas d’un véhicule électrique, une plateforme doit être en mesure d’accepter plusieurs architectures de chaînes de puissance ou divers formats de batterie.  

Pourquoi cette nouvelle plateforme ?

La création de la plateforme Premium Platform Electric a été annoncée à l’automne 2019, c’est-à-dire peu après le lancement des premiers véhicules électriques aux anneaux et surtout au moment du décollage de la Tesla Model 3. Elle a été développée par Porsche et Audi. 

La plateforme MLB Evo utilisée pour l’Audi e-tron (aujourd’hui Q8 e-tron) avait été originellement conçue dans les années 2000 pour des véhicules thermiques à moteur longitudinal. Autant dire que pendant la conception du maxi-SUV électrique, sorti en 2019, les ingénieurs ont été contraints de « faire avec » côté packaging, au détriment de l’habitabilité, de l’efficience et du poids (plus de 2,6 tonnes pour l’e-tron…). 

Et la J1 ? Cette plateforme – dérivée de celle de la Porsche Panamera – s’est transformée en électrique avec la naissance des Porsche Taycan ou l’Audi e-tron GT. Principal apport : elle a introduit la tension à 800 volts et donc la recharge ultra-rapide sur le marché. Mais elle coûte cher à fabriquer. Et avec son espace prévu pour accueillir une batterie plate (32 cellules) et un train avant typé Porsche, elle n’est pas très adaptée aux grands SUV qui font le bonheur (et les marges) d’Ingolstadt ou de Weissach. 

Enfin, la MEB destinée aux plus petits véhicules du groupe VW (Volkswagen ID.3, Škoda Enyaq, Cupra Tavascan) mais aussi à Ford (Explorer) n’offre pas suffisamment de latitude pour produire de grands véhicules coûteux. Il faudrait également considérablement modifier cette architecture pour autoriser une tension à 800 volts. 

Quels avantages (théoriques) de la PPE ?

Les deux marques ont donc planché sur la Premium Platform Electric entièrement dévolue au VE et plus modulaire. Selon nos informations (Audi n’a pas souhaité nous communiquer de chiffres précis), elle permet notamment de faire évoluer l’empattement entre 2,89 m et 3,08 m. Les voies avant et arrière permettent également d’accueillir différents types de véhicules. 

La nouvelle plateforme permet également d’héberger différentes largeurs de machines et donc différents niveaux de puissance, même si la configuration asynchrone (avant)/synchrone (arrière) ne peut être modifiée, sauf si vous optez pour une « pure » propulsion. 

Elle autorise également l’utilisation de la tension à 800 volts, contre la moitié aux principaux concurrents. Comme l’indique la fameuse loi d’Ohm, la puissance électrique est le produit de la tension et de l’intensité. Augmenter la tension permet d’abaisser l’intensité, limitant la surchauffe des composants. 

Ceci permet d’alléger le câblage, d’améliorer la gestion de la température et surtout de réduire les temps de recharge. Audi annonce déjà 250 km d’autonomie gagnés en 10 minutes de branchement et une puissance en crête de 270 kW. Aujourd’hui, seul le groupe Hyundai-Kia propose la haute-tension sur des voitures facturés moins de 80 000 euros.

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