Trois semaines après une première tentative infructueuse, le temps de panser nos plaies, et nous remettons le couvert : peut-on déménager en van électrique ? On a retenté l’expérience. 

Notre premier périple en van électrique, mise à l’épreuve pratique avec un chargement de meubles IKEA démontés et de cartons mal scotchés à emmener de Paris à Strasbourg, nous a laissé un goût d’inachevé. Non pas que nous revoyions notre jugement sur le Peugeot e-Boxer, cela reste un bricolage indigne du tarif demandé, que ce soit par son instrumentation de thermique sans aiguille, ses finitions approximatives, son écran de contrôle de Game Boy dans le rétroviseur ou le positionnement incroyablement peu pratique de sa prise de recharge, mais parce que tout aurait pu beaucoup mieux se passer si nous n’avions pas rencontré un malheureux problème technique détaillé dans un encadré plus loin.

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Nouveau candidat : le Ford e-Transit

Il fallait pour renouveler l’expérience un nouveau candidat et notre choix s’est porté sur le Ford e-Transit fraîchement sorti, dans une version 3,5 tonnes L2H2, c’est-à-dire mesurant 2,45 m de haut et 5,53 m de long, avec environ une tonne de charge utile et 9,5 m³ de volume de chargement. Ici, pas de modèle thermique arraché à mi-parcours de la chaîne d’assemblage avant d’être envoyé chez un sous-traitant lointain : le constructeur américain signe ici le projet complet. Côté fiche technique, il frappe déjà très fort avec une puissance de 269 ch, un couple de 430 Nm ou encore une capacité utile de 68 kWh. Ces données, impressionnantes pour un utilitaire, vous disent quelque chose ? C’est normal, moteur et batterie sont partagés avec l’entrée de gamme du Mustang Mach E récemment essayée par Maxime Fontanier, un gage de sérieux et une promesse de disponibilité durable des pièces. Mais ça n’est pas tout : le e-Transit est aussi le seul de la gamme à bénéficier d’un train arrière indépendant, hébergeant son moteur au centre de l’essieu. À bord, on trouve d’autres points communs avec le crossover au nom mythique comme le système Sync 4 du système multimédia, mais aussi un ordinateur de bord digne de ce nom affichant la consommation et des compteurs avec des aiguilles, une vraie révolution par rapport au Peugeot.

Évidemment, la douloureuse mérite bien son nom avec un tarif annoncé de notre modèle d’essai de 62 120 € hors taxe et sans les aides. Mais attention, l’équipement n’a rien à envier à une production pour particulier, avec notamment écran central de 12 pouces, navigation connectée, alerte de franchissement de ligne, aide au maintien dans la voie et allumage automatique des feux avec détecteur de pluie, le tout de série. Ici, un passage par les options à 7 530 € ajoute entre autres la peinture métallisée, la caméra de rétrovision, l’accès et le démarrage sans clé, les jantes alliage de 16 pouces, le régulateur de vitesse adaptatif, les phares Xénon ainsi qu’une source d’alimentation de 230 V/2,3 kW. On peut aussi garder à l’œil l’état de la charge depuis son salon via l’application Ford et il existe toute une panoplie de fonctions gratuites destinées aux flottes permettant un suivi de jusqu’à cinq voitures avec surveillance de la conduite, entretien prédictif et détection à distance d’éventuels problèmes.

Départ de Paris

Le tableau étant dressé, passons maintenant à l’expérience. Tout commence à Nanterre chez Ford France qui, connaissant le premier désastre et le retentissement important, en toute modestie, de l’article qui en a découlé, a validé tout de même le prêt, ce qui demande une belle confiance en son produit et réclame déjà le respect. La prise en mains du Transit se fait donc sur un demi-tour de périphérique évidemment bouché pour passer de la banlieue ouest à la banlieue est. Et c’est là la zone de confort des utilitaires électriques, celle où ils fonctionnent à merveille. Il y a d’abord le silence de fonctionnement et l’absence de vibration auxquels le Ford ajoute la possibilité d’une conduite à une pédale ou presque, ne demandant la sollicitation du frein que pour les ultimes kilomètres/heure avant l’arrêt, ce qui est extrêmement confortable dans les embouteillages. Mais c’est aussi dans ces conditions que, contrairement aux thermiques, les électriques consomment le moins. Avec l’écoconduite la plus élémentaire, je relève en effet en arrivant à destination, après 30 km à 19 km/h, une consommation moyenne de 16 kWh/100 km, ce qui promet plus de 400 km d’autonomie en une charge. C’est bien plus qu’il n’en faut pour satisfaire les besoins quotidiens de la livraison dite du dernier kilomètre, l’étape ultime de la chaîne de distribution en conditions urbaine et périurbaine à laquelle les utilitaires électriques sont aujourd’hui destinés.

C’est à l’arrêt en plein bouchon parisien dans un tunnel du périphérique et entouré d’utilitaires diesel que cet e-Transit semble la meilleure des solutions.

Mais, avec ce deuxième round de déménagement de Paris à Strasbourg, soit 483 km, et comme pour l’e-Boxer, le but est ici d’aller naviguer en eaux troubles, de pousser le concept plus loin pour constater où se trouvent les limites, afin de déterminer précisément le chemin restant à parcourir pour que l’utilitaire électrique supplante le thermique sur l’ensemble des tâches que l’on est en droit d’exiger.

Et l’on commence, pour récupérer les 3 % perdus depuis chez Ford pour partir à 100 %, par une première charge sur une borne de ville à proximité de mon ancien domicile qui, une fois n’est pas coutume, n’est occupée ni par une thermique perdue ni par une électrique pas branchée. Premier bon point : la prise de recharge, située dans la calandre, est plus pratique que sur le flanc gauche du Peugeot, même si on préférera toujours un positionnement sur l’aile avant droite. Succès : la charge se lance et, avec 11,2 kW, la borne valide la puissance en courant alternatif annoncée par Ford sur la fiche technique, lui ajoutant même 0,2 kW.

Avec près de 2,5 m de haut, pas question de se charger dans les parkings souterrains.

Une fois la charge en électrons faite, il est temps de passer à celle d’une nouvelle fournée de cartons avant le grand départ direction l’Est, avec un itinéraire via la N4 identique en tous points à notre première tentative. Il est alors 9 h 27 et la première pause intervient deux heures plus tard, mais seulement pour satisfaire les besoins naturels du conducteur : nous avons fait 145 km et la consommation moyenne s’établit à 24 kWh/100 km. Cela laisse espérer plus de 280 km d’autonomie, mais notre première recharge du trajet est prévue 80 km plus loin sur le parking du bon vieux Leclerc de Bar-le-Duc, presque à mi-chemin de Strasbourg et où se trouvent des bornes DC, celui où les ennuis ont commencé avec le Peugeot. Mais pas pour le Ford, descendu à 21 % de sa capacité, qui accepte avec enthousiasme sa ration de kWh à l’heure du déjeuner.

Comme un petit air de déjà vu…

Cela laisse un peu de temps pour revenir sur cette première moitié du trajet. L’e-Transit s’est montré très satisfaisant en matière de consommation malgré le fait qu’il soit chargé, mais aussi par son confort : son centre de gravité particulièrement bas grâce à l’implantation des batteries le rend totalement insensible au vent latéral, tandis que l’amortissement et l’insonorisation sont dignes d’une voiture « civile ». Ne parlons même pas du répondant de son moteur se riant de la charge supplémentaire qu’il a à traîner.

Une heure et sept minutes plus tard précisément, une fois les appétits du van et de l’humain satisfaits, la borne Freshmile de 50 kW a délivré 43,45 kWh, ce qui donne une puissance moyenne de 39 kW de 21 à 83 %, un chiffre respectable par rapport à la limite, même si l’e-Transit peut accepter jusqu’à 115. Coût de l’opération : 11,5 €.

On pourrait accentuer l’écoconduite pour tirer jusqu’au chef-lieu de l’Alsace sans refaire de recharge, mais, pour jouer la sécurité et prévenir d’éventuelles difficultés de recharge à destination, nous décidons d’à nouveau faire un arrêt une petite centaine de kilomètres plus loin en faisant un léger détour par le Burger King d’Essey-lès-Nancy qui nous avait, lui aussi, déjà accueillis lors de notre précédent périple. Une sorte de pèlerinage en somme. Deux bornes DC se trouvent dans son parking, mais limitées cette fois à 25 kW. Cependant, c’est 25,6 kWh que nous avons récupérés en 58 minutes pour passer de 49 à 83 % de batterie, pour un coût total de 10,60 € sans compter la frite moyenne. Très largement de quoi parcourir les 160 derniers kilomètres.

Premier bilan

Nous arrivons au final un peu après 19 h. Le temps de décharger le camion et nous trouvons une borne Freshmile libre, cette fois-ci en courant alternatif. Il reste 27 % de la batterie et la fin de charge, à 100 %, est estimée à 2 h 17 du matin. Le dîner ponctué de quelques spécialités liquides locales est un moment parfait pour faire un bilan de mi-parcours. Déjà, nous sommes arrivés à destination sans la moindre péripétie, ce qui rend peut-être le compte rendu plus ennuyeux que le premier, mais est plus reposant. Notre consommation moyenne s’est établie à 23 kWh/100 km, ce qui paraît très raisonnable vu l’encombrement et le poids de l’engin. Enfin, l’aller nous aura donc pris un peu moins de dix heures. Est-ce que c’est une durée acceptable pour un professionnel de la livraison voulant relier des métropoles et pour qui chaque minute compte ? Probablement pas. Est-ce que ça l’est pour un particulier qui aurait loué le véhicule pour réaliser, par exemple, un déménagement en un week-end en passant par la nationale ? Bien plus. Surtout avec le facteur financier qui intervient : un équivalent thermique ferait le trajet d’une traite, mais, pour faire mieux que les 22,10 € de charge et avec un litre de gazole à 1,986 € le litre comme à l’heure de l’écriture de cet article, il devrait consommer moins de 2,3 l/100 km de moyenne.

Le bilan en chiffres de l’aller chargé, avec le petit détour par Bar-le-Duc.

Et maintenant, le retour à vide

L’aventure n’est cependant pas terminée : il faut ramener le camion en Île-de-France et le plan est de refaire exactement le même trajet au retour qu’à l’aller pour déterminer précisément l’influence de la masse du chargement sur la consommation. Le camion est à 100 % pour repartir, toutefois la facture est un peu salée, à 26,90 € pour récupérer 51 kWh, mais cela comprend les pénalités de stationnement une fois la charge terminée au milieu de la nuit et un prix au kWh élevé de 0,352 €. Nous repartons au petit matin direction la capitale, mais nous avons perdu 11 degrés par rapport à la veille et il pleut, ce qui fausse grandement les chiffres. Nous relevons cependant un flatteur 21 kWh/100 km au tableau de bord malgré une conduite enthousiaste dans les Vosges : sans chargement pouvant bouger à l’arrière, on pourrait facilement oublier à son volant que l’e-Transit est un utilitaire tant il se montre dynamique et plaisant à emmener vivement grâce à sa répartition des masses, l’absence de trépidations caractéristiques du train arrière et le punch instantané de son moteur. De plus, pas de soucis de freinage une fois le col franchi, puisque la régénération suffit amplement pour ralentir avant les courbes.

Burger King d’Essey-lès-Nancy puis Leclerc de Bar-le-Duc, la consommation ne bouge pas et nous décidons de changer notre fusil d’épaule pour relever d’autres données : remonter jusqu’à Reims afin de rejoindre l’A4 et terminer par l’autoroute. Et c’est là où les choses se gâtent.

Petite poussée d’adrénaline

Toujours strictement rien à reprocher au Ford e-Transit qui est sans le moindre doute le plus polyvalent, confortable, efficient et performant des utilitaires électriques du moment, mais plutôt à l’interface volant/siège qui a trop souvent tendance à tenter le diable. L’objectif est de rejoindre les bornes Ionity du Leclerc Champfleury ce qui, selon la navigation et l’autonomie restante, est possible avec 9 km de « gras » restant. Facile. Sauf qu’une fois arrivé sur place, l’accès à la zone de recharge est protégé par des portiques limitant l’accès aux véhicules faisant moins de 2,10 m. Un coup d’œil un peu nerveux à ChargeMap permet de localiser une autre station Ionity sur l’aire de Gueux un peu plus loin sur l’A4 située à… 10 km.

Il est donc temps de faire preuve d’une souplesse exemplaire de la cheville droite et c’est avec 0 % de charge et quelques gouttes de sueur sur le front que nous parvenons à l’oasis électrique. Cependant, cela donne l’occasion parfaite pour faire précisément un 0 à 80 % et le résultat est excellent puisqu’il a été précisément effectué en 41 minutes et 33 secondes. Il est ensuite temps de reprendre l’A4 direction Paris avec le régulateur de vitesse fixé à 110 km/h. Et là encore, l’e-Transit surprend puisque la consommation moyenne s’établit alors à 31 kWh/100 km, ce qui est à nouveau tout à fait remarquable pour un engin à la surface frontale de 5 m2, même vide.

Autoroute ou nationale, finalement ?

Est-ce que, en ayant eu ses informations au préalable, nous aurions tout fait par l’autoroute ? Probablement pas, puisque le Ford électrique aurait gagné du temps, mais sans pour autant se rapprocher vraiment de ce dont est capable un équivalent diesel, tout en faisant gonfler considérablement le budget charge au point de perdre aussi, et largement, sur ce terrain-là (sans compter les 37,60 € de péage à multiplier par deux). En effet, rien que les 54,949 kWh rémois nous ont en effet été facturés 41,30 €, une opération qu’il aurait fallu répéter sans doute trois fois entre le départ et l’arrivée si nous avions décidé d’opter uniquement pour ce profil de route. De son côté, un Renault Trafic dCi 170 EDC peut faire un Paris/Strasbourg/Paris sans nécessité de faire le plein et avec une consommation moyenne de 6,9 l/100 km. Imbattable sur ce terrain. Le plus rapide reste donc l’apanage du thermique par l’autoroute, mais le moins cher revient donc à l’utilitaire électrique par la nationale.

Qu’est-ce qu’il s’est passé avec le Peugeot e-Boxer ?

Après son retour à Poissy, Peugeot a bien sûr examiné le e-Boxer pour déterminer un diagnostic et m’a fait le retour suivant : il y a un ergot dans la prise de recharge qui a pour fonction de maintenir le connecteur via une encoche sur ce dernier afin que le contact se fasse de façon optimale et permette une charge en rapport avec la fiche technique. Et cet ergot, probablement plié ou coincé, ne faisait pas son travail de « verrouillage », rendant très aléatoire le bon lancement des recharges et ne permettant pas d’atteindre les puissances de charge annoncées quand, éventuellement, elles se déclenchaient.